Archives de l’auteur : Moret Jean-Charles

À propos Moret Jean-Charles

Fondateur de l'Association Pro Forteresse Co-fondateur de l'Association Fort Litroz

Canon allemand sur rail K5 de 280 mm et Dombunker – Pas de Calais – France

Vu l’urgence, des emplacements de tir pour pièces de gros calibres sur voies ferrées sont rapidement aménages entre Wimereux au sud et Calais au nord, autour de l’axe de liaison stratégique que constitue la ligne de chemin de fer Boulogne-Calais. Des voies ferrées partant de la gare d’Aubengue et de divers points s’engagent dans les dunes, contournent les collines du Boulonnais et du Wissantais, pour atteindre la gare de Warcove, avant de s’ouvrir en éventail derrière le cap Gris-Nez. D’autres emplacements sont aménagés en arrière de Wissant et près de Calais, notamment au niveau de la digue royale.

A l’extrémité de ces différentes déviations, sur un sol stabilisé ou légèrement bétonné, sont assemblés les éléments de table Vögele. Copiées sur le principe des ponts tournants et des plaques de chemin de fer pivotantes, elles permettent un réglage rapide et un tir tous azimuts des énormes canons sur rail de calibre 200, 250 et 280mm.

En dehors des périodes de tir, les pièces ainsi que leurs wagons d’accompagnement trouvent refuge dans les abris naturels des carrières, sous les tunnels de chemin de fer traversant les collines de la région, ou encore sous l’un des trois DOMBUNKER construits à cet effet par les Allemands. Il s’agit d’énormes abris en béton armés de forme ogivale (d’où le nom de DOM), dont certains subsistent toujours actuellement. Le premier était situé près de Wimereux/Baston, le second dans la Vallée Heureuse, près d’Hydrequent, et le troisième dans les faubourgs nord-ouest de Calais. Ce dernier a été  transformé en garage depuis lors et existe toujours. La plupart de ces batteries sont servies par la Kriegsmarine.

Dombunker de Wimereux (Pas de Calais)

En dehors de ces périodes de tir, les pièces et wagons d’accompagnement trouvaient refuge dans des abris naturels en carrière ou sous l’un des trois « Dom Bunker » des environs (Les Oies à Wimereux, Cimetière du Nord à Calais ou Vallée heureuse à Hydrequent). Ces pièces complétaient les batteries côtières sous casemates qui visaient plus quant à elles les côtes anglaises que les attaques de navire.

D’une longueur de 35 m et d’un poids de 218 tonnes, ce canon de marine avait une portée de 62 km (voire 86 km avec munitions spéciales). Produit en 25 exemplaires, il n’en reste aujourd’hui que deux, l’un étant à Aberdeen aux Etats-Unis, celui-ci (fabriqué par Krupp en 1943) ayant été récupéré sur les installations de la Digue royale à Calais. Les principales pièces sur voie ferrée du secteur Boulogne – Calais étaient situées aux lieux dits :

*Les Oies à Wimereux : 3 x 280 mm,

*Framzelle à Audinghen (cap Gris Nez) : 3 x 280 mm,

*Vallée heureuse à Hydrequent : 2 x 280 mm,

*Les Alleux à Frethun : 2 x 280 mm,

*Digue royale à Calais : 3 x 280 mm

Les photos représentent le Dombunker de Wimereux qui est actuellement entouré de villa. Il a servi d’entrepôt à une entreprise qui a ouvert un accès latéral qui n’est pas d’origine. L’entrée principale a été modifiée et la porte d’origine coulissante a été supprimée. On voit encore les supports fixé à la façade au-dessus de la porte actuelle. Les voies de chemin de fer n’existent plus depuis de longues années.

 

 

Le musée de la batterie allemande TODT – Cap Gris Nez – Calais- France

CONTEXTE GENERAL

La batterie TODT compte parmi les plus grandes batteries du célèbre Mur de l’Atlantique et parmi les plus célèbres réalisations militaires du Nazisme en matière de fortification. Située sur la côte française du Pas de Calais, à peu près à mi-distance entre Calais et Boulogne, elle faisait partie du secteur probablement le plus densément et le plus puissamment fortifié de l’Attlantikwall. La raison en est simple : cette partie de la côte française est la plus proche du rivage de l’Angleterre, distant seulement de 34 kilomètres. La faible largeur de la Manche au niveau du Pas de Calais –permettait donc à l’armée allemande de harceler les régions du Kent et de pilonner les villes les plus proches, grâce aux puissantes pièces de marine installées sous casemate par les soins de la  célèbre organisation TODT. Les villes anglaises de Douvres, Folkestone, Ramsgate et Canterbury payèrent d’ailleurs un très lourd tribu aux batteries offensives allemandes installées le long de la Côte d’Opale.

L’OPERATION SEELÖWE

Pour comprendre l’histoire de la batterie TODT, il convient de remonter à la fin du mois de mai 1940. A cette date, l’armée française vient d’être enfoncée et le corps expéditionnaire franco-britannique, lancés par le général Gamelin au secours du Bénélux, s’est brusquement retrouvé coupé du gros des armées françaises par l’offensive éclair menées par les Panzerdivisions à travers les Ardennes, pourtant réputées infranchissables par les stratèges français. En l’espace de quelques jours, après la percée de Sedan et une ruée menée au rythme trépignant de la Blitzkrieg si chère au Führer,  les blindés allemands débouchent sur les côtes de la Manche et remontent rapidement la côte en direction des ports stratégiques de Boulogne et de Calais pour couper la retraite aux Alliés.

Le baroud d’honneur du capitaine de corvette Ducuing et de ses marins s’achève le 25 mai devant le sémaphore du Cap Gris-Nez. Quelques kilomètres plus au nord, la poche de Dunkerque, vers laquelle refluent en désordre les reliquats des armées franco-britanniques, se rétrécit rapidement sous la poussée inexorables du 19ème Corps blindé du général Kleist, comprenant notamment les divisions blindées des généraux Gudérian et Reinhardt, ainsi que la 10ème Panzerdivision et le régiment Grossdeutschland.

Après le désastre de Dunkerque et l’armistice signée avec la France, l’OKW, conformément à la directive de Hitler n°16 datée du 16 juillet 40, met sur l’invasion de l’Angleterre. L’opération, baptisée SEELÖWE (LION DE MER), doit avoir lieu dans le courant de la seconde moitié de l’été. Il faut pour cela réunir des forces et une flotte de transport très importantes, mais surtout assurer la protection des convois et de la flotte lors de la courte mais néanmoins décisive traversée de la Manche.

La Lufftwaffe reçoit l’ordre d’éliminer du ciel les quelques avions de la RAF tandis que la Kriegsmarine et l’armée de terre (Heer) se voient confier  la mission d’assurer l’appui de feu de l’invasion, essentiellement avec de l’artillerie à longue ou très longue portée.

LES BATTERIES OFFENSIVES SUR RAIL

Vu l’urgence, des emplacements de tir pour pièces de gros calibres sur voies ferrées sont rapidement aménages entre Wimereux au sud et Calais au nord, autour de l’axe de liaison stratégique que constitue la ligne de chemin de fer Boulogne-Calais. Des voies ferrées partant de la gare d’Aubengue et de divers points s’engagent dans les dunes, contournent les collines du Boulonnais et du Wissantais, pour atteindre la gare de Warcove, avant de s’ouvrir en éventail derrière le cap Gris-Nez. D’autres emplacements sont aménagés en arrière de Wissant et près de Calais, notamment au niveau de la digue royale.

A l’extrémité de ces différentes déviations, sur un sol stabilisé ou légèrement bétonné, sont assemblés les éléments de table Vögele. Copiées sur le principe des ponts tournants et des plaques de chemin de fer pivotantes, elles permettent un réglage rapide et un tir tous azimuts des énormes canons sur rail de calibre 200, 250 et 280mm.

En dehors des périodes de tir, les pièces ainsi que leurs wagons d’accompagnement trouvent refuge dans les abris naturels des carrières, sous les tunnels de chemin de fer traversant les collines de la région, ou encore sous l’un des trois DOMBUNKER construits à cet effet par les Allemands. Il s’agit d’énormes abris en béton armés de forme ogivale (d’où le nom de DOM), dont certains subsistent toujours actuellement. Le premier était situé près de Wimereux/Baston, le second dans la Vallée Heureuse, près d’Hydrequent, et le troisième dans les faubourgs nord-ouest de Calais. Ce dernier a été  transformé en garage depuis lors et existe toujours. La plupart de ces batteries sont servies par la Kriegsmarine.

LES BATTERIES OFFENSIVES SOUS CASEMATE DU PAS DE CALAIS

Outre ces canons sur rails, la Kriegsmarine entreprend la construction d’une série de batteries offensives côtières sous casemates le long de la côte du Pas de Calais. Ces batteries étaient destinées à protéger la flotte de débarquement, à harceler la Home Fleet britannique au cas où elle s’aventurerait dans le Channel et à pilonner la côte anglaise. Ces célèbres batteries, qui furent souvent illustrées par la propagande allemande de Goebbels pour démontrer la puissance et l’invincibilité du Mur de l’Atlantique. Ces batterie étaient au nombre de cinq. En remontant la côte du sud vers le nord, on trouvait successivement :

La batterie FRIEDRICH AUGUST, armée de 3 pièces de 305mm SK L/50 sous casemate, près de Wimereux.

