Archives de l’auteur : Moret Jean-Charles

À propos Moret Jean-Charles

Fondateur de l'Association Pro Forteresse Co-fondateur de l'Association Fort Litroz

Batterie du Mur de l’atlantique – 28 cm – AUSTRÄTT – Trondheim – Norvège

Lors d’un voyage, nous avons eu la chance de pouvoir visiter le fort d’Austrått, un site d’artillerie côtière désaffecté situé à Austrått dans l’Ørland, en Norvège. Il a été construit en 1942 par la Wehrmacht allemande pour protéger le Trondheimsfjord pendant l’occupation allemande de la Norvège durant la Seconde Guerre mondiale. La pièce maîtresse du fort est une triple tourelle de 28 cm SK C / 34 (11 pouces) du cuirassé allemand Gneisenau, qui a été endommagée à Kiel. La tourelle à trois canons pèse 800 tonnes et était capable de tirer des obus de 730 livres à 38 kilomètres (24 mi). Le dernier tir a eu lieu en 1953 et le fort a été mis hors service en 1968. Il a ouvert en tant que musée en 1991.
Comme sa batterie sœur à Sotra près de Bergen, un puits a été creusé dans les rochers pour l’énorme tourelle de canon de l’ancien cuirassé Gneisenau. La tourelle triple SK C / 34 de 28 cm est devenue disponible après l’arrêt du programme de construction de cuirassés de la Kriegsmarine en 1942. La tourelle Anton a été divisée en trois lieux séparés et placée à Fort Rozenburg aux Pays-Bas. La tourelle Bruno a été installée dans un puits à Sotra, en Norvège. La tourelle Caesar a été placée à mi-hauteur de la Norvège occupée. Environ 650 « esclaves » yougoslaves, pour la plupart des Serbes (partisans et tchetniks), travaillaient dans des conditions épouvantables dans les tunnels et les bunkers autour de la colline. En peu de temps, un grand système souterrain avec des bunkers de soutien a été achevé. En août 1943, les canons ont été testés. Cependant, aucun engagement réel n’a eu lieu pendant le reste de la guerre.
La caserne souterraine et le puits de la tourelle avec ses salles de munitions sont ouverts au public. Les Norvégiens ayant maintenu le site en état de fonctionnement jusqu’en 1968, il reste en bon état de conservation. Aujourd’hui, c’est l’un des exemples les plus complets d’une batterie côtière allemande de la Seconde Guerre mondiale.

De plus, le site a toujours ses défenses d’infanterie composées de tranchées et d’un canon antichar de 4,7 cm de fabrication française récemment rénové en état de fonctionnement. Le canon recouvre un mur antichar à travers les bois destiné à protéger l’entrée du complexe.

Artillerie côtière entre Rorvik et Tromsö – Norvège

 Tout au long de la côte norvégienne, des batteries côtières et des dispositifs lance-torpilles défendent les entrées des fjords. Toutes ces constructions font partie du Mur de l’Atlantique, construit par les Allemands durant la deuxième guerre mondiale.

Certains de ces ouvrages ont été maintenus et utilisés par la marine norvégienne après la deuxième guerre mondiale.

Lors d’un voyage en Norvège, nous en avons vu des centaines dont la plusparts sont abandonnées et très abîmées.

Les trois photos en annexe vous présentent un de ces ouvrages.

Batterie allemande Vara, Norvège

La batterie Vara a été construite pour couvrir l’entrée au Kattegat, la région entre le Danemark, la Norvège et la Suède.
Chaque batterie a été équipée de quatre canons de 380mm.
L obus standard pour ces armes à feu pesait 800 kg avec une portée de 42 km.
Il y avait aussi des obus spéciaux qui pesaient seulement 495 kg et pour une portée de 55 km.

La première batterie a été à l’origine nommée Krooden, mais a été rebaptisée au nom d un Major-General qui avait été tué dans la Manche pendant la construction du site qui avait commencé en 1941.
L’année suivante,trois des canons avaient été montés dans une tourelle, Celle-ci pouvait coouvrir 360°.

Un bunker séparé a été construit pour le quatrième canon, avec un toit de béton armé de 450cm épais.
Le canon a été perdu quand le navire de transport portant le fut de 100 tonnes a été coulé dans le Kattegat par un avion Allié en février 1945.

Après la guerre, la batterie a été reprise par la Marine norvégienne et est restée opérationnelle jusqu’en 1962.
Aujourd’hui, un canon a été remis dans la batterie et fait partie d’u musée.

Cette batterie doit vraiment être visitée si vous êtes dans la région.

Ouvrage d’artillerie Maginot de Fermont – Meurthe-et-Moselle – France

L’ouvrage de Fermont est un gros ouvrage d’artillerie, comptant neuf blocs. Construit à partir de 1931, il a été abimé par les combats de juin 1940, avant d’être réparé au début de la guerre froide. C’est désormais un musée ouvert au public.

L’ouvrage est composé en surface de sept blocs de combat et de deux blocs d’entrée, avec en souterrain des magasins à munitions, une usine et une caserne, le tout relié par des galeries profondément enterrées.

Il y a deux entrées, toutes deux situées un kilomètre au sud des blocs de combat de l’ouvrage. L’entrée à l’ouest servait pour le personnel (« entrée des hommes » : EH), tandis que celle à l’est était utilisée pour le matériel (« entrée des munitions » : EM). La porte est placée derrière un fossé diamant, protégée par une grille métallique et une passerelle qui enjambe le fossé. Elle débouche dans un couloir en chicane, protégé par des créneaux FM, qui conduit à une porte blindée et étanche donnant sur le sas. Ce sas est fermé de l’autre côté par une seconde porte étanche. Les deux blocs d’entrée sont en puits, protégées chacun par un créneau mixte pour JM/AC 47 (jumelage de mitrailleuses et canon antichar de 47 mm) et deux cloches GFM.

Les galeries souterraines sont à 30 mètres de profondeur, reliant tous les blocs entre eux ; la liaison avec la surface est assurée par des puits équipés d’escaliers et de monte-charges. Par ces galeries passent les câbles électriques et téléphoniques. La galerie principale allant de l’entrée des munitions aux blocs de combat est équipée de deux rails et d’une caténaire : ce réseau ferroviaire à voie unique (des « gares » avec deux voies existent) est destiné essentiellement au transport des munitions.

Juste à côté de l’entrée des munitions et profondément enterrées, se trouvent les galeries et niches aménagées pour servir de magasin principal (M1) à l’ouvrage. Ce magasin a trois cellules de stockage, desservis par un monorail pour la manutention des casiers à munitions (chacun pour 50 obus). La dotation en munitions correspond à théoriquement huit jours de combat intensif, ce qui fait un stock de 24 800 obus de 75 mm, 6 400 obus de 81 mm, 1 800 obus de 47 mm et 1 820 000 cartouches de 7,5 mm à répartir entre le M1, les M2 (au pied de chaque bloc de combat) et les M3 (à côté des chambres de tir)[].

L’usine souterraine abrite quatre groupes électrogènes SGCM (des moteurs Diesel de 225 chevaux) capables de remplacer l’alimentation électrique fournit normalement par l’extérieur (grâce à un câble enterré). Deux groupes couplés suffisent, mais par sécurité ils sont doublés (en cas de panne) ; l’évacuation des gaz se fait par une cheminée donnant sur l’entrée des hommes. À proximité, se trouvent les réserves d’huile (4 800 litres), les réservoirs à gasoil (185 000 ℓ) et les citernes à eau de refroidissement (225 000 ℓ), soit la consommation théorique pendant deux à trois mois. Dans la galerie reliant l’entrée des hommes à celle des munitions se trouve la batterie de 24 filtres à air (chacun pèse 230 kg) utilisés en cas d’alerte aux gaz. La caserne regroupe les chambrées, les cuisines, l’infirmerie, les sanitaires, les réserves de vivres, la principale citerne d’eau (alimentée par un puits), etc.

Le bloc 1 est un bloc d’artillerie, équipé d’une tourelle de 75 mm modèle 1933, d’une cloche GFM (guetteur et fusil mitrailleur) et d’une cloche LG (lance-grenades).

Le bloc 2 est un bloc d’infanterie, équipé d’une tourelle de mitrailleuses et d’une cloche GFM.

Le bloc 3 est un observatoire, équipé d’une cloche VDP (vision directe et périscopique, indicatif O 3), de deux cloches JM (jumelage de mitrailleuses) et d’une cloche GFM. En dessous de ce bloc se trouve le poste de commandement de l’ouvrage.

Le bloc 4 est une casemate d’artillerie flanquant vers l’est, équipé de trois créneaux pour canon de 75 mm, d’une cloche GFM et d’une cloche JM.

Le bloc 5 est un bloc d’artillerie, avec une tourelle de 81 mm et une cloche GFM.

Le bloc 6 est un bloc d’infanterie, avec une tourelle de mitrailleuses et deux cloches GFM.

Le bloc 7 est une casemate d’infanterie flanquant vers l’est, avec un créneau mixte pour JM/AC 47 (jumelage de mitrailleuses et canon antichar de 47 mm), un autre créneau pour JM, une cloche GFM et une cloche LG.

Nous vous encourageons à visiter cet ouvrage qui l’un des mieux conservé de la ligne Maginot de l’est.

Base de lancement de V1 de la forêt de Nieppe – Dpt du Nord – France

Fin juillet 1944, les rampes de lancement pour V1 et V2 seraient, parait-il, achevées et on annonce leur entrée en fonction pour le 1er août. Mais les escadrilles alliées vinrent les détruire au cours de 8 raids violents sur la forêt : les habitants du Forest durent quitter leurs maisons, heureusement il n’y eut pas de victime, mais des dégâts considérables dans la rue de Tannay . Par crainte des bombardements, 200 soldats allemands cantonnés dans la forêt, vinrent s’installer au village.

Devant l’avancée alliée, les Allemands sont contraints de battre en retraite non sans causer de nouvelles pertes. Ils exécutent quasiment 8 otages de Mont Bernanchon et jettent leurs cadavres à la rivière avant de faire sauter le pont en bois muni d’une guérite qu’ils avaient reconstruit eux-mêmes, pendant l’occupation.

Dans leur fuite, les allemands font sauter le pont levis entre Haverskerque et Saint-Venant, le pont de bois et la passerelle. L’écluse fut endommagée. Un pont provisoire, aussi en bois, relia assez rapidement les deux rives.