La batterie SIEGFRIED, armée de 4 pièces de 380 mm SK C/34 sous casemate, près d’Audinghen.

La batterie GROSSER KURFÜST, armée de 3 pièces de 305 mm SK L/50, immédiatement en arrière du Cap Gris-Nez.

La batterie SCHLESWIG HOLSTEIN, rebaptisée plus tard LINDEMANN en mémoire du commandant du cuirassé BISMARCK, armée de 3 pièces de 406 mm sous casemate, près de Sangatte.

La batterie OLDENBURG, armée de 2 pièces de 240 mm SK L/40, à l’est de la ville de Calais.

Ces batteries avaient pour la plupart été prélevées sur les côtes nord de l’Allemagne.

Certaines changèrent de nom en arrivant sur les rivages du Kanal, comme l’appelaient les Allemands. Ainsi la batterie SCHLESWIG HOLSTEIN, après avoir été appelée un temps GROSS DEUTSCHLAND, reçut officiellement le nom de batterie LINDEMANN, en mémoire de l’officier qui était aux commandes du puissant cuirassé BISMARCK lors de son affrontement mortel avec la flotte britannique dans l’Atlantique nord. Quant à  la batterie SIEGFRIED, elle fut rebaptisée batterie TODT, en l’honneur du Dr Fritz Todt, directeur de l’organisation chargée par Hitler de toutes les grandes constructions du régime, parmi lesquelles les ouvrages du Mur de l’Atlantique. Ce changement eut lieu lors de l’imposante prise d’armes qui célébra son inauguration le 11 janvier 1942. A peine un mois plus tard, le 8 février 1942, le Junker 52 qui transportait le Dr. Todt s’écrasa mystérieusement peu après le décollage, tuant tous ses passagers. Des rumeurs persistantes évoquèrent un sabotage de l’appareil commandité par des rivaux du régime, jaloux du succès et de l’aura grandissante du Dr. Todt ! La question est toujours débattue.

 LE DOCTEUR FRITZ TODT ET L’ORGANISATION TODT

En 1933, Hitler le nomme inspecteur général des voies routières allemandes et lui fixe un programme de 7000 km d’autoroutes à réaliser suivant six grands axes sillonnant le Reich.

Ayant mené avec succès ce projet avec un effectif de 250’000 travailleurs, Hitler lui confie alors le 28 mai 1938 la conduite des travaux sur la ligne fortifiée du WESTWALL, plus connu sous le nom de LIGNE SIEGFRIED. C’est à ce moment que prend réellement forme ce qu’on appelé par la suite l’ORGANISATION TODT.

Depuis son QG de Wiesbaden, le Dr. Todt organise et planifie 24 heures sur 24 l’approvisionnement des chantiers de 14’000 ouvrages fortifiés répartis sur 630 kilomètres entre Bâle et la frontière hollandaise. L’organisation compte alors 340’000 ouvriers et collaborateurs.

Alors qu’il s’apprête à réaliser la même chose sur la frontière est, la guerre survient et, en mars 1940, le Dr. Todt se retrouve pratiquement à la tête de toute l’industrie allemande, en tant que Reichsminister pour l’armement.

Il a juste le temps de prendre en mains les travaux amorcés sur le Mur de l’Atlantique avant de trouver la mort dans le mystérieux accident qui mit fin à sa brillante et fulgurante ascension au sein du régime nazi. Il sera remplacé par Albert Speer qui poursuivra la tâche avec l’Organisation Todt.

LA CONSTRUCTION DE LA BATTERIE TODT

Une fois l’emplacement choisi, le premier travail de l’Organisation Todt consistait à remuer et à évacuer les dizaines de milliers de mètres cube de terre provenant des gigantesques travaux de terrassement. Ces opérations se déroulaient à l’abri des regards indiscrets sous la protection des filets de camouflage. Ces travaux de terrassements représentaient au moins l’équivalent, sinon le double du volume du béton utilisé pour la construction.

Puis commençait l’édification de la casemate. Celle-ci débutait par la partie enterrée de l’ouvrage et par la chambre de tir, vaste cuve circulaire avec en son centre un massif bétonné destiné  à recevoir le pivot de la tourelle blindée de protection du canon. La cuve achevée, il était alors possible de procéder à l’installation du canon. La mise en place de ses éléments constitutifs, affûts, tube, blindages de protection de la tourelle, nécessitait  la mise en place de moyens de manutentions extrêmement lourds s, vus le poids de certaines pièces, et l’édification d’un gigantesque portique mobile capable de manipuler des charges atteignant jusqu’à 100 tonnes.

Pendant la mise en place des dernier préparatifs, les canons acheminés depuis l’Allemagne étaient transportés par voie ferrée jusqu’à la gare la plus proche. Puis, ils terminaient le parcours sur des remorques GOTHA équipées de douze essieux 18 tonnes, du type en service dans l’artillerie de la Wehrmacht. Pour gravir les pentes, les deux tracteurs d’artillerie étaient placés à l’avant tandis que pour les descentes l’un des deux se mettait à l’arrière pour freiner le convoi. Ces énormes remorques n’avaient qu’un très petit rayon de braquage et, à certains endroits, il fut nécessaire d’abattre des arbres ou des maisons qui gênaient le passage du convoi.

Une fois le canon placé sur ses tourillons, on procédait au montage de la tourelle, livrée démontée sous forme de plaques de blindage moulées aux formes appropriées. Cette opération marquait la fin de la première phase de construction. A ce stade, le canon était paré pour ouvrir le feu, bien qu’il ne fut encore pas dissimulé sous sa protection de béton.

La seconde phase consistait à édifier l’énorme et épaisse carapace de béton armé qui assurait la protection de la  tourelle et des installations annexes. Le premier travail consistait à édifier le coffrage, qui engloutissait d’énormes quantités de bois. Ce dernier provenait en grande partie des forêts alsaciennes ou lorraines.

Une fois le béton coulé et le coffrage enlevé, le terrain était remblayé au bulldozer. Les parties souterraines étaient recouvertes de terre, assurant ainsi une protection supplémentaire.

Une fois achevée, la casemate était recouverte d’un gigantesque filet de camouflage pour en dissimuler les formes, ainsi que la circulation du personnel et du matériel.

Après l’échec du débarquement de Dieppe par les Canadiens, des emplacements pour canons légers de D.C.A. et des postes de combat pour armes légères furent rajoutés sur la dalle de couverture de certaines casemates, de façon à prévenir une attaque surprise par des commandos ou des parachutistes.

Enfin, dans le courant de l’année 1944, lorsque les attaques aériennes se firent plus nombreuses et plus massives, une protection des embrasures contre les éclats de bombes et les roquettes d’avions fut installées, sous la forme de lourds filets en mailles d’acier.

 DESCRIPTION GENERALE DE LA BATTERIE TODT

La batterie TODT est située à 3 km au sud-est du Cap Gris-Nez. Elle possède 4 casemates abritant chacune une pièce de marine de 380 mm. Ces casemates sont installées à contrepente sur le petit plateau d’Haringzelles, face à Audresselles. Elles sont réparties en croissant dans un rayon de 750m. Outre les canons de gros calibres, cette batterie comprenait également sous son commandement les armes et ouvrages suivants :

  • 14 abris passifs
  • 4 cantonnements légers
  • 1 ceinture de 15 Tobrouks
  • 3 pièces antichars tournées face au sud et dirrigées vers l’intérieur de la côte.
  • 9 pièces de FLAK d’origine française, installées en cuve de briques au centre de la batterie.

Une station de pompage d’eau potable, des abris pour le personnel, un poste de secours et même une ferme intégrée par la force des choses au dispositif pour servir de poste d’observation complétaient l’ensemble.

Ces infrastructures ne fournissaient toutefois pas à ce groupement une totale autonomie en ce qui concerne principalement la direction du tir et l’approvisionnement en munitions

L’APPROVISIONNEMENT EN MUNITION

Bien que disposant d’un stock tampon de gargousses et d’obus, chaque casemate se trouvait reliée par un faisceau de voies ferrées de type Decauville à des soutes à munitions complémentaires, situées près du hameau d’Onglevert. Ces 2 imposantes constructions (30 x 50 x 17 m), encore visibles au carefour de la D191 avec la D191E, étaient constituées de 6 alvéoles disposées de part et d’autres d’un couloir fermé à chaque extrémité par une lourde porte blindée à 2 battants.

Dans ce couloir passaient à la fois une boucle routière et la voie ferrée décrite précédemment. Ains, à l’abri du béton, et à l’aide de monorails fixés au plafond, s’exécutaient tous les transferts.

 LE POSTE DE CONDUITE DE TIR

En ce qui concerne la direction du tir, la batterie était complètement dépendante, et chaque casemate, dépourvue d’éléments de visée propre, se trouvait en quelque sorte aveugle. Toutes les coordonnées de tir étaient fournies à la batterie par le poste de direction de tir situé au Cran aux Oeufs, 1200 m au nord de la batterie et en bordure directe du littoral.

L’ouvrage principal de direction du tir, réparti sur un seul niveau, comportait une salle des cartes, un local pour la radio, un autre pour le téléphone ainsi que les locaux techniques regroupant les groupes électrogènes, le système de ventilation et le chauffage.

En superstructure et sur l’avant de l’ouvrage, se trouvait une cloche d’observation avec périscope sous coiffe blindée, ainsi qu’un télémètre de 10,5 mètres sous coupole d’acier de 10 cm d’épaisseur. Pour augmenter la précision, ce poste centralisait également les relèvements goniométriques fournis par au moins 3 postes d’observation répartis sur une assez grande distance le long de la côte. L’un se trouvait au Cap Gris-Nez, l’autre au Portel, le troisième enfin au Cran Mademoiselle. Ce procédé, dit à grande base, permettait d’améliorer la précision mais supposait une excellente chaîne de transmission.

En effet, les coordonnées successives définissant la vitesse et la direction de l’objectif, étaient enregistrées puis converties en coordonnées de tir auxquelles étaient apportées les corrections journalières d’azimut, celles dues aux éléments extérieurs tels la température de l’air, le sens et la vitesse du vent. Ces éléments correspondant à un point moyen de la batterie, devaient être corrigés pour tenir compte de la position des casemates et être transmis à chacune d’elles.

Encore fallait-il introduire dans ces calculs les caractéristiques balistiques de chaque pièce, le  poids de l’obus et le type de charge. On imagine alors aisément les difficultés qu’il y avait à cadrer un objectif, et la fièvre qui devait alors régner dans le poste de commandement.

 LE SYSTEME DE DETECTION DE LA BATTERIE

A  toutes ces méthodes, la technologie nouvelle apporta une autre, celle du radar. La batterie TODT fut équipée dans un premier temps du radar WÜRZBURG Fu MG 39c mis au point par Telefunken dès 1936, et qui, après de multiples développements, devint l’équipement standard de la Wehrmacht à partir de 1939/40.

C’est cette appareil qui restera dans l’histoire comme ayant fait l’objet du raid britannique sur Bruneval le 27 février 1942. Par ailleurs excellent, ce radar s’avéra d’une portée un peu limitée. Il fallut attendre 1941 et l’ultime développement apporté par Telefunken sous la forme du WÜRZBURG RIESE Fuse 65 pour obtenir une nette amélioration des performances.

Se distinguant par son antenne de 7,5 m de diamètre, il avait comme caractéristiques de base :

  • Longueur d’onde : 53 cm
  • Portée maximum : 80 km
  • Faisceau : 13e dont 7,2 effectifs
  • Impulsions : 1875/seconde
  • Portée pratique : 65 km
  • Précision : en portée +/- 15m et en azimut +/- 0,2 °.

La Kriegsmarine y apporta quelques modifications mineures pour en faire un appareil de conduite de tir sur objectifs marins, sous la dénomination FUMO 215 (pour Funkmessortung 215 für Seeartillerie), plus connu sous le nom de SEE RIESE.

La batterie TODT, comme quelques autres batteries lourdes côtières, fut équipée de cet appareil, monté à proximité immédiate du poste directeur de tir sur un abri comprenant essentiellement 2 pièces de traitement d’informations. Précieux auxiliaire dans l’acquisition d’objectifs et la conduite de tir par temps couvert ou visibilité nulle (brume, obscurité), le radar n’était pas, du moins à cette époque et dans ce cas précis, le remède universel. L’heure n’était pas encore venue de la conduite de tir automatique et il ne faut donc pas en surestimer les capacités réelles.

LES CASEMATES DE TIR

De conception Kriegsmarine, les casemates mesurent 47m de long, 29 de large et 20 de haut, dont 10 hors du sol ! Construites en classe A, elles ont, selon le standard allemand, une toiture et des murs de 3,5 m d’épaisseur, capables de résister à des obus de 380 mm, à des bombes de 4000 livres ordinaires ou encore à des bombes de 2000 livres perforantes. Chaque casemate a nécessité environ 12’000 mètres cube de béton armé, ce qui représente environ 8’000 tonnes de ferraillage par ouvrage, non compris les imposants  blindages.

LA CHAMBRE DE TIR

La chambre de tir abritant la pièce de 380mm est un vaste local circulaire en forme d’amphithéâtre, comportant 2 banquettes bétonnées continues courant sur tout le mur arrière.

La banquette la plus basse est traversée par 2 passages vers la cuve et sert d’appui arrière à la tourelle. Elle protège en outre un couloir semi-circulaire équipé de 2 voies Decauville concentriques. La voie intérieure supporte les galets de roulement du monte charge. La seconde sert au va et vient des wagonets pour l’approvisionnement des obus et des gargousses entre les soutes et la pièce, quelle que soit la position angulaire de cette dernière.

La seconde banquette correspond à l’étage supérieur de la tourelle et sert éventuellement de galerie de service. C’est à ce niveau que pénètre, par une ouverture de 2m de large, la voie ferrée reliant la casemate aux soutes principales d’0nglevert (voir sous n°7) .

La gigantesque embrasure de tir, ouverte à 120°, est orientée face au détroit et à la côte anglaise. Elle était protégée par les dispositifs suivants :

  • sur ses flancs par des plaques de blindage de 4 cm d’épaisseur, épousant au plus près la forme de la tourelle.
  • en partie basse, par un parapet de tir légèrement inférieur au niveau du tourillon.
  • en partie haute, par le célèbre Front Todt qui possédait ici la particularité d’être entièrement cuirassé. La plaque d’acier qui le renforçait était boulonnée sur la casemate directement au-dessus du Front Todt. Ce cuirassement pesait à lui seul 100 tonnes.

A l’origine, les parois comprenaient 2 rangées superposées de 9 ouvertures rectangulaires, qui s’ouvraient dans la partie arrière de la casemate et qui étaient tournées vers l’intérieur des terres. Ces ouvertures avaient vraisemblablement été conçues pour compenser la dépression créée dans la casemate au moment du tir. L’une d’elle abritait d’ailleurs une prise d’air sous cloche blindée. Aveuglés par leur foi inébranlable en la victoire et par leur illusion de Reich millénaire, les bâtisseurs allemands n’avaient en effet jamais imaginés que les casemates puissent être attaquées à revers. Or, ces ouvertures constituaient de prodigieux points faibles. Suite au débarquement des Alliés en Normandie le 6 juin 1944, elles furent en partie obstruées par les Allemands et leur ouverture fut ramenée à un espace de 40 x 20 cm pour les transformer en meurtrières, permettant le tir d’une mitrailleuse ou d’une arme légère. Du côté intérieur, la banquette de ces nouvelles meurtrières était inclinée vers l’extérieur, pour permettre un tir plongeant en direction de la route. En même temps, quelques postes de défense rapprochée furent installés aux alentours et sur les casemates pour faire face à l’éventualité d’une attaque ponctuelle, par exemple par des parachutistes ou des commandos.

LE REZ DE CHAUSSEE : L’ENTREE ET LES SOUTES À MUNITIONS

Au rez-de-chaussée, un large couloir qui s’ouvre à l’arrière de la casemate, sert  d’accès pour le personnel comme pour le matériel. Sur la portion de son trajet menant aux soutes, il est équipé au plafond d’un monorail avec palan, destiné à faciliter l’acheminement et la manutention des munitions. Le sol du couloir est d’ailleurs percé d’une trémie qui permettait, le cas échéant, la descente au sous-sol de pièces de rechange destinées au groupe électrogène ou au système de ventilation.

La casemate comporte 2 soutes à munitions distinctes. La plus grandes était réservée aux douilles  et aux gargousses, qui y étaient stockés sur 4 rangées, comme en témoignent les monorails fixés au plafond. La seconde abritait uniquement les obus, alignés seulement sur 2 rangs, en raison de leur poids et de l’encombrement. Chaque soute s’ouvre sur la chambre de tir par une large ouverture de 2 m x 1 m qui permet le transfert des munitions sur les wagonets destinés à approvisionner la pièce.

LE SOUS-SOL : CHAMBRE DES MACHINES, VENTILATIONS ET LOGEMENTS

On accède au sous-sol  par un escalier étroit qui s’amorce dans le couloir réservé au personnel, entre l’entrée principale et la chambre de tir.

Le sous-sol est en grande partie occupé par les locaux techniques : système de ventilation, installations de chauffage, filtres, salle des machines abritant le groupe électrogène.

Construit par DEUTZ, le groupe électrogène développait une puissance de 36 KVA. Il assurait l’éclairage de la casemate,  l’alimentation des moteurs du système de ventilation ainsi que ceux de mise en mouvement de la pièce. L’air nécessaire au moteur et au refroidisseur était directement prélevé par une cheminée remontant en superstructure sous cloche blindée. Contre le mur du fond étaient placées les 2 cuves à gasoil totalisant une contenance de 67’750 litres.

Derrière ce mur se trouvait un atelier d’où partait une gaine technique remontant par une cheminée à l’aplomb du pivot soutenant la pièce, qui permettait un accès aisé pour effectuer d’éventuelles réparations.

Le reste du sous-sol était occupé par 5 locaux, comprenant la cambuse, une salle abritant le système de ventilation et la réserve d’eau, deux cantonnements pouvait abriter chacun 18 hommes de veille et enfin une chambre donnant directement sur la salle du groupe, qui était réservée à l’officier commandant la casemate.