Le 31 août 1944 les soldats de l’Organisation Todt quittent le village : 14 cultivateurs sont réquisitionnés pour les reconduire avec leurs attelages, en Belgique jusque Tournai.

Du 1er au 4 septembre 1944, sur la grand route, affluent les convois de l’armée allemande qui fuient vers Hazebrouck : véhicules motorisés et hippomobiles alternent avec les cyclistes et les piétons. Des soldats sont juchés sur des tombereaux, des vieilles voitures enlevées dans les fermes du Pas de Calais et de la Somme voire de Normandie. Dans la nuit du 3 au 4, une quinzaine de FFI tente de faire sauter la grand route ; en les recherchant, les allemands arrêtent et tuent deux jeunes gens.

Dans la nuit du 5 ou 6 septembre 1944, les dernières troupes allemandes quittent Haverskerque

Le 6 septembre 1944 au matin, il règne un profond silence au village. On dit que les Anglais sont à Merville depuis la veille. Les drapeaux apparaissent aux fenêtres. Deux motocyclistes alliés sont à Saint Venant mais ne peuvent franchir le canal. A midi, une vingtaine de chenillettes arrivent de Merville précédées des jeunes du Corbie, à la Croix Mairesse.

wikipedia

Blockhaus allemand d’Eperleques – V1 et V2 – France

Une mystérieuse construction dans la forêt…

Le 16 mai 1943, le service britannique chargé d’interpréter les photographies aériennes ramenées par les avions de reconnaissance, informe le haut commandement allié de l’ouverture par les Allemands d’un nouveau chantier de construction dans le Pas-de-Calais, en lisière sud de la forêt d’Eperlecques.

Les premiers clichés, pris le 16 mai au-dessus de Watten par les Mosquitos de la R.A.F., montrent une gigantesque excavation et des travaux de terrassements de grande ampleur. Deux mois plus tard, une nouvelle série de photographies datées du 14 juillet révèle que les travaux ont nettement progressé : on distingue clairement l’ossature d’une construction. Manifestement, « quelque chose » est en train de sortir du sol dans la forêt d’Eperlecques, quelque chose d’énorme et de totalement inconnu…

Le problème, c’est que la Résistance française et les services de renseignements alliés sont incapables de déterminer la fonction et l’affectation de cette mystérieuse construction. Le périmètre est gardé et hautement sécurisé. Personne ne peut y pénétrer ou même s’en approcher car les Allemands ont décrété une vaste zone d’interdiction autour du chantier. Même les civils du hameau d’Eperlecques ont été évacués de force par les Allemands et ont dû quitter leurs habitations.

L’information est inquiétante car depuis la fin 1942, des rumeurs en provenance d’Allemagne circulent concernant de nouvelles armes miracles en préparation. On parle notamment d’avions sans pilote, de bombes volantes… Dès le début 1943, des rapports affluent également au M.I. 6 concernant la mise au point par les Allemands d’une fusée à longue portée. Ces informations sont codées «  German Long Range Rocket Developpement » (G.L.R.R.D) par les services britanniques. Tout cela est encore flou et confus, mais contribue à entretenir un climat d’inquiétude chez les Britanniques. Les informations provenant d’Allemagne pointent toutes vers le même site : un lieu inconnu appelé Peenemünde sur l’île d’Usedom, en bordure de la Mer Baltique…

Le 19 avril, alarmé, Winston Churchill donne l’ordre de procéder à des reconnaissances aériennes sur toutes les régions d’Allemagne suspectées d’avoir un lien avec ces rumeurs. Parallèlement, il ordonne un survol général des côte de la Belgique et du Nord de la France jusqu’à la péninsule du Cotentin, pour détecter d’éventuels sites en relation avec les hypothétiques armes miracles. Les clichés ramenés d’Eperlecques le 16 mai ne font que renforcer ses craintes et confirment un premier rapport du début avril mentionnant le début d’une étrange activité près de Watten.

Le 12 juin, l’inquiétude monte d’un cran : un mystérieux « objet en forme de cigare » est repéré pour la première fois sur un cliché montrant le pas de tir n° VII de Peenemünde. Une nouvelle reconnaissance aérienne effectuée le 23 juin sur Peenemünde confirme la présence de fusées sur le Prüfstand VII. Visiblement, les Allemands sont bien en train de mettre au point une arme miracle de nature inconnue.

Le 29 juin, une réunion secrète du Defence Committe du War Cabinet est organisée par Churchill dans le bunker situé juste derrière Whitehall. Le premier ministre, visiblement alarmé de la tournure des événements, ordonne de poursuivre les missions de reconnaissance sur le Nord de la France et de préparer la destruction par bombardement de Peenemünde et de tous les sites suspects pouvant être en relation avec ces armes miracles.

Le 17 août, les Britanniques n’ont toujours pas acquis la certitude que le chantier d’Eperlecques/Watten soit lié au projet de fusée allemande. Il pourrait tout aussi bien s’agir d’un dépôt de carburant protégé, d’un poste de commandement de la marine ou d’un Q.G d’une grande unité. Mais le chantier avance si rapidement que le mystérieux bunker sera bientôt achevé et donc invulnérable. Devant l’ampleur des travaux et vu le doute qui subsiste, les Britanniques décident de procéder à une frappe préventive pendant qu’il est encore temps. Il faut agir vite, avant que les Allemands ne coulent la dalle de couverture, ce qui mettrait le site à l’abri des bombardements. En conséquence, l’Air Ministry ordonne de procéder dès que possible à une frappe massive de la « special construction at Watten ». La mission est confiée à la 8thAir Force de l’USAAF. Mais ceci est une autre histoire…

Le choix du site

Le 3 octobre 1942, le premier lancement réussi d’une fusée A4 a lieu sur le pas de tir n°7 de Peenemünde. Après dix ans de travail, d’échecs et d’espoirs souvent déçus, ce premier succès vient récompenser les efforts de l’équipe dirigée par Wernher von Braun et le général Dornberger. Elle ouvre enfin la voie à l’utilisation opérationnelle du V2. Trois usines sont prévues pour débuter la production en série qui doit fournir à l’Allemagne nazie jusqu’à 1800 fusées V2 par mois.

Le 22 décembre 1942, le général Dornberger, qui commande le Wa Prüf 11, est convoqué au ministère de l’armement à Berlin. Albert Speer lui communique la décision d’Hitler de construire deux gigantesques bunkers dans le cadre de l’offensive V2 prévue contre l’Angleterre. Le premier doit être bâti dans le Nord de la France, avec Londres pour cible, le second en Normandie, dans la péninsule du Cotentin, pour battre Bristol et les villes de la côte sud-ouest.

A cette époque, les techniciens de Peenemünde se sont déjà longuement penchés sur la question et ont même réalisés un avant-projet et une maquette du bunker.

Les grandes lignes de l’édifice étant définies, il ne reste plus qu’à trouver un emplacement réunissant tous les critères requis. Le Führer tient expressément à ce que les travaux du premier bunker débutent dans les plus brefs délais. C’est ainsi que du 26 au 31 décembre 1942, une équipe de trois spécialistes sillonne le Nord de la France à la recherche du site idéal. Cette équipe est dirigée par l’adjoint direct de Dornberger, l’Oberstleutnant Thom qui  est d’ailleurs pressenti pour devenir le futur commandant du bunker.

Après avoir prospecté et reconnu plusieurs emplacements possibles, Thom rend son rapport le 4 janvier 1943. Il propose de retenir un site en lisière sud de la forêt d’Eperlecques, près de Watten. Facilement accessible par voies fluviale et ferrée pour acheminer les milliers de tonnes de matériaux nécessaires à la construction, l’endroit présente également l’avantage de pouvoir être facilement alimenté en énergie électrique par une ligne à haute tension proche. Bien desservi par la route, il n’est pas très éloigné du canal de Saint-Omer et de la ligne de chemin de fer Calais-Lille, ce qui facilitera le chantier. D’autre part, le relief incliné permettra de bâtir l’édifice à contre-pente et de mieux le camoufler dans le couvert forestier. Enfin, le site choisi est à moins de 200 km de Londres tout en étant situé en arrière du littoral et du Mur de l’Atlantique, ce qui assure sa sécurité.

Le 21 janvier 1943, la décision de construire ce premier bunker est entérinée par Speer. Pour leurrer les Britanniques et dissimuler la véritable nature du projet, les Allemands lui attribuent un nom de code : ce sera « KNW », abréviation pour Kraftwerk Nord West, ce qui signifie « centrale électrique du nord ouest » en allemand.  Conformément aux recommandations de Thom, le bunker sera érigé à l’orée sud de la forêt d’Eperlecques , au lieu-dit Le Sart.

Le maître d’œuvre est l’Armée de terre allemande (Heer). La construction sera confiée à l’Organisation Todt (O.T.) qui a acquis une solide expérience avec la construction du Mur de l’Atlantique et des bases de sous-marins. Hitler tient à ce que l’ouvrage soit construit très vite malgré sa complexité et ses dimensions, en raison de son importance considérée comme primordiale pour la suite de la guerre. La tâche est ardue. Il reste encore à définir dans le détail les fonctions exactes dévolues au « KNW » afin de permettre à l’Organisation Todt de réaliser les plans définitifs pour les soumettre à l’approbation des services compétents, notamment le Wa Prüf 11.

Le 11 février 1943, une réunion finale présidée par Wernher von Braun et regroupant tous les intervenants du projet, règle les derniers détails, comme les travaux à exécuter dans le bunker pour la manutention, la préparation et le tir des fusées.

Une seule incertitude subsiste encore : faut-il ou non installer une usine de production d’oxygène liquide à l’intérieur du bunker ? Pour alimenter la base, une décision antérieure prévoyait en effet de construire deux unités de production, l’une à Tilleur en Belgique et l’autre à Stenay, dans les Ardennes françaises. Le problème, c’est que cette solution ne s’inscrit pas dans la ligne du projet élaboré par les techniciens de Peenemünde car elle enlèverait une partie de l’autonomie du bunker d’Eperlecques qui deviendrait alors tributaire de l’acheminement régulier du carburant destiné aux fusées.

Finalement, le 3 mars 1943, le Wa Prüf 11 confirme que le bunker sera bien équipé d’une usine comprenant 5 compresseurs afin d’assurer sur place une production journalière d’environ 50 tonnes d’oxygène liquide, ce qui permet le tir quotidien de 12 fusées V2. Le reste devra être acheminé par chemin de fer pour atteindre 36 fusées, chiffre finalement retenu comme capacité de tir journalière.

Le 23 mars, les plans définitifs sont achevés par l’O.T. Avant de lancer la construction, Albert Speer présente le 29 mars 1943 le projet à Hitler. Le Führer, toujours avide de constructions colossales, se montre enthousiaste et approuve complètement, en ajoutant que « si le but recherché ne peut être atteint, la possibilité d’utiliser le bunker comme abri pour des troupes d’importance spéciale sera alors prise en compte ».

La construction du « KNW » peut donc commencer.

En fait l’O.T. a anticipé la décision. Depuis une quinzaine de jours, une trentaine d’ouvriers a déjà commencé les travaux de déboisement. Mais ceci est une autre histoire…

 

L’AVANT-PROJET DE 1942

Dès 1942, les techniciens de Peenemünde se sont penchés sur la question du futur bunker et ont élaboré un avant-projet pour préciser les grandes lignes de la construction.

Un plan et une coupe axiale datés de 1942 ont été conservés. Ils permettent de se faire une idée de la construction envisagée à l’époque. Il s’agit, répétons-le, d’un avant-projet qui diffère du projet qui sera finalement retenu.

Les deux esquisses montrent une construction de 81 x 61 mètres, desservie par trois voies de chemin de fer en courbe. Les murs du bunker et les subdivisions intérieures ont 2 mètres d’épaisseur. La hauteur hors sol est de 23 m, ce qui permet de dresser verticalement les fusées à l’intérieur du bunker (le V2 mesure 14 mètres avec son ogive). La coupe montre que le volume intérieur est subdivisé en trois étages du côté nord, deux étages au centre et un seul étage du côté sud. Elle ne permet pas de déterminer le nombre de niveaux intérieurs le long des côtés est et ouest, de part et d’autre du hall central, vu que seul le rez-de-chaussée est figuré sur le plan.

Les fusées, chargées sur leur wagon de convoyage, pénètrent de plain pied dans le côté nord du bunker, par deux ouvertures latérales situées près des angles. Au-dessus de l’arrivée des voies, deux larges ouvertures rectangulaires (16 x 3 m), suggérées en pointillé sur le plan, sont percées dans le sol du premier étage: elles permettent de décharger les wagons et de hisser le corps des fusées jusqu’au premier étage, vraisemblablement grâce à un gigantesque pont roulant muni d’un palan de levage.

La zone de stockage du corps des fusées (en rouge) occupe les deux premières travées nord du 1er étage, qui mesurent chacune 57 x 15 m. La première travée (figurée en rouge sur le plan) ne permet de stocker que 17 fusées (et non 20 Stück comme indiqué) étant donné la place perdue aux deux extrémités pour les deux ouvertures ménagées dans le sol. La seconde travée (non figurée sur le plan mais bien visible sur la coupe) occupe tout l’espace transversal situé au-dessus du hall de stockage de l’oxygène liquide (en bleu, marqué « O2 Tanks ») : elle permet de stocker côte à côte 21 fusées à l’horizontale. La capacité de stockage prévue est donc de 38 fusées, chiffre qui correspond effectivement à ce qui est indiqué dans le petit texte qui accompagne la coupe. On est encore loin de la réserve de 108 fusées qui sera finalement retenue dans le projet définitif et qui correspond à trois jours de tirs.

Les ogives coniques renfermant la tête explosive, au nombre de 500, sont stockées séparément pour des raisons évidentes de sécurité. Comme le montre la coupe, deux espaces de rangement leur sont réservés (en orange) : le 3e étage de la première travée nord (57 x 15 m) et l’espace médian du 1er étage (25 x 17 m), entre les deux voies latérales pénétrant dans le bunker. Les ogives sont entreposées verticalement, ce qui facilite leur manutention et les contrôles.

Le texte au bas de la coupe précise que la réserve de carburant du bunker correspond à 5 jours de tirs. L’oxygène liquide, réparti en 13 cuves étanches, occupe tout le rez-de-chaussée de la seconde travée nord, derrière le hall de montage (3 locaux de 17 m de large, marqués « O2 Tanks » et figurées en bleu foncé). L’alcool, réparti en 12 citernes, est stocké dans trois locaux mitoyens de 14 m de largeur, le long du côté ouest du bunker (« Brem. Tank », en bleu clair). Le remplissage des citernes est visiblement prévu depuis l’extérieur, directement à travers le mur ouest, car la voie de chemin de fer qui longe ce côte du bunker porte la mention « Tankgleis ».

Près de l’angle sud-est du bunker, deux ouvertures à la base de la façade sud permettent aux trains routiers de pénétrer dans un hall de déchargement qui peut accueillir 8 véhicules (en mauve, avec l’indication « LKW »). A l’arrière de ce hall trois locaux portant la mention « T-Stoff », « Z-Stoff » et « Dialin » (en rose) constituent la zone de stockage des réactifs utilisés pour actionner la pompe d’alimentation des moteurs-fusées.

Il est difficile de déterminer l’affectation des locaux occupant le deuxième et peut-être le troisième niveau des ailes est et ouest encadrant le hall central, car ces parties ne sont figurées ni sur le plan ni sur la coupe. A cette époque, au tout début du projet, il n’est pas encore question d’intégrer une usine de production d’oxygène liquide dans le bunker. En revanche, on peut imaginer des ateliers techniques et un logement pour la garnison.

Du côté sud, la partie centrale du bunker est occupée par un vaste hall de 41 x 25 m (en jaune), soutenu par deux rangées de 3 piliers qui montent jusqu’à la dalle de couverture du bunker. Comme le montre la coupe, seul le tiers arrière de ce hall comporte deux niveaux de hauteur différente. C’est au second niveau que l’on assemble le corps des fusées avec la tête explosive (en vert). Les fusées y sont acheminées de plain pied depuis la zone de stockage, grâce à une voie étroite et à une ouverture percée dans le mur du fond du hall. Une fois l’assemblage et les contrôles effectués dans la zone verte, les fusées sont basculées dans le hall (jaune) à l’aide d’un palan et redressées verticalement dans l’une ou l’autre des trois travées qui subdivisent le hall. C’est là qu’elle que l’on procède au remplissage des carburants, au réglage des instruments et aux derniers contrôles avant le tir. Ces trois travées, bien indiquées sur le plan, comportent chacune une voie étroite qui se prolonge vers l’extérieur et qui permet de sortir les fusées juchées sur des chariots pour procéder au tir.

La mise à feu est déclenchée à distance, à partir de deux abris en béton armé disposés en avant du bunker et reliés à la construction par des tunnels souterrains figurés sur les deux documents.

Sur la coupe, deux petits blockhaus munis de créneaux rayonnants sont représentés au-dessus de la partie orientale du bunker, sur la dalle de couverture. Par symétrie, il faut donc restituer 4 blockhaus aux angles de la toiture. Vu leur caractère fermé, il s’agit manifestement d’organes destinés à assurer la défense rapprochée du bunker et non d’installations antiaériennes.

A l’époque, le personnel technique prévu pour assurer le fonctionnement du bunker est estimé à 150 hommes, chiffre qui sera révisé à 250 hommes par la suite. La capacité de tir journalière est évaluée à 20 tirs.

Cet avant-projet ne sera pas retenu. Les plans définitifs de 1943 diffèrent fortement de ces premières esquisses, tant par les dimensions que par la distribution des organes du bunker…

 

Hitler s’enthousiasme pour le projet « KNW »

Le 7 juillet 1943, Dornberger et von Braun sont convoqués au quartier général du Führer en Prusse orientale. Il est 11h30 lorsque le téléphone sonne à Peenemünde. Le général Dornberger reçoit l’ordre de Speer de se présenter sans délai au Führer Hauptquartier de Rastenburg (FHQ),  la célèbre « Tannière du Loup », avec tous les documents et films pris le 3 octobre 1942 lors du premier lancement réussi d’une fusée A4.

En toute hâte, il rassemble des graphiques, les courbes de trajectoires de vol, les tableaux pour l’instruction des futures unités de lancement, ainsi que les petits modèles en bois des véhicules des unités de transport des fusée, sans oublier les maquettes de l’avant-projet du futur bunker prévu sur la côte de la Manche. Une partie de ces maquettes n’est plus à jour, mais qu’importe, le temps presse.

Le Heinkel He-111 qui les emmène décolle de Peenemünde dans un épais brouillard. Une demi-heure plus tard, il se pose à Rastenburg où une auto les conduit au pavillon des visiteurs, à Jägerhöhe, où Dornberger apprend que la conférence prévue avec Hitler est reportée à 17h00. Une heure avant le rendez-vous, une auto les conduit à travers la forêt de chênes où se tapit le camp de baraquements très étendu et les nombreux bunkers qui forment le FHQ. Munis des laissez-passer indispensables, Dornberger et von Braun franchissent les postes de contrôles des trois enceintes de sécurité qui protègent la « Wolfschanze » et gagnent la salle de projection située dans la partie centrale du périmètre de sécurité.