LA TOURELLE

Construite sur le principe des tourelles de marine équipant les cuirassés de la Kriegsmarine, la tourelle de chacune des 4 casemates avait une forme légèrement trapézoïdale. Elle mesurait 9 m de long, 6 m de haut, 8 m à sa partie la plus large et 4,5 m à sa partie la plus étroite. Elle comportait 2 étages auxquels on accédait par des échelles (à l’avant depuis le socle, à l’arrière par le couloir des soutes) ou du haut, à partir d’une galerie de service.

L’étage inférieur de la tourelle abritait les moteurs de réglage et ménageait le volume nécessaire pour permettre le passage du recul de la culasse lors des tirs à longue portée, lorsque le tube était relevé avec un grand angle d’incidence.

L’étage supérieur comprenait les dispositifs de pointage, de chargement, ainsi que la liaison téléphonique et le commandement. La montée des obus et des gargousses était assurée par 2 monte-charges qui descendaient dans les couloirs des soutes de la tourelle. On retrouvait là les 2 wagonnets venus avec leur chargement. Obus et gargousses étaient placés dans les monte-charges et hissés séparément vers l’étage de la tourelle. Une fois parvenus à ce niveau, ils étaient pivotés de 90 degrés pour être placés dans l’axe du canon, puis amenés jusqu’à la culasse et enfin engagés par un refouloir hydraulique dans le tube. Toutes ces manœuvres s’exécutaient impérativement avec le canon disposé horizontalement, avec une incidence de 0 degrés.

Le  blindage de la tourelle était entièrement réalisé en plaques d’acier de 40 mm d’épaisseur. Après chaque tir, les gaz brûlés étaient aspirés par 2 ventilateurs fixés au plafond de la tourelle, puis rejetés à l’extérieur par la cheminée de tôle, si caractéristique de la Batterie TODT.

LA PIECE

Les pièces qui équipaient les tourelles des casemates étaient identiques à celles installées à bord des cuirassés BISMARK et TIRPITZ. Ce type de pièce,  revu et amélioré par Krupp en 1934 pour armer les nouveaux navires de ligne de la Kriegsmarine, descendait directement des canons de 380 utilisés en défense côtière par les Allemands lors de la première guerre  mondiale.

La pièce pesait 105,3 tonnes pour une longueur totale de 19,63 mètres, dont 15,75 m de tube. Celui-ci possédait 90 rayures à droite au pas progressif de 5/6°.

Pour améliorer les performances lors des tirs à longue portée, la longueur de la chambre avait été augmentée à  2,48 m.

Le réglage en site était compris entre -4° et + 52°, le chargement se faisant obligatoirement avec  le tube rétabli à O°, c’est-à-dire horizontal. Quant à l’azimut, il était limité par les 120° de l’embrasure. Contrairement aux systèmes utilisés notamment par les Anglais, il convient de noter que le réglage en site était réalisé par une noix se déplaçant sur une vis sans fin, avec renvoi de bielle sur le berceau du canon. Le réglage en azimut était obtenu par des galets porteurs  à l’arrière de la tourelle. Tous les mouvements du tube étaient assistés par des moteurs électriques mais pouvaient, le cas échéant, être réalisés à la main.

LES OBUS

Il existait 3 types d’obus auxquels vint s’ajouter le SIEGFRIED GRANATE, spécialement conçu pour le tir à longue portée. Tous ces obus étaient du type SK C/34.

  1. OBUS STANDARD :

 38 cm Sprengranate L/4,6 mit Kopfzünder mit Haube

Obus de 800 kg et de 1,75 m de haut (calibre 4,6) à haut pouvoir explosif, utilisé avec fusée de tête KZ C/27 sous fausse ogive.

2.  OBUS SEMI-PERFORANT :  

 38 cm Sprengranate L/4,4 mit Bodenzünder mit Haube

prévu pour l’attaque des navires faiblement cuirassés
 Obus semi-perforant de 800 kg  et 1,68 m de haut (calibre 4,4) utilisé avec fusée de culot à retard modèle marine Bdz C/38 et une coiffe de perforation.

  1. c) OBUS PERFORANT :

 38 cm Panzer Sprenggranate L/4,4 mit Bodenzünder mit Haube.

prévu pour le combat contre des navires lourdement cuirassés ou des ouvrages bétonnés

Obus fortement aciéré de 800 kg  et 1,68 m de haut (calibre 4,4) utilisé avec fusée de culot à retard modèle marine BdZ C/38, conçu pour perforer les blindages des plus gros navires de ligne.

  1. d) OBUS «  SIEGFRIED » pour le tir à longue portée

38 cm SIEGFRIED GRANATE L/4,5 mit Bodenzünder mit Haube.

Obus de conception HEER, spécialement conçu pour le tir à longue portée.

Poids de 495 kg pour une hauteur de 1,67m (calibre 4,5). Il pouvait être utilisé en tir percutant avec effet de souffle ou en tir pénétrant avec retard réglable. Il fonctionnait avec plusieurs  type de fusées

LA CHARGE PROPULSIVE

Les 3 obus d’origine marine étaient tirés avec une charge standard unique, divisée en 2 gargousses pour faciliter le maniement.

La SIEGFRIED GRANATE était tirée avec 2 gargousses utilisables séparément comme charge réduite ou charge pleine, appelée SIEGFRIED LADUNG.

Dans les 2 cas, la charge principale (Hauptkart) se présente sous la forme d’une douille en cuivre jaune  tandis que la charge d’appoint est contenue dans un sac en cellulose renforcé de fibres.

Le chargement s’effectuait dans l’ordre suivant : obus, Vorkart, puis Hauptkart.  La mise à feu était déclenchée par une capsule à percussion C/12 nA St (neuer Art aus Stahl). Les 3 obus de conception Kriegsmarine avaient une portée de 42 km avec une vitesse initiale de 820 m / seconde. La SIEGFRIED GRANATE de conception Heer atteignait 41 km en charge réduite avec une vitesse initiale de 923 m / seconde, et 55,7 km en charge pleine avec une vitesse initiale de 1050 m / seconde.

En 1943, un nouveau type de poudre fut essayé pour allonger la durée de vie de 200 à 240 coups, mais les performances furent décevantes et l’expérience ne fut pas prolongée.

LA BATTERIE TODT VITRINE DU REGIME NAZI

Mise en chantier dès août 40, les casemates étaient construites jusqu’au niveau de la première rangée d’ouverture en décembre suivant, comme en témoignent les photographies réalisées à l’époque par le service de propagande de l’armée allemande.

Une étude détaillée permet de constater que les 4 casemates étaient pratiquement semblables, à  quelques détails près, tels la position et le sens des portes ou encore la disposition des ouvertures, en particulier celle permettant l’accès de la voie étroite.

En 1942 ou 1943, les casemates 2 et 4 furent munies d’une sorte de balcon extérieur plaqué  contre la façade, permettant d’accéder en deux temps à la pièce de FLAK installée sur la dalle de la toiture. A la même époque, deux petits postes de défense rapprochée furent construits, l’un au-dessus de l’accès de la casemate 1, l’autre à l’aplomb de l’embrasure de la casemate 4.

Comme ses voisines, la Batterie Todt reçut la visite de hauts dignitaires nazis, à commencer par le Reichsmarschall Hermann Göring venu encourager ses pilotes durant la bataille d’Angleterre, puis celle de Rudolf Hess, et enfin celle d’Adolf Hitler lui même le 23 décembre 1940, en début d’après-midi.

Y passeront également les plus hauts responsables militaires allemands mais aussi de nombreuses délégations étrangères provenant des pays de l’Axe, ainsi que des généraux vétérans de la première guerre mondiale, des Gauleiters du Reich  et, bien entendu, le Feldmarschall Erwin Rommel, nommé en 1944 à la tête des défenses du Mur de l’Atlantique.

Avec la batterie Lindemman, la Batterie Todt fut sans doute l’ouvrage du Mur de l’Atlantique le plus populaire et le plus médiatisé par les services de propagande du Dr. Goebbels, qui en firent un véritable symbole de la puissance de l’Armée allemande et du caractère immuable du Reich  qui se voulait millénaire. On ne compte plus les photographies, les films et les articles publiés à son sujet. Ces images contribuèrent d’ailleurs fortement à forger le mythe du caractère infranchissable du Mur de l’Atlantique, dont les défenses, sur les autres points de la côte, étaient bien inférieures à l’impressionnante concentration de grosses batteries que l’on trouvait dans le Pas de Calais.

LA BATTERIE TODT DANS LA GUERRE

C’est en automne 1941 que la batterie devint réellement opérationnelle, avant d’être officiellement inaugurée en grande pompe le 11 janvier 1942. Elle est alors servie par le 242ème Marine Küstenartillerie Bataillon, sous les ordres du lieutenant de vaisseau Klaus Momber. Cette unité fait partie du 242ème Marine Artillerie Regiment, commandé par le capitaine de vaisseau Jullius Steinbach, avec PC installé au château de Biauville, à Wimille.