Peu après 17h, la porte s’ouvre brusquement. Hitler pénètre dans la salle, suivi par Speer, Keitel et Jodl. Dornberger, qui sait que le Führer n’a jamais assisté personnellement au lancement d’une fusée V2, a décidé de présenter les images tournées lors du lancement réussi du 3 octobre 1942, de façon à démontrer les immenses potentialités de la nouvelle arme miracle. Von Braun fait le commentaire. Les vues sont impressionnantes. Les portes coulissantes du pas de tir n°VII s’ouvrent. Lentement, la lourde masse d’acier du banc d’essai roulant, portant la fusée A4, sort du hall et s’arrête au-dessus de la cuve de refroidissement des gaz, profondément enfoncée dans le sol. Les dimensions de la tour sont celles d’un immeuble monté sur roues. A côté, les techniciens font proportionnellement figure de fourmis. Suivent les essais de combustion avec la fusée suspendue à la Cardan. Les gros plans permettent d’observer le fonctionnement des gouvernails en graphite dans le jet brûlant des gaz jaillissant à 2000°C. L’essai terminé, la fusée de 14 mètres est chargée sur un charriot Meilerwagen, puis dressée verticalement sur la table de lancement au moyen du vérin hydraulique du charriot. Le film montre ensuite le remplissage des réservoirs et les derniers préparatifs de départ. Puis arrivent les images de la mise à feu. Une gerbe d’étincelles jaillit de la tuyère, suivie aussitôt par la puissante flamme des gaz de combustion. Dans un énorme dégagement de fumée qui remplit le pas de tir, la fusée s’arrache lentement à la pesanteur et s’élève dans le ciel pour disparaître rapidement…

Le film produit une très forte impression sur Hitler qui reste silencieux plusieurs minutes après la fin de la projection, les yeux fixes rivés sur le plancher, perdu dans ses pensées. Il est visiblement sous le coup d’une violente émotion. Lorsque la voix de Dornberger le rappelle à la réalité, il sursaute. Durant l’exposé de Dornberger, il se lève plusieurs fois brusquement pour se rapprocher de la table qui supporte les maquettes. Ses yeux vifs vont constamment du conférencier aux modèles réduits. A l’issue de l’exposé, Hitler se dirige vers Dornberger, lui sert la main et déclare, d’une voie à peine audible : « Je vous remercie ! Pourquoi n’ai-je pas osé croire au succès de vos travaux ? Si nous avions eu vos fusées en 1939, il n’y aurait pas eu de guerre… Déjà à l’heure actuelle et encore plus dans l’avenir, l’Europe et le monde sont trop petits pour une guerre. Avec des armes comme celles-ci, une guerre serait fatale à l’humanité… »

Sur ces mots, il se retourne vers la maquette du bunker. Visiblement très intéressé, il la fait démonter plusieurs fois pour se faire réexpliquer tous les détails : par où arrivent les fusées , comment elles sont entreposées, vérifiées et préparées au lancement ; comment, une minute avant le tir, dressées sur leurs tables de tir, les gyroscopes déjà lancés, elles sont sorties du bunker pour être lancées verticalement en une succession rapide.

Après que Dornberger lui eut montré les clichés des énormes cratères produits par l’impact d’une fusée, Hitler, visiblement enthousiasmé par la puissance et les potentialités du V2, demande s’il serait possible de porter la charge utile de 1 à 10 tonnes et de prévoir une production de 2000 fusées par mois. Dornberger lui répond par la négative et précise qu’il faudrait dans ce cas concevoir une nouvelle fusée plus grande, ce qui nécessiterait au minimum 4 à 5 ans d’études et de délai. Quant à augmenter la production mensuelle, cela s’avère également impossible vu la pénurie d’alcool dont souffre le Reich, et l’adoption d’un nouveau combustible exigerait de concevoir un nouvel engin. Malgré tout, une lueur étrange et fanatique étincelle dans le regard d’Hitler qui tient enfin une arme de destruction massive à la hauteur de ses rêves d’anéantissement…

En conséquence, Hitler ordonne aussitôt à Speer d’accorder la plus grande priorité au projet « KNW » et au programme de la fusée V2 en général, et de les placer en tête de liste. Se tournant vers Speer, il le presse de construire d’urgence les 2 bunkers prévus sur les côtes de la Manche et même d’en ajouter une troisième si cela s’avère possible. Puis le Führer prend congé et s’apprête à sortir. Il est déjà à mi-chemin de la porte lorsqu’il se détourne brusquement et revient sur ses pas jusqu’à Dornberger. « De ma vie, dit-il, je ne connais que deux hommes auxquels j’estime devoir des excuses. Le premier, c’est le maréchal von Brauchitsch, je ne l’ai pas écouté lorsqu’il insistait constamment sur l’importance de vos travaux ; le second, c’est vous, je n’ai pas cru en votre réussite… »

LE PROJET « KNW » Initial  (Kraftwerk Nordwest)

Pour permettre de se repérer, le n° indiqué entre parenthèses renvoie aux coupes et aux plans du bunker placés à la suite du texte.

Les plans d’origine du projet « KNW », que l’on croyait perdus ou détruits depuis 1945, ont été retrouvés en 1983. Ils révèlent qu’en 1942 les Allemands avaient prévu d’édifier à Eperlecques un bunker bien plus grand que celui qui a été finalement achevé en janvier 1944.

Ce bunker devait mesurer 216 m de long, 92 m de large (99,50 m avec la tour de tir) et 28 m de haut ; soit l’équivalent d’un immeuble de 10 étages ! A titre de comparaison, le bunker effectivement construit et qui est toujours visible, ne mesure que 75 m de long et 40 m de large, avec une hauteur visible hors sol de 22 mètres… et pourtant ce bunker parait déjà gigantesque lorsqu’on est à ses pieds ! En d’autres termes, le projet modifié et effectivement réalisé à Eperlecques ne représente que le tiers du projet initial « KNW » imaginé par les Allemands pour la base V2.

L’Organisation Todt avait calculé que la construction du bunker « KNW » nécessiterait  de couler 120’000 m3 de béton, l’équivalent d’une base de sous-marins dotée de 7 alvéoles. Cela impliquait l’acheminement et la manutention de 360’000 tonnes de matériaux (sables, ciment, gravier, fers, bois de coffrage). Ce tonnage énorme représente l’équivalent de 700 trains de 35 wagons de 15 tonnes ou, si l’on préfère, d’un seul train composé de 24’000 wagons s’étirant sur 250 km, soit la distance qui sépare Paris de la ville de Saint-Omer. Seules les bases de U-Boot réalisées par les Allemands sur la côte atlantique ont des dimensions comparables.

Le bunker géant devait être invulnérable aux raids aériens. Les murs en béton, dont la construction a effectivement été amorcée jusqu’à 11 mètres de hauteur, devaient avoir une épaisseur de 5 mètres à la base et de 3,90 m au sommet. Les fondations ont 2 m de profondeur. Le toit était protégé par une dalle en béton armé renforcé de 5 m d’épaisseur, construite selon les nouvelles normes Sonderbaustärke 1942, résistant aux bombes les plus lourdes de l’époque. Les Allemands avaient prévu d’équiper les entrées du bunker de portes blindées anti-souffle de 216 tonnes et de 2 m d’épaisseur.

Une garnison de 250 hommes, l’Artillerie Abteilung 953, était prévue pour assurer le fonctionnement de la base. Le commandement devait être confié à l’Oberstleutnant Thom, chef du Stab B du Wa Prüf 11 de Peenemünde, chargé préalablement de superviser les travaux de construction.

Les tunnels nord

Du côté nord du bunker, les Allemands avaient décidé de construire deux voies de chemin de fer parallèles pour approvisionner la base, en créant un embranchement sur la ligne Paris-Calais. Ces voies, qui traversaient le bunker de part en part, étaient protégées par un tunnel en béton armé de 216 m de longueur, couvert par une dalle de 3,50 m d’épaisseur, destiné à permettre aux trains de ravitaillement de stationner sans risque, même en cas de bombardement intensif. La voie nord (n°1) était en principe réservée aux convois transportant les fusées, l’autre  (n°2) étant destinée aux wagons citernes chargés d’approvisionner la base en carburants liquides (oxygène liquide, alcool, réactifs pour les pompes d’injection des moteurs fusée). Les deux extrémités des tunnels étaient défendues par des bunkers incorporés à la construction (n°3) et des portes coulissantes de 216 tonnes (n°4).

La base proprement dite se présentait sous la forme d’un cube de béton de 92 m de long (99,50 m avec la tour de tir), 75 m de large et 28 m de hauteur.

La gare de déchargement

La  partie nord de l’édifice, traversée par les voies ferrées, abritait la gare de déchargement (n°5). Les fusées, acheminées par convois ferroviaires, étaient déchargées au moyen d’un palan et d’un pont roulant géant, puis hissée par des ouvertures jusqu’au premier étage du bunker où elles étaient dressées pour être entreposées verticalement sur des berceaux.

Le stockage des fusées

La zone de stockage du corps des fusées comprenait un vaste hall occupant toute la partie nord du bunker, au-dessus de la gare (n°6). La capacité de stockage prévue était de 108 fusées. Cela représentait une réserve pour 3 jours de tir, à raison d’une cadence maximale de 36 lancements par jour, soit 1 tir toutes les 40 minutes en moyenne! L’espace séparant les deux voies était occupé par des dépôts  et  des hangars protégés permettant l’accès et le déchargement des trains routiers (n°7).

Le stockage des ogives

Pour des raisons de sécurité évidentes, les têtes explosives des fusées, baptisées « ELEFANT », étaient acheminées séparément et stockées à part, dans des espaces de rangement aménagés en hauteur le long des côtés est et ouest du bunker (n°8).

Le stockage des carburants

Au centre du bunker, un local bétonné rectangulaire (n°9) était prévu pour stocker l’oxygène liquide nécessaire à la propulsion des fusées,  avec une autonomie de 3 jours. Ce local, dont la construction a été achevée, jouxte directement le tunnel de la voie ferrée sud, de façon à faciliter le transfert de l’oxygène liquide et de l’alcool acheminé par train pour approvisionner la base. De l’autre côté, il est directement adossé au hall de préparation des fusées pour permettre le remplissage des V2.

L’affectation de l’espace situé au-dessus de ce local demeure controversée. Pour certains, il aurait du servir au stockage du matériel ou à l’entreposage des cuves des autres carburants (alcool, peroxyde d’hydrogène, permanganate de sodium). Mais l’absence d’étages et de paliers de séparation semble contredire cette hypothèse, le volume perdu étant trop grand. En revanche, la représentation, sur les coupes d’origine, de grandes ouvertures verticales ménagées dans les murs communiquant avec les halls de montage et la zone de stockage indique, à notre avis, que cet espace était également prévu pour entreposer verticalement des cellules de V2 (sans leurs ogives et sans berceau). Ceci expliquerait le volume conséquent et la hauteur importante de cet espace vide.

Les halls de montage

Deux couloirs symétriques nord-sud de 21 m de hauteur, aménagés de part et d’autre du local des carburants, relient la gare de déchargement au grand hall de préparation transversal. Il s’agit des halls de montage qui permettaient de dresser les V2 afin d’installer les têtes explosives sur le corps des fusées (n°10). Une fois l’ogive fixée, les fusées étaient soulevées par des palans et transportées par  de gigantesque pont roulant jusqu’à l’entrée du hall de préparation des fusées où les V2 étaient installés verticalement sur des charriots circulant sur une voie étroite.

Le hall de préparation des fusées

Ce gigantesque hall transversal de 45 m le long et de 17,50 m de haut était destiné à la préparation des fusées pour le tir (n°11). C’est là que les techniciens effectuaient les réglages et les derniers contrôles, et que l’on procédait au remplissage des réservoirs de carburant. Ce hall était suffisamment vaste pour permettre de préparer plusieurs fusées simultanément, de façon à procéder à des tirs de série par salves. Les deux extrémités étaient fermées par des portes blindées de 1,50 m d’épaisseur qui pivotaient sur des gonds pour laisser passer les wagonnets portant les fusées, guidés par les rails au  sol.

Les couloirs de sortie des fusées

Une fois les gyroscopes lancés, les fusées prêtes au tir franchissaient l’une des portes blindées protégeant le hall de préparation et tournaient à angle droit vers le sud pour emprunter l’un des deux couloirs de sortie du bunker (n°12). Ces couloirs, ouverts sur l’extérieur, étaient prolongés au dehors par des plateformes horizontale en béton qui permettaient de rouler les fusées jusqu’aux pas de tir situés à une certaine distance de la façade sud du bunker. Deux fusées pouvaient ainsi être lancées simultanément.

Les installations de lancement

Une fois installée sur les deux pas de tir (n°13), les fusées étaient reliées au bunker par un câble pour permettre de déclencher électriquement la mise à feu. Celle-ci était commandée depuis le bunker de tir (n°14) situé au sommet de la tour adossé contre la façade sud du bunker.

L’usine d’oxygène liquide

La partie sud du bunker, comprise entre le hall de préparation des fusées et les deux couloirs de sortie, devait être occupée par l’usine de fabrication d’oxygène liquide (n°15). A l’origine, il n’était pas prévu d’intégrer une telle installation dans le projet, mais le 23 mars 1943 Dornberger et von Braun jugèrent préférable d’installer 5 groupes-compresseurs Heylandt dans le bunker pour doter la base V2 d’une certaine autonomie en oxygène liquide. Cette usine avait une capacité de production mensuelle de 1’500 tonnes, permettant le tir de 12 V2 par jour et le lancement de 220 fusées par mois, étant donné le facteur d’évaporation très important de l’oxygène. Cela ne couvrait que le tiers des besoins de la base en oxygène. Pour arriver à la capacité de tir de 36 fusées par jour, le reste de l’oxygène devait être acheminé depuis la gare de Watten au moyen de 56 wagons citernes spéciaux d’une capacité unitaire de 90 tonnes.

C’est cette partie sud du bunker (représentant 35% du volume initialement prévu) qui a été effectivement construite et achevée par les Allemands en janvier 1944 sous le nouveau code de « Mannschaftsbunker », après modification complète des plans et du projet suite au bombardement catastrophique du 27 août 1943. Le reste du bunker prévu a été abandonné en cours de construction, à différents stades et alors que les murs avaient déjà été coulés sur 11 m de hauteur par endroit (mur nord du bunker). Les  dégâts irrémédiables causés à la partie nord de la base, frappée au moment où l’on venait de couler une nouvelle tranche de béton, amenèrent les Allemands à renoncer à poursuivre les travaux. En lieu et place, ils décidèrent de transférer le site de lancement à Wizernes/Helfaut où une gigantesque base de substitution fut creusée sous le plateau crayeux pour remplacer le site abandonné d’Eperlecques. Cette base de substitution, baptisée « Ersatz KNW » ou « Bauvorhaben 21 », correspond à l’actuel site de « La Coupole ».

Hitler, qui souhaitait utiliser ses armes miracles dès que l’on aurait constitué un stock suffisant, insista pour que le bunker « KNW » soit opérationnel avant le 31 décembre 1943, date-buttoir initialement prévue pour déclencher la grande offensive combinée V1-V2 contre l’Angleterre. Le 5 mai, à la demande de l’O.K.H., la date d’achèvement fut même avancée au 1er novembre. A l’époque, les spécialistes de Peenemünde avaient en effet bon espoir de mettre au point la fusée rapidement. Le démarrage de la production était prévu pour juillet 1943 avec la livraison de 30 fusées, la fabrication devant ensuite s’accélérer rapidement pour atteindre 900 fusées en décembre…

Les plans définitifs du bunker furent approuvés le 24 février. L’Organisation Todt, chargée de superviser le chantier, confia la construction à l’entreprise Philipp Holzmann AG de Frankfurt. Les travaux débutèrent le 1er avril 1943. En réalité, une petite équipe avait déjà commencé à déboiser le site dès le 25 mars. En quelques mois, les fondations du futur bunker sortirent de terre et une mystérieuse construction émergea peu à peu de la forêt d’Eperlecques.  Mais cela est une autre histoire…

 

La base qui fut mise en activité

Le U-Boot XXI – Allemagne

Entré en service en 1945, le fabuleux U-Boot XXI était une merveille technologique et un véritable concentré d’innovations allemandes high-tech. Les spécialistes le considèrent comme le premier véritable sous-marin moderne de l’histoire et estiment qu’il représentait un bon technologique dans les années 1960, avec environ 20 ans d’avance sur son époque.

Le Type XXI est non seulement à l’origine des sous-marins russes et américains de la guerre froide, mais constitue l’ancêtre direct de tous les sous-marins nucléaires d’attaque et lance-missiles actuels. Dans les années 1950 et 1960, Russes, Américains, Anglais et Français le copieront et s’en inspireront très largement pour créer leurs propres flottes de sous-marins modernes. Entré en service dans les dernières semaines du conflit, il n’a pas eu le temps d’influer sur le cours des événements. Mais beaucoup pensent qu’il aurait sans doute changé l’issue du conflit si la guerre s’était prolongée de quelques mois ou si les Allemands l’avaient mis en œuvre plus tôt. Dans ce domaine comme dans bien d’autres, il était temps que les Alliés remportent la victoire finale…

Long de 76,70 mètre, large de 6,60 mètre, emportant jusqu’à 57 hommes d’équipage et 23 torpilles à autoguidage, le U-Boot XXI était une redoutable machine de guerre. Avec ses 1820 tonnes de déplacement en charge (1620 tonnes à vide) et ses 6 tubes lance-torpille, ce grand U-Boot océanique était le bâtiment  sous-marin le plus performant que l’Allemagne ait construit durant la seconde guerre mondiale.

Sa conception révolutionnaire et les innombrables innovations qui avaient présidé à sa construction en faisaient un adversaire très dangereux et particulièrement difficile à traquer. Dès 1943, Dönitz avait prévu d’en construire en grand nombre et de les déployer massivement dans l’Atlantique pour changer le cours de la guerre. La mise au point du Type XXI, dans les derniers mois du conflit, arriva toutefois trop tard… On ose à peine imaginer ce qui serait advenu si ces sous-marins avaient été déployés en nombre dès 1943 ou même dès le printemps 1944. Leur mise en service dans l’Atlantique aurait sans doute sonné le glas des convois maritimes ravitaillant la Grande-Bretagne, l’URSS et les troupes alliées débarquées en Europe…

En 1945, l’apparition de ce « géant des mers » susceptible de changer la donne a bouleversé toutes les lois de la guerre sous-marine et obligé les responsables à modifier brutalement les doctrines d’engagement. La révélation de son existence  a été un véritable choc traumatique pour les Alliés qui se montrèrent très nerveux et inquiets. A Yalta, en février 1945, Winston Churchill fit même pression sur Staline pour que les Russes lancent au plus vite leur offensive sur la Prusse orientale afin de s’emparer des chantiers navals de Dantzig où 30% des nouveaux U-Boot XXI étaient en cours d’assemblage ; « l’aviation et les marines alliées n’avaient aucun moyen de combattre ces nouveaux sous-marins susceptibles de devenir extrêmement dangereux pour nous dans l’Atlantique Nord » précise Churchill dans ses mémoires. On ne saurait mieux dire …

Ce U-Boot était si innovant qu’à la fin du conflit les Alliés ont pillé sa technologie. La plupart des sous-marins  des années 1950-60, toutes marines confondues, ne sont en réalité que des copies améliorées ou des dérivés plus ou moins directs du Type XXI…

De fait, la conception du nouveau sous-marin océanique Type XXI n’avait plus rien à voir avec celle de ses prédécesseurs qui n’étaient en réalité que des submersibles. Le nouveau bâtiment était beaucoup plus grand et plus performant que les Types IX et X précédents. Sa coque hydrodynamique avait été profilée pour fendre l’eau sans provoquer de remous et de cavitation. Ses batteries étaient trois fois plus puissantes que celles des sous-marins précédents. Elles permettaient d’atteindre des vitesses records de 16,6 nœuds en surface  et d’évoluer à 17,5 nœuds en plongée durant une demi-heure, ce qui lui permettait de parcourir à pleine vitesse 340 miles avant de devoir ralentir pour recharger ses batteries, performances inouïes à l’époque! Certains documents parlent même de pointes réalisées à 22 nœuds ! De plus, le sous-marin pouvait descendre à une profondeur de 330 mètres pour se mettre à l’abri des grenadages.

Contrairement à ses prédécesseurs et aux bâtiments Alliés, le U-Boot XXI avait été conçu comme une arme létale destinée à évoluer en plongée sur de grande distance sous les océans du globe et non comme un engin capable de plonger quelques heures en cas de nécessité.

Sa vitesse d’évolution était à peu près le double de la vitesse maximale des escorteurs de surface utilisés par les Britanniques et l’US Navy! Cela lui permettait de distancer n’importe quel poursuivant ! Il était également beaucoup moins bruyant et donc nettement plus discret et plus dangereux que les U-Boot précédents. Il était prévu d’améliorer encore cette discrétion en appliquant un revêtement en caoutchouc alvéolaire sur la coque, pour absorber les sons des asdics et supprimer tout écho. Ce revêtement anti-acoustique rendait le sous-marin  littéralement « invisible » pour les sonars. Des tests effectués en 1946 par la marine américaine sur un bâtiment de prise montrèrent qu’un vaisseau équipé de ce revêtement spécial était indétectable par les navires de surface de l’US Navy, à moins de s’approcher à moins de 200 mètres de distance. Les Allemands avaient mis au point un tel revêtement dès 1944 et un sous-marin furtif expérimental équipé de cette nouvelle technologie opéra même dans la Manche durant quelques mois pour harceler les convois ravitaillant les troupes débarquées en Normandie.