Jusqu’en septembre 1944, la Batterie TODT va prendre sous son feu les côtes anglaises et menacer le trafic maritime de la Manche. Les 4 pièces de 380 mm tirèrent en moyenne 200 obus chacune entre l’automne 1941 et l’automne 1944, comme en témoigne le tableau de tir de la casemate 2. Sous l’aigle de la Kriegsmarine et l’inscription « Turm II hat geschossen (la tourelle 2 a  tiré :), sont classées, par ordre chronologique et par année, les dates de tir. On peut ainsi constater que si les pièces restaient parfois jusqu’à deux mois inactives, il leur arrivait parfois de tirer 12 obus dans la même journée. Les types d’obus tirés sont figurés sous trois couleurs distinctes : bleu pour les Sprenggranate L/4,6 et L/4,4 ; rouge pour les Panzergranate L/4,4  et jaune pour le Siegfried Granate L/4,5.

Cependant, la bataille d’Angleterre n’ayant pas entraîné les résultats vraiment décisifs en faveur de la Luftwaffe, le projet d’invasion de la Grande-Bretagne (opération SEELÖWE) fut plusieurs fois ajourné et reporté. Il finit même par être peu à peu abandonné et définitivement enterré avec le déclenchement de l’attaque contre la Russie le 22 juin 1941 (opération BARBAROSSA). Les nombreuses batteries côtières sur rail déployées sur le rivage du Pas-de-Calais furent alors retirées vers d’autres front et les batteries sous casemate du Griz-Nez perdirent définitivement leur caractère offensifs pour être englobées dans les défenses du Mur de l’Atlantique.

ATTAQUE ET DESTRUCTION DE LA BATTERIE TODT

Les Alliés, débarqués le 6 juin 1944 sur les plages de Normandie, ne parvinrent qu’en début septembre dans le Pas de Calais. Les trois mois qui séparent ces deux dates furent évidemment mises à profit par les Allemands pour renforcer les défenses annexes de la Batterie et, en particulier, boucher les ouvertures situées dans les murs arrières des casemates.

Début septembre, les Alliés remontant la côte de Picardie parviennent enfin au contact des défenses éloignées des poches de Boulogne et de Calais. La ligne de front se rapproche dangereusement des batteries côtières, mais celles-ci continuent inexorablement à pilonner la côte anglaise selon un rythme régulier établi par une longue routine. Puis, à partir du 10 septembre, l’intensité des tirs s’accroît, les garnisons allemandes essayant vainement de vider leurs soutes à munitions. Les 1er, 4 et 5 septembre, les casemates de la Batterie TODT engagent même des duels d’artillerie avec les batteries de la côte anglaise installées entre Douvres et Folkstone. Dans la seule journée du 5, la région de Douvres reçoit une centaine d’obus de gros calibre, tandis que le 11 septembre c’est le tour de Folkestone d’essuyer une pluie de projectiles. Cette débauche d’obus a  toutefois des conséquences :  le 13, une des 4 pièces de 380 mm de la batterie TODT se fend littéralement de la culasse à la gueule, suite à l’explosion prématurée d’un obus dans le tube.

Le 15 septembre, alors que les Anglais bombardent le Gris-Nez, TODT exécute un tir de contre-batterie. Mais à partir de cette date, la fin est proche. Dès le 17 septembre, l’artillerie de campagne anglaise, bien qu’en limite de portée, concentre ses tirs sur le secteur du Gris Nez et de Sangatte, prenant à partie directement les batteries TODT et LINDEMANN.

Entre le 17 et le 19 septembre, TODT est intensément pilonnée par son homologue anglaise, la batterie Wanston (2  pièces de 15 inches = 380 mm) et par l’ensemble des batteries à longue portée des environs de Douvres.

Le 18, les batterie TODT et GROSSER KURFÜRST sont soumises simultanément à un intense bombardement aérien et à un pilonnage en règle par la flotte anglaise, cuirassés et croiseurs lourds en tête, venue appuyer de ses canons de marine le déluge de fer et de feu qui s’abat sur les batteries du Gris-Nez. Pour soulager celles-ci, la batterie LINDEMANN du Blanc Nez entre à son tour en action. Ses énormes tourelles de 406 mm prennent pour cibles les navires de ligne de la Home Fleet. Le tir allemand est précis et, après avoir rapidement encadré les vaisseaux, la batterie LINDEMANN enregistre quelques coups au but sur les plus grosses unités de la flotte britannique, contraignant celles-ci à s’éloigner.

Les attaques aériennes contre la batterie TODT avaient commencé dès le printemps 1944. La FLAK de protection, puissante et efficace, obligeait les bombardiers alliés à opérer à trop haute altitude pour obtenir une certaine précision. Le commandement de la R.A.F. ne se faisait d’ailleurs aucune illusion sur l’efficacité de ces opérations. Mais les bombardements, exécutés avant le jour J, faisaient partie du plan des Etats-Majors alliés consistant à entretenir l’O.K.W. dans l’illusion d’un débarquement dans le secteur du Pas-de-Calais. Le raid aérien du 9 mai fut le plus important réalisé avant la date du débarquement.

Avant l’attaque définitive, la batterie connaît même un répit relatif. Toutefois, le 20 septembre a lieu la plus forte attaque aérienne contre le secteur du Gris-Nez. Ce jour là, 600 bombardiers américains déversent sur le périmètre de la batterie près de 6’000 bombes de 250 et 500 kgs. Ce bombardement met hors service le canon de la tourelle 1 par un coup direct. L’effet du bombardement sur les casemates est négligeable mais par contre toutes les installations non bétonnées sont détruites. Le terrain aux alentours est retournés, transformant tout le secteur en un vaste désert lunaire criblé de cratères.

Pendant ce temps, au sol les Canadiens terminent les derniers préparatifs pour lancer l’assaut final. Dès le 23, le secteur du Gris-Nez est bouclé par les troupes canadiennes. Encerclées dans la poche, les batteries TODT et GROSSER KURFÜRST sont isolées et voient leurs communications coupées. Désormais, elles doivent assurer seules leur autodéfense.

Il n’y en a plus maintenant que pour quelques jours, mais TODT continue inexorablement à pilonner l’Angleterre.

Le commandant canadien du North Highlander Regiment souhaiterait entrer en contact téléphonique avec  le commandant de la batterie pour exiger sa reddition et épargner des morts inutiles, mais le projet est rendu impossible par la rupture des communications due aux bombardements aériens. C’est ainsi que la garnison de la batterie n’a pas vent de l’attaque que les Canadiens du North Shore Regiment lancent le 25 sur la crête des Noires Mottes pour s’emparer par l’arrière de la batterie LINDEMANN. Soutenus par des chars spéciaux de la 79e Division Blindée, ils parviennent à s’installer sur la crête mais s’y retrouvent cloués au sol par le feu nourri et puissant des mitrailleuses allemandes  provenant des casemates. La tourelle C, la seule encore en état de la batterie LINDEMANN, ouvre encore le feu ce jour là sur l’Angleterre, avant d’être définitivement réduite au silence. Dans la soirée, tout est fini : LINDEMANN est tombée et les Canadiens investissent la poche du Blanc Nez. Reste la poche du Gris-Nez, avec les batteries TODT et GROSSER KURFÜRST.

Au cours des 26 et 28 septembre, TODT essuie deux nouveaux raids aériens massifs, menés respectivement  par 530 et 300 appareils de la  R.A.F., qui déversent environ 2000 tonnes de bombes sur la tête des défenseurs allemands. Le terrain alentour est labouré et retourné une nouvelle fois en tous sens, sans pour autant que les bombes parviennent  à ébrécher le béton des casemates où se terre la garnison. Malgré des  tirs d’artillerie non moins puissant le 26 septembre, TODT continue à harceler les villes de la côte anglaise, où de grands incendies ravagent Douvres et Folkestone..

Le 27 septembre, les bombardements reprennent et la pièce de la casemate 1 est mise hors de combat.

L’assaut final contre la batterie TODT est lancé dans la matinée du 29, après un dernier et violent bombardement, aérien et terrestre, sur toute la position, juste avant que l’infanterie et les chars canadiens franchissent le périmètre de défense. La prise échoit au North Scotland Highlanders Regiment (Canada), qui reçoit l’ordre de s’emparer des casemates de la batterie, à Haringzelle, et du poste de commandement situé au Cran-aux-Oeufs. La compagnie D est chargée de prendre d’assaut la casemate 1 située au nord, la compagnie B se chargeant des trois autres positions. A leur suite, et une fois les casemates prises, la compagnie C doit passer à l’attaque des installations du Cran-aux-Oeufs. L’infanterie est appuyée par un escadron de chars démineurs, deux pelotons de chars lance-flammes et un peloton de chars armés de mortiers de démolition.

L’opération débute par l’attaque de la casemate 1. Arrivés aux  tranchées devant la casemate, les chars lance-flammes entrent en action. L’équipage de la casemate ne se rend compte de l’attaque que lorsque des grenades, lancées par les fantassins, commencent à tomber par l’embrasure. Les 175 artilleurs servant la pièce n’opposent pas de résistance et rendent immédiatement. La compagnie D s’organise alors sur la position.

Pendant ce temps, la compagnie B s’était occupée des trois autres casemates. Au petit matin, juste avant le déclenchement de l’assaut, l’un des canons de la batterie tire encore sur l’Angleterre. Le ciel est si pur que les Canadiens peuvent voir l’explosion de l’obus.

Débouchant des petits bois de  Combles et des Louvières, où elles s’étaient regroupées pendant la nuit, les troupes avancent en droite ligne sur les casemates, derrière les chars démineurs.

Un des chars Avre’s s’avancent à toucher la casemate 3 et ouvre le feu à bout portant avec ses énormes tubes de 290 mm.

Les casemates 2 et 4 sont prises lorsqu’un soldat monte sur le toit et laisse tomber des grenades par une goulotte d’aération. Lors de l’attaque, le filet de camouflage d’une des casemates prend feu et brûle en quelques secondes (l’été 1944 fut très chaud et très sec), provoquant la reddition de l’équipage. Un planton accompagné d’un allemand est aussitôt envoyé chercher à la compagnie D l’officier le plus ancien  qui vient pour recevoir la capitulation des trois casemates. Il trouve le commandant allemand en train d’achever son repas. Ceci montre bien que tout ce qui se passait à l’extérieur ne troublait guère les occupants des casemates.

Restait encore le poste de commandement au Cran-aux-Oeufs. La compagnie C commence à se déployer vers midi, après la reddition des casemates. De la position de départ, on aperçoit au loin le poste de commandement et le radar, placé sur une petite hauteur, en bordure de la côte, mais il reste un long espace à découvert à traverser pour y arriver. L’infanterie canadienne  suit les chars démineurs. A peu de distance de la base de départ, l’un des chars explose sur une mine, les chenilles démantelées. N’osant plus avancer, les autres chars apportent, de leur place, un soutien à l’infanterie qui finit par aborder la position. Elles trouve les tranchées abandonnées et, bientôt, quelques allemands sortent des abris souterrains. Quelques rafales d’armes automatiques sont tirées du PC, mais ce dernier capitule rapidement après l’éclatement d’une explosion : ce sont les allemands qui viennent de faire voler en éclats les instruments de contrôle de tir des canons de la batterie.

La prise de cette formidable batterie, qui le matin même de sa capture tirait encore sur l’Angleterre, fut effectuée en un temps record et avec le minimum de pertes : 6 tués et 19 blessés, à tel point que les soldats qui y prirent part eurent l’impression d’avoir participé à l’un des exercices d’entraînement comme ils en avaient tant subi en Angleterre…

LA Batterie TODT (photos de 1940 à 1944) – Atlantikwall -Pas de Calais – France

CONTEXTE GENERAL

La batterie TODT compte parmi les plus grandes batteries du célèbre Mur de l’Atlantique et parmi les plus célèbres réalisations militaires du Nazisme en matière de fortification. Située sur la côte française du Pas de Calais, à peu près à mi-distance entre Calais et Boulogne, elle faisait partie du secteur probablement le plus densément et le plus puissamment fortifié de l’Attlantikwall. La raison en est simple : cette partie de la côte française est la plus proche du rivage de l’Angleterre, distant seulement de 34 kilomètres. La faible largeur de la Manche au niveau du Pas de Calais –permettait donc à l’armée allemande de harceler les régions du Kent et de pilonner les villes les plus proches, grâce aux puissantes pièces de marine installées sous casemate par les soins de la  célèbre organisation TODT. Les villes anglaises de Douvres, Folkestone, Ramsgate et Canterbury payèrent d’ailleurs un très lourd tribu aux batteries offensives allemandes installées le long de la Côte d’Opale.

L’OPERATION SEELÖWE

Pour comprendre l’histoire de la batterie TODT, il convient de remonter à la fin du mois de mai 1940. A cette date, l’armée française vient d’être enfoncée et le corps expéditionnaire franco-britannique, lancés par le général Gamelin au secours du Bénélux, s’est brusquement retrouvé coupé du gros des armées françaises par l’offensive éclair menées par les Panzerdivisions à travers les Ardennes, pourtant réputées infranchissables par les stratèges français. En l’espace de quelques jours, après la percée de Sedan et une ruée menée au rythme trépignant de la Blitzkrieg si chère au Führer,  les blindés allemands débouchent sur les côtes de la Manche et remontent rapidement la côte en direction des ports stratégiques de Boulogne et de Calais pour couper la retraite aux Alliés.

Le baroud d’honneur du capitaine de corvette Ducuing et de ses marins s’achève le 25 mai devant le sémaphore du Cap Gris-Nez. Quelques kilomètres plus au nord, la poche de Dunkerque, vers laquelle refluent en désordre les reliquats des armées franco-britanniques, se rétrécit rapidement sous la poussée inexorables du 19ème Corps blindé du général Kleist, comprenant notamment les divisions blindées des généraux Gudérian et Reinhardt, ainsi que la 10ème Panzerdivision et le régiment Grossdeutschland.

Après le désastre de Dunkerque et l’armistice signée avec la France, l’OKW, conformément à la directive de Hitler n°16 datée du 16 juillet 40, met sur l’invasion de l’Angleterre. L’opération, baptisée SEELÖWE (LION DE MER), doit avoir lieu dans le courant de la seconde moitié de l’été. Il faut pour cela réunir des forces et une flotte de transport très importantes, mais surtout assurer la protection des convois et de la flotte lors de la courte mais néanmoins décisive traversée de la Manche.

La Lufftwaffe reçoit l’ordre d’éliminer du ciel les quelques avions de la RAF tandis que la Kriegsmarine et l’armée de terre (Heer) se voient confier  la mission d’assurer l’appui de feu de l’invasion, essentiellement avec de l’artillerie à longue ou très longue portée.

LES BATTERIES OFFENSIVES SUR RAIL

Vu l’urgence, des emplacements de tir pour pièces de gros calibres sur voies ferrées sont rapidement aménages entre Wimereux au sud et Calais au nord, autour de l’axe de liaison stratégique que constitue la ligne de chemin de fer Boulogne-Calais. Des voies ferrées partant de la gare d’Aubengue et de divers points s’engagent dans les dunes, contournent les collines du Boulonnais et du Wissantais, pour atteindre la gare de Warcove, avant de s’ouvrir en éventail derrière le cap Gris-Nez. D’autres emplacements sont aménagés en arrière de Wissant et près de Calais, notamment au niveau de la digue royale.

A l’extrémité de ces différentes déviations, sur un sol stabilisé ou légèrement bétonné, sont assemblés les éléments de table Vögele. Copiées sur le principe des ponts tournants et des plaques de chemin de fer pivotantes, elles permettent un réglage rapide et un tir tous azimuts des énormes canons sur rail de calibre 200, 250 et 280mm.

En dehors des périodes de tir, les pièces ainsi que leurs wagons d’accompagnement trouvent refuge dans les abris naturels des carrières, sous les tunnels de chemin de fer traversant les collines de la région, ou encore sous l’un des trois DOMBUNKER construits à cet effet par les Allemands. Il s’agit d’énormes abris en béton armés de forme ogivale (d’où le nom de DOM), dont certains subsistent toujours actuellement. Le premier était situé près de Wimereux/Baston, le second dans la Vallée Heureuse, près d’Hydrequent, et le troisième dans les faubourgs nord-ouest de Calais. Ce dernier a été  transformé en garage depuis lors et existe toujours. La plupart de ces batteries sont servies par la Kriegsmarine.

LES BATTERIES OFFENSIVES SOUS CASEMATE DU PAS DE CALAIS

Outre ces canons sur rails, la Kriegsmarine entreprend la construction d’une série de batteries offensives côtières sous casemates le long de la côte du Pas de Calais. Ces batteries étaient destinées à protéger la flotte de débarquement, à harceler la Home Fleet britannique au cas où elle s’aventurerait dans le Channel et à pilonner la côte anglaise. Ces célèbres batteries, qui furent souvent illustrées par la propagande allemande de Goebbels pour démontrer la puissance et l’invincibilité du Mur de l’Atlantique. Ces batterie étaient au nombre de cinq. En remontant la côte du sud vers le nord, on trouvait successivement :

La batterie FRIEDRICH AUGUST, armée de 3 pièces de 305mm SK L/50 sous casemate, près de Wimereux.

La batterie SIEGFRIED, armée de 4 pièces de 380 mm SK C/34 sous casemate, près d’Audinghen.

La batterie GROSSER KURFÜST, armée de 3 pièces de 305 mm SK L/50, immédiatement en arrière du Cap Gris-Nez.

La batterie SCHLESWIG HOLSTEIN, rebaptisée plus tard LINDEMANN en mémoire du commandant du cuirassé BISMARCK, armée de 3 pièces de 406 mm sous casemate, près de Sangatte.

La batterie OLDENBURG, armée de 2 pièces de 240 mm SK L/40, à l’est de la ville de Calais.

Ces batteries avaient pour la plupart été prélevées sur les côtes nord de l’Allemagne.