Les réserves de carburant et l’autonomie du Type XXI lui conféraient également un rayon d’action considérable : 11’150 miles marins à 12 nœuds !  Cela veut dire que le Type XXI était capable de traverser l’Atlantique jusqu’à l’Argentine sans faire surface pour se ravitailler en combustible ou recharger ses batteries, ce qui ouvrait des perspectives incroyables en termes de missions et de tactiques de chasse…

Doté d’une autonomie en plongée très importante, le type XXI avait été conçu comme un véritable « chasseur de haute mer », conçu pour se faufiler sans se faire repérer entre les mailles du filet allié et échapper aux moyens de détection des navires d’escorte. Il pouvait s’infiltrer furtivement dans les convois et opérer de l’intérieur pour lancer ses torpilles au meilleur moment, pratiquement à bout portant. En cas de détection, sa prodigieuse vitesse instantanée lui permettait de distancer rapidement ses poursuivants et de plonger beaucoup plus profondément pour échapper aux contre-mesures, avant de s’évanouir silencieusement dans l’océan pour reprendre sa traque en toute impunité…

Le Type XXI bénéficiait également d’une autre innovation de poids : c’était le premier sous-marin équipé dès l’origine d’un « Schnorchel » permettant d’aspirer en plongée l’air nécessaire aux diesels. Ce dispositif, inventé par un Néerlandais, avait été perfectionné par le Dr. Walter. C’était un avantage considérable car il  permettait au Type XXI de marcher au diesel à immersion périscopique, sans émerger des flots ni offrir une silhouette détectable au radar, ce qui renforçait considérablement la sécurité des missions et les chances de survie de l’équipage. Le sous-marin pouvait ainsi recharger ses batteries en toute tranquillité, sans s’exposer aux attaques aériennes ni apparaître sur les radars ennemis.

En cas de surprise par un avion maritime, le Type XXI ne mettait que 18 secondes pour plonger en catastrophe et disparaître sous les flots. En outre, la puissance de feu antiaérienne du Type XXI avait été considérablement renforcée par rapport aux U-Boot précédents. Les pièces montées à l’air libre, jugées trop vulnérables, avaient été supprimées. Elles étaient remplacées par 2 tourelles blindées directement incorporées dans le carénage du massif, à l’avant et à l’arrière. Chacune de ces tourelles était armée de 2 canons jumelés Flak Zwillinge de 37 mm. Soit un total de 4 pièces à tir rapide, dotées d’une grande puissance de feu, capables de saturer le ciel et de dresser une véritable muraille d’acier au-dessus du sous-marin en cas de mauvaise rencontre !

Enfin, l’équipe de l’ingénieur Oleken avait mis au point un calculateur de tir de bord révolutionnaire qui permettait désormais de lancer les torpilles en plongée et à l’aveugle, sans devoir remonter à l’immersion périscopique, ce qui augmentait considérablement les chances de succès. Les Alliés, qui ne possédaient rien d’équivalent, furent estomaqués lorsqu’ils découvrirent cette merveille de technologie en 1945. Cet « ordinateur de bord » fournissait en trois dimensions les coordonnées exactes de la cible en se basant sur les infimes écarts de « bruitage » perçus par plusieurs capteurs disposés en différents points de la coque, selon un procédé de trigonométrie classique. L’ouverture du feu déclenchait en outre une salve de trois torpilles qui étaient lancées en éventail avec un léger écart de temps, ce qui augmentait les chances de toucher.

Le contexte historique

Dès l’automne 1944, la Kriegsmarine ne pouvait plus utiliser les bases de sous-marins de la côte atlantique ; Brest, Lorient, St-Nazaire, La Palisse et Bordeaux étaient désormais assiégés par les Alliés et coupés des troupes allemandes qui se repliaient vers le Reich. Les U-Boot qui opéraient jusque là dans l’Atlantique étaient désormais contraints de se replier sur les ports allemands et norvégiens. Une partie se sabordera d’ailleurs sur place, faute de pouvoir appareiller. La U-Bootwaffe se retrouvait brutalement dans la même situation stratégique qu’avant 1940 : défendre les côtes septentrionales européennes. Mais Dönitz et Hitler ne l’entendaient pas ainsi. L’Allemagne plaçait ses derniers espoirs dans une nouvelle génération de U-Boot high-tech en cours de développement, dont la conception ultra moderne devait révolutionner la guerre sous-marine et redonner l’avantage aux Allemands. Avec ces nouvelles armes, Dönitz espérait reprendre l’initiative sur mer, interrompre le flux des convois de ravitaillement et couper l’approvisionnement des armées débarquées en Europe.

La première de ces « armes secrètes » était le nouveau Type XXIII, un U-Boot destiné à défendre les côtes allemandes et à opérer le long du littoral britannique, pour déstabiliser la défense côtière anglaise.

La seconde était le Type XXI, un énorme sous-marin océanique qui devait permettre de réinvestir l’océan et de couler systématiquement les convois alliés, grâce à des performances extraordinaires et à une nouvelle technologie lui permettant d’échapper aux Alliés et d’opérer en toute impunité.

Origines et caractéristiques du Type XXI

L’origine du Type XXI remonte à 1943, une année noire pour l’arme sous-marine allemande qui perd en début d’année un grand nombre de U-Boot, coulés par les nouvelles mesures prises par les Alliés pour protéger les convois et traquer les submersibles allemands. Alarmé, Dönitz convoque en mai 1943 à Berlin les ingénieurs et les techniciens les plus influents et exige d’entreprendre immédiatement quelque chose pour mettre fin à l’hécatombe. Il réclame d’urgence des innovations technologiques majeures. Les améliorations apportées dans la précipitation aux anciens U-Boot ne sont qu’un emplâtre provisoire sur une jambe de bois : elles permettent tout au plus de les rendre moins vulnérables et donc de pouvoir continuer à les utiliser à la mer. Mais elles ne peuvent modifier les caractéristiques intrinsèques de ces anciens sous-marins, ni radicalement augmenter la puissance combative des U-Boot classiques dont la conception désuète est désormais dépassée. Seule la haute performance d’un nouveau type de sous-marin révolutionnaire peut encore changer la donne et redonner l’avantage aux Allemands dans la bataille de l’Atlantique. Parmi les projets envisageables, figuraient ceux de l’ingénieur Walter, le concepteur du moteur-fusée à carburants liquides propulsant le Messerschmitt Me-163, dont le programme « U-Boote » avait été mis en route dès l’automne 1942.

Le projet révolutionnaire du Dr. Walter

Depuis 1930, le Dr. Walter travaillait au perfectionnement de l’utilisation du peroxyde d’hydrogène comme source de puissance pour la propulsion des sous-marins. Les expériences effectuées démontraient les immenses améliorations et les performances extraordinaires que ce nouveau type de propulsion offrait pour le déplacement en plongée, avec une turbine utilisant un mélange de peroxyde d’hydrogène et d’hydrocarbure. Et ses idées novatrices ne se cantonnaient pas uniquement au système de propulsion, elles portaient également sur l’étude de nouvelles coques hydrodynamiques, profilées pour optimiser les performances des bâtiments sous l’eau…

Les mystérieux U-Boot Type XVII, XVIII et XXVI

Dès 1937, l’amiral Dönitz s’était efforcé d’obtenir la mise au point d’un sous-marin révolutionnaire de type Walter. Mais à l’époque, le haut commandement et les sphères dirigeantes du parti nazi ne comprirent pas la portée révolutionnaire de ce nouveau système de propulsion, ni les formidables perspectives qu’elles autorisaient pour la U-Bootwaffe. Si bien que Dönitz perdit trois précieuses années à tenter de vaincre l’inertie et les préjugés des responsables de la Kriegsmarine…

En 1940, des tests grandeur nature effectués en rade de Kiel avec le V-80, un petit sous-marin expérimental équipé du système de propulsion Walter, prouvèrent toutefois le formidable potentiel que les idées de Walter contenaient en puissance pour la U-Bootwaffe. Des vitesses incroyables de plus de 28 nœuds furent atteintes pendant de courtes périodes durant ces essais. La  Kriegsmarine en fut suffisamment impressionnée pour faire établir les plans et ordonner la construction d’un bâtiment océanique géant de 1600 tonnes, le Type XVII, qui aurait un triple mode de propulsion : diesel en surface, batteries d’accumulateurs classiques en plongée et turbines Walter permettant d’obtenir 24 nœuds en plongée sur une distance maximale de 200 milles pour les situations d’urgence et les phases de combat!

Parallèlement, des ordres furent donnés pour concevoir deux autres catégories de U-Boot plus petits, également équipés des nouvelles turbines Walter : le Type XVIII pesant seulement 300 tonnes, destiné à opérer dans les eaux européennes et  le long du littoral, et le type océanique XXVI, de 740 tonnes, pour attaquer les convois alliés dans l’Atlantique Nord.

Le déploiement de ces nouveaux U-Boot révolutionnaires constituerait pour les Alliés un sérieux défi, parce que les forces d’escorte seraient incapables de se mesurer avec de telles vitesses, ce qui permettrait aux submersibles allemands d’échapper aux contre-mesures et de semer facilement d’éventuels poursuivants pour réapparaître tout aussi rapidement sur un autre point d’attaque. En 1944, Dönitz n’avait donc qu’un seul objectif : prolonger suffisamment la guerre sous-marine avec ses vieux U-Boot obsolètes pour donner le temps aux nouveaux bâtiments révolutionnaires du Dr. Walter d’entrer en service et d’avoir un impact décisif sur l’issue de la Bataille de l’Atlantique..

Avec ses moteurs à Ingoline, le Type XVIII atteindrait, espérait-on, une vitesse en plongée de 20 nœuds, tandis qu’on attendait du Type XXVI une vitesse de 24 nœuds. Ces performances phénoménales pour l’époque, de même que la possibilité qu’ils avaient de lancer 10 torpilles sur l’objectif, conduisit les services de renseignement alliés à conclure que « le Type XXVI amélioré était certainement le type le plus perfectionné de sous-marins qu’on pût prévoir ».

Heureusement pour les Anglo-Américains, le système de propulsion de la turbine Walter n’était pas encore totalement au point. Le peroxyde à haute performance, connu dans ses diverses combinaisons comme « fluide T » ou « Ingoline », était non seulement extrêmement volatil, mais très instable ; il pouvait exploser dans certaines circonstances, transformant le sous-marin en une bombe en puissance. Ces maladies de jeunesse se révélèrent sévères et les difficultés rencontrées pour les résoudre et manier le très corrosif hydrogène peroxydé retardèrent fortement le projet, avant de provoquer finalement l’abandon pur et simple du programme…

Pour ajouter à ces difficultés, la Kriegsmarine se retrouvait en compétition directe avec la Luftwaffe sur le terrain de la technologie du moteur Walter, également utilisé pour propulser l’intercepteur fusée Messerschmitt Me-163 « Komet ». Or, la Luftwaffe, arme national-socialiste par excellence, avait la priorité et il existait très peu de réserves de peroxyde d’hydrogène dans le IIIe Reich.

Finalement, devant les multiples difficultés rencontrées, la Kriegsmarine se résolut, à  contrecœur, à abandonner définitivement le projet d’une propulsion utilisant le système révolutionnaire des turbines Walter au peroxyde d’hydrogène.  Les types XVII, XVIII et XXVI ne furent donc jamais produits en série ni alignés en opération, bien que des prototypes aient continué à naviguer à titre expérimental. Ce fut une très grosse déception pour Dönitz, car elle le privait d’un outil qui, il en était certain, aurait sans aucun doute changé le cours de la guerre sous-marine et peut-être la guerre tout court. Pour ne pas perdre la totalité des recherches effectuées jusqu’alors, on décida de revenir à des bâtiments à propulsion classique mettant toutefois à profit les performances optimisées des nouvelles coques hydrodynamiques préconisées par Walter. Ainsi naquirent le grand sous-marin océanique Type XXI et le Type XXIII, plus petit et à usage côtier.

Naissance du Type XXI

Vers le milieu de 1943, les constructeurs navals Bröking et Schürer reçurent l’ordre d’utiliser le principe des coques hydrodynamiques Walter pour construire une nouvelle flotte d’U-Boot océaniques destinés à opérer loin dans l’Atlantique. Comme il n’était plus question de doter ces sous-marins des turbines révolutionnaires du Dr. Walter, ils proposèrent de les remplacer par de très puissantes batteries susceptibles de garantir une autonomie de 60 heures en plongée (ce qui était en soi un progrès considérable), avec la possibilité d’atteindre des vitesses de pointe de 19 nœuds pendant de courtes périodes, en phase de combat ou pour plonger en catastrophe. Le nouvel U-Boot serait également doté de puissants moteurs Diesel et équipé du tout nouveau « Schnorchel » qui permettrait de marcher aux Diesel en immersion pour recharger les batteries. Cette combinaison, si elle ne valait pas le système Walter, permettait toutefois de concevoir un U-Boot qui, par ses performances et ses possibilités considérablement accrues, constituerait une menace très sérieuse pour les Alliés. Dönitz donna son aval et la réalisation des plans du nouveau bâtiment fut mise en œuvre dès le mois de mai 1943. Les essais des ballasts furent réalisés à Hambourg et à Vienne, et l’on construisit une maquette en bois des principales sections. Le Type XXI était né !

Pour assister le super U-Boot dans les eaux européennes, un modèle plus petit, le Type XXIII de 230 tonnes, fut également commandé sur la base de la même technologie. Dès lors, Dönitz pouvait envisager la possibilité de reprendre l’initiative sur mer avec de vrais U-Boot modernes, capables, par leur technologie avant-gardiste et leurs coques hydro-profilées, de demeurer  immergés durant de longues période pour dérouter les Alliés. L’aviation adverse serait incapable de les repérer et de les pister, et leur vitesse incroyable leur permettrait non seulement de distancer d’éventuels poursuivants (sous-marins ou destroyers), mais aussi d’échapper aux asdics alliés et à toutes les armes anti-sous-marines.

Le U-Boot de la victoire…

Le Type XXI trahissait un changement significatif dans la stratégie du BdU : ces nouveaux bâtiments océaniques étaient conçus pour opérer isolément plutôt qu’en meutes ou en groupes organisés, ce qui rendrait leur repérage beaucoup plus difficile et  plus aléatoire. En effet, le Type XXI avait été élaboré pour pouvoir s’approcher furtivement de l’avant ou du travers d’un convoi et lancer alors une attaque foudroyante en tirant coup sur coup une salve de 3 torpilles « LUT », avant de plonger sous le convoi pour recharger. La combinaison du nouveau sonar « Nibelung » et des nouveaux hydrophones « Balkon » aiderait également les commandants à garder la trace des navires qui se trouvaient au-dessus d’eux, en même temps qu’ils pourraient lancer de nouvelles attaques venues des profondeurs. La formidable vitesse du sous-marin, sa coque hydrodynamique recouverte de caoutchouc et sa capacité à plonger profondément et très rapidement, faisaient du nouveau Type XXI une cible sous-marine fuyante et difficile à atteindre. En résumé, en 1943 c’était l’arme parfaite pour couler impunément les convois et échapper à leur escorte ! Une sorte de cauchemar qui pourrait se révéler catastrophique pour les Alliés au moment où des forces considérables commençaient justement à se regrouper dans les ports d’Angleterre en prévision du débarquement en Europe…

Une merveille technologique… mise au point trop tard

Cependant, Dönitz découvrit bientôt qu’il restait à surmonter de sérieux problèmes logistiques avant que le nouveau Type XXI puisse réellement entrer en service. De fait, les anciennes méthodes utilisées pour la construction des Types VII et IX étaient absolument inadaptées à ce nouveau type de bâtiment, vu ses dimensions. La méthode  traditionnelle consistait à construire d’abord en entier la coque de l’U-Boot sur un slip, avant d’y installer ensuite les machines, les armes et l’équipement. Le rendement variait donc énormément suivant la taille et l’efficacité des chantiers. C’est ainsi que l’importante société Blohm & Voss de Hambourg fabriquait un U-Boot par semaine alors que le petit chantier Vulkan, à Stettin parvenait à peine à en produire deux par année. De plus, la Kriegsmarine était traitée comme la « Cendrillon » des forces armées en ce qui concerne l’allocation en travailleurs qualifiés et en matières premières, ce qui causait d’importants retards dans les chantiers navals.

Dönitz prit conscience de la pleine signification de cette triste situation lorsque les experts de l’Oberkommando der Marine (OKM) déclarèrent que la nouvelle flotte d’U-Boot océaniques ne serait pas prête à opérer avant 1946… C’était inacceptable pour le commandant en chef de la Kriegsmarine qui utilisa sur le champ sont droit d’accès direct au Führer pour défendre le programme du Type XXI. Il parvint ainsi à faire exempter du service militaire ses ouvriers les plus qualifiés et à faire augmenter l’allocation de la marine en acier. En avril 1944, il demanda également à Hitler l’autorisation de lancer un nouveau programme de constructions navales qui exigeait 30 000 tonnes d’acier supplémentaire chaque mois. Pour y parvenir, Dönitz bénéficia de l’appui direct de Speer : le ministre de la production et de l’armement, qui s’entendait bien avec l’amiral,  accepta de prendre les constructions navales au compte du ministère de l’Armement. Néanmoins, le travail de Speer se trouva compliqué du fait que le Führer donnait fréquemment la priorité à plusieurs projets différents en même temps, ce qui créait une pagaille indescriptible…

La coopération de Speer était vitale pour le programme du Type XXI. Dönitz devait écrire à ce propos, par la suite : « Si Speer avait eu le contrôle de la production deux à trois ans plus tôt, la situation en eut été changée du tout au tout parce qu’il avait fait la preuve qu’il était capable d’organiser la production de telle sorte que le rendement de l’industrie en 1943 et 1944 fut plus élevé qu’il ne l’avait jamais été… » Le ministre de l’Armement agit promptement. Il prit un certain nombre de mesures pour rationaliser la construction navale par l’intermédiaire de la Schiffbau Kommission et appointa un brillant ingénieur, Otto Merker, pour prendre la tête du développement du Type XXI.

Merker s’empressa d’appliquer les méthodes de préfabrication utilisées par les Américains pour les Liberty Ship et présenta un plan de production prévoyant la livraison de 33 Type XXI par mois. Au lieu de la méthode traditionnelle de construction sur le slip, il imagina de construire les Type XXI en 8 sections fabriquées dans l’intérieur des terres, au voisinage des aciéries de la Ruhr. Ces sections étaient ensuite transportées par voies navigables jusqu’aux nombreux chantiers intermédiaires, tels que Howaldswerke et DKW à Gotenhafen, où étaient installés les moteurs, les équipements, les gaines électriques et les auxiliaires de toutes sortes. La dernière étape conduisait les 8 sections vers les trois chantiers de montage de Deschimag (Brême), Blohm & Voss (Hambourg) et Schichau (Dantzig) où elles étaient  assemblées entre elles pour former un bâtiment complet. Merker espérait ainsi accélérer les choses et comptait achever le premier bâtiment de la nouvelle flotte océanique dans un délai étonnamment court de quatre mois et demi.

Pour accélérer encore le programme, la direction centrale de la construction des U-Boote fut également dynamisée par du sang neuf. De jeunes ingénieurs provenant de différents chantiers furent affectés à l’état-major de Merker. Conception, établissement de plans et production furent regroupés sous une direction centrale unique et le vieux bureau d’études qui supervisait la construction fut réorganisé et coiffé par le Comité central de la construction navale. Pour se donner toutes les chances de réussite, l’équipe chargées d’élaborer les plans du Type XXI fut éloignée des chantiers de construction et délocalisée à Blankenberg, dans le massif du Harz, au cœur de l’Allemagne, où un centre d’études fut discrètement établi en juillet 1943. Plus de 600 ingénieurs, dessinateurs et experts en construction mécaniques y furent discrètement regroupés.

Néanmoins, les progrès espérés furent plus lents que prévu en raison des innombrables modifications techniques rendues nécessaires par le fait que le Type XXI devait être produit directement à partir du bureau de dessin. Il en résulta une certaine tension et une mauvaise coordination entre le centre d’études de Blankenberg et les principaux chantiers d’assemblage sous la coupe des constructeurs navals traditionnels. L’unique objectif d’Otto Merker était de tenir ferme le délai de quatre mois et demi prévu pour la production de chaque Type XXI, ce qui lui valut de sévères critiques des chantiers d’assemblage qui lui reprochaient que « la construction primait trop la conception ». Les firmes Deschimag et Blöhm & Voss s’efforcèrent de se plier aux cadences infernales imposées, mais se plaignirent amèrement de la piètre qualité de la production des aciéries et du travail bâclé. Ces difficultés provenaient essentiellement  d’un manque de main d’œuvre qualifiée car les rares ouvriers spécialisés furent affectés aux usines où la fabrication du Schnorchel conditionnait le travail sur les nouveaux U-Boote.  La multiplication et l’intensification des raids de bombardements alliés sur l’Allemagne contribuèrent également  à désorganiser la production et les filières de livraison. Face à ces difficultés insurmontables, le nombre total des Types XXI commandés fut ramené à 195 unités et Dönitz dut se résoudre à l’idée que les premiers Type XXI ne seraient finalement lancés que vers la fin de l’année 1944.