Certaines changèrent de nom en arrivant sur les rivages du Kanal, comme l’appelaient les Allemands. Ainsi la batterie SCHLESWIG HOLSTEIN, après avoir été appelée un temps GROSS DEUTSCHLAND, reçut officiellement le nom de batterie LINDEMANN, en mémoire de l’officier qui était aux commandes du puissant cuirassé BISMARCK lors de son affrontement mortel avec la flotte britannique dans l’Atlantique nord. Quant à  la batterie SIEGFRIED, elle fut rebaptisée batterie TODT, en l’honneur du Dr Fritz Todt, directeur de l’organisation chargée par Hitler de toutes les grandes constructions du régime, parmi lesquelles les ouvrages du Mur de l’Atlantique. Ce changement eut lieu lors de l’imposante prise d’armes qui célébra son inauguration le 11 janvier 1942. A peine un mois plus tard, le 8 février 1942, le Junker 52 qui transportait le Dr. Todt s’écrasa mystérieusement peu après le décollage, tuant tous ses passagers. Des rumeurs persistantes évoquèrent un sabotage de l’appareil commandité par des rivaux du régime, jaloux du succès et de l’aura grandissante du Dr. Todt ! La question est toujours débattue.

 LE DOCTEUR FRITZ TODT ET L’ORGANISATION TODT

En 1933, Hitler le nomme inspecteur général des voies routières allemandes et lui fixe un programme de 7000 km d’autoroutes à réaliser suivant six grands axes sillonnant le Reich.

Ayant mené avec succès ce projet avec un effectif de 250’000 travailleurs, Hitler lui confie alors le 28 mai 1938 la conduite des travaux sur la ligne fortifiée du WESTWALL, plus connu sous le nom de LIGNE SIEGFRIED. C’est à ce moment que prend réellement forme ce qu’on appelé par la suite l’ORGANISATION TODT.

Depuis son QG de Wiesbaden, le Dr. Todt organise et planifie 24 heures sur 24 l’approvisionnement des chantiers de 14’000 ouvrages fortifiés répartis sur 630 kilomètres entre Bâle et la frontière hollandaise. L’organisation compte alors 340’000 ouvriers et collaborateurs.

Alors qu’il s’apprête à réaliser la même chose sur la frontière est, la guerre survient et, en mars 1940, le Dr. Todt se retrouve pratiquement à la tête de toute l’industrie allemande, en tant que Reichsminister pour l’armement.

Il a juste le temps de prendre en mains les travaux amorcés sur le Mur de l’Atlantique avant de trouver la mort dans le mystérieux accident qui mit fin à sa brillante et fulgurante ascension au sein du régime nazi. Il sera remplacé par Albert Speer qui poursuivra la tâche avec l’Organisation Todt.

LA CONSTRUCTION DE LA BATTERIE TODT

Une fois l’emplacement choisi, le premier travail de l’Organisation Todt consistait à remuer et à évacuer les dizaines de milliers de mètres cube de terre provenant des gigantesques travaux de terrassement. Ces opérations se déroulaient à l’abri des regards indiscrets sous la protection des filets de camouflage. Ces travaux de terrassements représentaient au moins l’équivalent, sinon le double du volume du béton utilisé pour la construction.

Puis commençait l’édification de la casemate. Celle-ci débutait par la partie enterrée de l’ouvrage et par la chambre de tir, vaste cuve circulaire avec en son centre un massif bétonné destiné  à recevoir le pivot de la tourelle blindée de protection du canon. La cuve achevée, il était alors possible de procéder à l’installation du canon. La mise en place de ses éléments constitutifs, affûts, tube, blindages de protection de la tourelle, nécessitait  la mise en place de moyens de manutentions extrêmement lourds s, vus le poids de certaines pièces, et l’édification d’un gigantesque portique mobile capable de manipuler des charges atteignant jusqu’à 100 tonnes.

Pendant la mise en place des dernier préparatifs, les canons acheminés depuis l’Allemagne étaient transportés par voie ferrée jusqu’à la gare la plus proche. Puis, ils terminaient le parcours sur des remorques GOTHA équipées de douze essieux 18 tonnes, du type en service dans l’artillerie de la Wehrmacht. Pour gravir les pentes, les deux tracteurs d’artillerie étaient placés à l’avant tandis que pour les descentes l’un des deux se mettait à l’arrière pour freiner le convoi. Ces énormes remorques n’avaient qu’un très petit rayon de braquage et, à certains endroits, il fut nécessaire d’abattre des arbres ou des maisons qui gênaient le passage du convoi.

Une fois le canon placé sur ses tourillons, on procédait au montage de la tourelle, livrée démontée sous forme de plaques de blindage moulées aux formes appropriées. Cette opération marquait la fin de la première phase de construction. A ce stade, le canon était paré pour ouvrir le feu, bien qu’il ne fut encore pas dissimulé sous sa protection de béton.

La seconde phase consistait à édifier l’énorme et épaisse carapace de béton armé qui assurait la protection de la  tourelle et des installations annexes. Le premier travail consistait à édifier le coffrage, qui engloutissait d’énormes quantités de bois. Ce dernier provenait en grande partie des forêts alsaciennes ou lorraines.

Une fois le béton coulé et le coffrage enlevé, le terrain était remblayé au bulldozer. Les parties souterraines étaient recouvertes de terre, assurant ainsi une protection supplémentaire.

Une fois achevée, la casemate était recouverte d’un gigantesque filet de camouflage pour en dissimuler les formes, ainsi que la circulation du personnel et du matériel.

Après l’échec du débarquement de Dieppe par les Canadiens, des emplacements pour canons légers de D.C.A. et des postes de combat pour armes légères furent rajoutés sur la dalle de couverture de certaines casemates, de façon à prévenir une attaque surprise par des commandos ou des parachutistes.

Enfin, dans le courant de l’année 1944, lorsque les attaques aériennes se firent plus nombreuses et plus massives, une protection des embrasures contre les éclats de bombes et les roquettes d’avions fut installées, sous la forme de lourds filets en mailles d’acier.

 DESCRIPTION GENERALE DE LA BATTERIE TODT

La batterie TODT est située à 3 km au sud-est du Cap Gris-Nez. Elle possède 4 casemates abritant chacune une pièce de marine de 380 mm. Ces casemates sont installées à contrepente sur le petit plateau d’Haringzelles, face à Audresselles. Elles sont réparties en croissant dans un rayon de 750m. Outre les canons de gros calibres, cette batterie comprenait également sous son commandement les armes et ouvrages suivants :

  • 14 abris passifs
  • 4 cantonnements légers
  • 1 ceinture de 15 Tobrouks
  • 3 pièces antichars tournées face au sud et dirrigées vers l’intérieur de la côte.
  • 9 pièces de FLAK d’origine française, installées en cuve de briques au centre de la batterie.

Une station de pompage d’eau potable, des abris pour le personnel, un poste de secours et même une ferme intégrée par la force des choses au dispositif pour servir de poste d’observation complétaient l’ensemble.

Ces infrastructures ne fournissaient toutefois pas à ce groupement une totale autonomie en ce qui concerne principalement la direction du tir et l’approvisionnement en munitions

L’APPROVISIONNEMENT EN MUNITION

Bien que disposant d’un stock tampon de gargousses et d’obus, chaque casemate se trouvait reliée par un faisceau de voies ferrées de type Decauville à des soutes à munitions complémentaires, situées près du hameau d’Onglevert. Ces 2 imposantes constructions (30 x 50 x 17 m), encore visibles au carefour de la D191 avec la D191E, étaient constituées de 6 alvéoles disposées de part et d’autres d’un couloir fermé à chaque extrémité par une lourde porte blindée à 2 battants.

Dans ce couloir passaient à la fois une boucle routière et la voie ferrée décrite précédemment. Ains, à l’abri du béton, et à l’aide de monorails fixés au plafond, s’exécutaient tous les transferts.

 LE POSTE DE CONDUITE DE TIR

En ce qui concerne la direction du tir, la batterie était complètement dépendante, et chaque casemate, dépourvue d’éléments de visée propre, se trouvait en quelque sorte aveugle. Toutes les coordonnées de tir étaient fournies à la batterie par le poste de direction de tir situé au Cran aux Oeufs, 1200 m au nord de la batterie et en bordure directe du littoral.

L’ouvrage principal de direction du tir, réparti sur un seul niveau, comportait une salle des cartes, un local pour la radio, un autre pour le téléphone ainsi que les locaux techniques regroupant les groupes électrogènes, le système de ventilation et le chauffage.

En superstructure et sur l’avant de l’ouvrage, se trouvait une cloche d’observation avec périscope sous coiffe blindée, ainsi qu’un télémètre de 10,5 mètres sous coupole d’acier de 10 cm d’épaisseur. Pour augmenter la précision, ce poste centralisait également les relèvements goniométriques fournis par au moins 3 postes d’observation répartis sur une assez grande distance le long de la côte. L’un se trouvait au Cap Gris-Nez, l’autre au Portel, le troisième enfin au Cran Mademoiselle. Ce procédé, dit à grande base, permettait d’améliorer la précision mais supposait une excellente chaîne de transmission.

En effet, les coordonnées successives définissant la vitesse et la direction de l’objectif, étaient enregistrées puis converties en coordonnées de tir auxquelles étaient apportées les corrections journalières d’azimut, celles dues aux éléments extérieurs tels la température de l’air, le sens et la vitesse du vent. Ces éléments correspondant à un point moyen de la batterie, devaient être corrigés pour tenir compte de la position des casemates et être transmis à chacune d’elles.