Un sous-marin qui eut une longue descendance

Le premier Type XXI à être lancé à la mer sortit en avril 1944 du chantier Deschimag de Brême. Malheureusement, il avait été monté si vite que le travail avait été bâclé, si bien que ses performances se révélèrent sensiblement inférieures aux espérances. La vitesse maximale en plongée n’était que de 16,4 nœuds au lieu de 17,5 et le centre de Blankenberg dut admettre que ses performances en plongée lui causaient également un grand désappointement. Un ingénieur fit remarquer : « On espérait 300 mètres. Après mille difficultés, on obtint 160 mètres, puis finalement 200 mètres. Le panneau des torpilles était trop faible ! » Il fallut le changer. Ce premier bâtiment lancé à la mer fut suivi par une centaine d’autres qui eux répondaient parfaitement au cahier des charges et aux spécifications requises. Mais aucun ne put être engagé en opération avant 1945 car il fallait encore procéder aux essais à la mer et former les équipages.

Finalement, le premier exemplaire opérationnel du Type XXI ne prit la mer qu’en mars 1945. Il s’agissait du U-2511 qui, après avoir effectué un bref stage d’entraînement dans la mer Baltique, rejoignit d’urgence la base navale de Horten, en Norvège. Le 30 avril, son commandant Adalbert Schnee, un vétéran et un as de l’U-Bootwaffe, reçut l’ordre d’appareiller pour les Caraïbes avec son U-2511 équipé de torpilles T-11 de nouvelle génération, qui ne se laissaient pas détourner par les filets NMM ! Le U-2511 prit la mer mais quelques jours plus tard, on informa l’équipage par radio que le IIIe Reich avait capitulé. La mission était annulée et Schnee reçut l’ordre de faire immédiatement demi-tour pour livrer son bâtiment aux Britanniques. Il s’exécuta à contrecœur. Sur le chemin du retour, il réussit toutefois à pister et à approcher de près de grosses unités navales britanniques sans que celles-ci ne détectent la présence du sous-marin. Visiblement, le nouvel U-Boot Type XXI était au point ; il lui aurait été facile de couler les fiers cuirassés britanniques avec ses nouvelles torpilles hig-tech, mais la guerre était finie et Schnee dût se contenter de les admirer dans le réticule de visée du périscope…

En avril-mai 1945, les Soviétiques et les Britanniques découvrirent dans les chantiers navals allemands un très grand nombre de Type XXI en cours de construction, à divers états de montage ou de finition.  Ils firent également main basse sur une série d’unités à la mer qui furent partagées entre les quatre puissances occupantes. Ces bâtiments opérationnels furent incorporés dans les différentes marines nationales où ils servirent durant un certain temps. Certains demeurèrent en service durant encore plusieurs décennies et ne furent mis à la casse que dans les années 1960. D’autres furent démontés et minutieusement étudiés pour percer tous les secrets de fabrication. Ces exemplaires furent à l’origine des sous-marins de la guerre froide mais servirent également de modèle pour le développement des premiers sous-marins lanceurs de missiles balistiques, tant à l’Est qu’à l’Ouest…

Aujourd’hui, il ne reste qu’un seul U-Boot XXI à flot et en état. Il est mouillé dans le port de allemand de Wilhelmshaven où il constitue le clou du « Deutsches Schifffahrtmuseum ». Alors si vous passez dans le nord-ouest de l’Allemagne, n’hésitez pas à vous y arrêter pour visiter ce splendide bâtiment…

 

Panzerjäger Triebwagen 51 – Allemagne

En 1943, les Allemands, toujours préoccupés d’améliorer l’efficacité et la puissance de feu de leurs trains blindés engagés sur le front de l’Est, décident de créer le Panzerjäger Triebwagen 51 (Pzjg Trwg 51), une automotrice fortement blindée armée de deux tourelles, capable d’engager des blindés et d’appuyer efficacement l’infanterie amie dans la lutte contre les partisans, du fait de sa puissance de feu.

La conception et le développement de cet engin prit du temps, si bien que la production n’est finalement lancée qu’en 1944/45, trop tard pour être utilisé efficacement sur le front. En tout, les Allemands n’auront le temps de construire que 3 unités (Nr. 51 à 53) qui ne virent jamais le feu et qui ne furent jamais engagés en opération. Les Alliés les découvriront dans l’usine de production.

Le Panzerjäger Triebwagen 51 possédait deux tourelles de chars équipées de « schützen », récupérées sur des Panzers IV Ausf. H. Ces tourelles, disposées aux deux extrémités de l’automotrice, étaient armées d’un canon 7,5cm KwK L48. Les tubes étaient disposés tête-bêche pour permettre le roulage.

La partie centrale du wagon blindé abritait le moteur, les réserves de munitions et le poste du chef de batterie. Celui-ci était en communication radio avec les deux tourelles et disposait d’un tourelleau de char pour observer le champ de bataille.

Aucun exemplaire n’est parvenu jusqu’à nous, les  trois matériels roulants ayant été ferraillés…

Obusier allemand 10,5-cm Feldhaubitze 98/09 – 1914/1918

L’obusier de 105 mm modèle 1898/1909, en allemand 10,5-cm FH 98/09 (FH, Feldhaubitze : obusier de campagne) et parfois 10,5-cm leFH 98/09 (leFH, leichte Feldhaubitze : obusier léger de campagne), est une pièce d’artillerie utilisée par l’artillerie de l’armée allemande lors de la Première Guerre mondiale.

Cet obusier a pour origine le modèle développé par Rheinmetall en 1898 (10,5-cm FH 98), qui a été modernisé (frein de recul et nouvel affût) par Krupp de 1902 à 1904, avant d’être adopté en 1909, d’où son nom. Quelques exemplaires furent livrés aux forces armées ottomanes.

En 1914, ce modèle était déployé à raison de 36 pièces au sein de chaque corps d’armée : son tir courbe a permis à l’artillerie allemande de dominer son homologue française, surtout en terrain vallonné. Les modèles suivants reçurent d’un canon plus long, pour augmenter la portée.

wikipedia

Bataille du Bois des Caures – Colonel Driant

Le bois des Caures se trouve sur le territoire de la commune de Moirey-Flabas-Crépion (ancienne commune de Flabas), dans le département de la Meuse, au nord de Verdun. En février 1916, le bois est traversé par la ligne de front. Cette partie du front mal protégée est défendue par les bataillons de chasseurs du lieutenant-colonel Driant. Le 21 février 1916, au premier jour de la bataille de Verdun, le bois est détruit par une des plus impressionnantes préparations d’artillerie, les survivants des deux bataillons ont tenu tête pendant presque deux jours aux troupes allemandes en surnombre avant d’être détruits ou capturés. Cette résistance a permis de limiter la progression allemande et d’acheminer des renforts pour colmater le front.

Le bois des Caures était la position la plus au nord du front de Verdun sur la rive droite de la Meuse entre les communes de Flabas, Haumont et Beaumont, la zone de repos était à Samogneux. Depuis la stabilisation du front, fin 1914, cette zone était considérée comme secondaire. Malgré les mises en garde du lieutenant-colonel Driant aucun effort de renforcement ne fut ordonné par le GQG. À partir du mois de janvier 1916, devant les avancées des préparatifs allemands en vue d’une offensive, Driant renforça les défenses dans le bois des Caures de son propre chef. Alternativement les 56e et 59e bataillons de chasseurs à pied occupaient les premières lignes.
Le 21 février 1916, face à eux se trouvait la 21e division allemande, formée de trois régiments soit neuf bataillons. Cette division était soutenue par 40 batteries d’artillerie lourde, sept batteries de campagne et 50 Minenwerfer (mortier de tranchée) soit 230 pièces.

Le 21 février, le bois des Caures est défendu en première ligne par le 59e bataillon de chasseurs à pied et le 56e bataillon de chasseurs à pied en seconde ligne, soit environ 1 200 hommes, sous le commandement du lieutenant-colonel Émile Driant. À partir de 7 h 30, le bois et toute la ligne de front sont soumis à un bombardement particulièrement intense, jusqu’à 16 h. On estime qu’environ 80 000 obus sont déversés sur le bois – soit un secteur de 1 300 mètres sur 800 mètres pendant cette journée.

On ne saura jamais avec certitude combien de défenseurs ont survécu à cet ouragan d’acier, mais lorsque le bombardement cesse, à 4 heures de l’après-midi, une poignée de fantassins émerge de ses abris et s’apprête à combattre. Ils ont les yeux rougis, les explosions les ont rendus sourd, beaucoup sont blessés ; la plupart de leurs mitrailleuses sont hors d’usage, certains n’ont plus que des grenades et leur baïonnette. Alors que les canons continuent à pilonner la zone située derrière le bois, les colonnes d’assaut allemandes, lance-flammes en tête, entreprennent leur progression parmi les souches lacérées du bois des Caures. Ce sont des éléments de la 42e brigade de la 21e division, emmenés par cinq détachements de pionniers et des équipes de lance-flammes. Le jour baisse et il commence à neiger. Pas plus d’un quart des chasseurs ont survécu au bombardement, mais ils s’accrochent au terrain et contre-attaquent même pendant la nuit pour reprendre un poste perdu. Le sergent Léger et cinq chasseurs tirent jusqu’à ce qu’ils n’aient plus de munitions ; Léger parvient encore à épuiser son stock de 40 grenades à main avant d’être blessé et de perdre conscience. Non loin de là, le sergent Legrand et six chasseurs n’ont plus que deux fusils en état de tirer, mais ils se battent jusqu’à la mort. Il n’y aura qu’un seul survivant, le caporal Hutin, blessé, est capturé. Le 22 février, les Allemands bombardent à nouveau la position, puis attaquent en force, emportant l’un après l’autre les postes et les abris. Driant brûle ses documents et évacue son poste de commandement. Il est tué peu après.

Bilan

Au cours de ces combats les chasseurs des deux bataillons perdent 90 % de leurs effectifs, leur résistance a cependant retardé de façon décisive la progression allemande. Elle a également permis aux renforts français d’arriver à temps pour éviter la percée vers Verdun. Ces combats marquent le début de la bataille de Verdun qui durera jusqu’en octobre 1916.

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