Encore fallait-il introduire dans ces calculs les caractéristiques balistiques de chaque pièce, le  poids de l’obus et le type de charge. On imagine alors aisément les difficultés qu’il y avait à cadrer un objectif, et la fièvre qui devait alors régner dans le poste de commandement.

 LE SYSTEME DE DETECTION DE LA BATTERIE

A  toutes ces méthodes, la technologie nouvelle apporta une autre, celle du radar. La batterie TODT fut équipée dans un premier temps du radar WÜRZBURG Fu MG 39c mis au point par Telefunken dès 1936, et qui, après de multiples développements, devint l’équipement standard de la Wehrmacht à partir de 1939/40.

C’est cette appareil qui restera dans l’histoire comme ayant fait l’objet du raid britannique sur Bruneval le 27 février 1942. Par ailleurs excellent, ce radar s’avéra d’une portée un peu limitée. Il fallut attendre 1941 et l’ultime développement apporté par Telefunken sous la forme du WÜRZBURG RIESE Fuse 65 pour obtenir une nette amélioration des performances.

Se distinguant par son antenne de 7,5 m de diamètre, il avait comme caractéristiques de base :

  • Longueur d’onde : 53 cm
  • Portée maximum : 80 km
  • Faisceau : 13e dont 7,2 effectifs
  • Impulsions : 1875/seconde
  • Portée pratique : 65 km
  • Précision : en portée +/- 15m et en azimut +/- 0,2 °.

La Kriegsmarine y apporta quelques modifications mineures pour en faire un appareil de conduite de tir sur objectifs marins, sous la dénomination FUMO 215 (pour Funkmessortung 215 für Seeartillerie), plus connu sous le nom de SEE RIESE.

La batterie TODT, comme quelques autres batteries lourdes côtières, fut équipée de cet appareil, monté à proximité immédiate du poste directeur de tir sur un abri comprenant essentiellement 2 pièces de traitement d’informations. Précieux auxiliaire dans l’acquisition d’objectifs et la conduite de tir par temps couvert ou visibilité nulle (brume, obscurité), le radar n’était pas, du moins à cette époque et dans ce cas précis, le remède universel. L’heure n’était pas encore venue de la conduite de tir automatique et il ne faut donc pas en surestimer les capacités réelles.

LES CASEMATES DE TIR

De conception Kriegsmarine, les casemates mesurent 47m de long, 29 de large et 20 de haut, dont 10 hors du sol ! Construites en classe A, elles ont, selon le standard allemand, une toiture et des murs de 3,5 m d’épaisseur, capables de résister à des obus de 380 mm, à des bombes de 4000 livres ordinaires ou encore à des bombes de 2000 livres perforantes. Chaque casemate a nécessité environ 12’000 mètres cube de béton armé, ce qui représente environ 8’000 tonnes de ferraillage par ouvrage, non compris les imposants  blindages.

LA CHAMBRE DE TIR

La chambre de tir abritant la pièce de 380mm est un vaste local circulaire en forme d’amphithéâtre, comportant 2 banquettes bétonnées continues courant sur tout le mur arrière.

La banquette la plus basse est traversée par 2 passages vers la cuve et sert d’appui arrière à la tourelle. Elle protège en outre un couloir semi-circulaire équipé de 2 voies Decauville concentriques. La voie intérieure supporte les galets de roulement du monte charge. La seconde sert au va et vient des wagonets pour l’approvisionnement des obus et des gargousses entre les soutes et la pièce, quelle que soit la position angulaire de cette dernière.

La seconde banquette correspond à l’étage supérieur de la tourelle et sert éventuellement de galerie de service. C’est à ce niveau que pénètre, par une ouverture de 2m de large, la voie ferrée reliant la casemate aux soutes principales d’0nglevert (voir sous n°7) .

La gigantesque embrasure de tir, ouverte à 120°, est orientée face au détroit et à la côte anglaise. Elle était protégée par les dispositifs suivants :

  • sur ses flancs par des plaques de blindage de 4 cm d’épaisseur, épousant au plus près la forme de la tourelle.
  • en partie basse, par un parapet de tir légèrement inférieur au niveau du tourillon.
  • en partie haute, par le célèbre Front Todt qui possédait ici la particularité d’être entièrement cuirassé. La plaque d’acier qui le renforçait était boulonnée sur la casemate directement au-dessus du Front Todt. Ce cuirassement pesait à lui seul 100 tonnes.

A l’origine, les parois comprenaient 2 rangées superposées de 9 ouvertures rectangulaires, qui s’ouvraient dans la partie arrière de la casemate et qui étaient tournées vers l’intérieur des terres. Ces ouvertures avaient vraisemblablement été conçues pour compenser la dépression créée dans la casemate au moment du tir. L’une d’elle abritait d’ailleurs une prise d’air sous cloche blindée. Aveuglés par leur foi inébranlable en la victoire et par leur illusion de Reich millénaire, les bâtisseurs allemands n’avaient en effet jamais imaginés que les casemates puissent être attaquées à revers. Or, ces ouvertures constituaient de prodigieux points faibles. Suite au débarquement des Alliés en Normandie le 6 juin 1944, elles furent en partie obstruées par les Allemands et leur ouverture fut ramenée à un espace de 40 x 20 cm pour les transformer en meurtrières, permettant le tir d’une mitrailleuse ou d’une arme légère. Du côté intérieur, la banquette de ces nouvelles meurtrières était inclinée vers l’extérieur, pour permettre un tir plongeant en direction de la route. En même temps, quelques postes de défense rapprochée furent installés aux alentours et sur les casemates pour faire face à l’éventualité d’une attaque ponctuelle, par exemple par des parachutistes ou des commandos.

LE REZ DE CHAUSSEE : L’ENTREE ET LES SOUTES À MUNITIONS

Au rez-de-chaussée, un large couloir qui s’ouvre à l’arrière de la casemate, sert  d’accès pour le personnel comme pour le matériel. Sur la portion de son trajet menant aux soutes, il est équipé au plafond d’un monorail avec palan, destiné à faciliter l’acheminement et la manutention des munitions. Le sol du couloir est d’ailleurs percé d’une trémie qui permettait, le cas échéant, la descente au sous-sol de pièces de rechange destinées au groupe électrogène ou au système de ventilation.

La casemate comporte 2 soutes à munitions distinctes. La plus grandes était réservée aux douilles  et aux gargousses, qui y étaient stockés sur 4 rangées, comme en témoignent les monorails fixés au plafond. La seconde abritait uniquement les obus, alignés seulement sur 2 rangs, en raison de leur poids et de l’encombrement. Chaque soute s’ouvre sur la chambre de tir par une large ouverture de 2 m x 1 m qui permet le transfert des munitions sur les wagonets destinés à approvisionner la pièce.

LE SOUS-SOL : CHAMBRE DES MACHINES, VENTILATIONS ET LOGEMENTS

On accède au sous-sol  par un escalier étroit qui s’amorce dans le couloir réservé au personnel, entre l’entrée principale et la chambre de tir.

Le sous-sol est en grande partie occupé par les locaux techniques : système de ventilation, installations de chauffage, filtres, salle des machines abritant le groupe électrogène.

Construit par DEUTZ, le groupe électrogène développait une puissance de 36 KVA. Il assurait l’éclairage de la casemate,  l’alimentation des moteurs du système de ventilation ainsi que ceux de mise en mouvement de la pièce. L’air nécessaire au moteur et au refroidisseur était directement prélevé par une cheminée remontant en superstructure sous cloche blindée. Contre le mur du fond étaient placées les 2 cuves à gasoil totalisant une contenance de 67’750 litres.

Derrière ce mur se trouvait un atelier d’où partait une gaine technique remontant par une cheminée à l’aplomb du pivot soutenant la pièce, qui permettait un accès aisé pour effectuer d’éventuelles réparations.

Le reste du sous-sol était occupé par 5 locaux, comprenant la cambuse, une salle abritant le système de ventilation et la réserve d’eau, deux cantonnements pouvait abriter chacun 18 hommes de veille et enfin une chambre donnant directement sur la salle du groupe, qui était réservée à l’officier commandant la casemate.

LA TOURELLE

Construite sur le principe des tourelles de marine équipant les cuirassés de la Kriegsmarine, la tourelle de chacune des 4 casemates avait une forme légèrement trapézoïdale. Elle mesurait 9 m de long, 6 m de haut, 8 m à sa partie la plus large et 4,5 m à sa partie la plus étroite. Elle comportait 2 étages auxquels on accédait par des échelles (à l’avant depuis le socle, à l’arrière par le couloir des soutes) ou du haut, à partir d’une galerie de service.

L’étage inférieur de la tourelle abritait les moteurs de réglage et ménageait le volume nécessaire pour permettre le passage du recul de la culasse lors des tirs à longue portée, lorsque le tube était relevé avec un grand angle d’incidence.

L’étage supérieur comprenait les dispositifs de pointage, de chargement, ainsi que la liaison téléphonique et le commandement. La montée des obus et des gargousses était assurée par 2 monte-charges qui descendaient dans les couloirs des soutes de la tourelle. On retrouvait là les 2 wagonnets venus avec leur chargement. Obus et gargousses étaient placés dans les monte-charges et hissés séparément vers l’étage de la tourelle. Une fois parvenus à ce niveau, ils étaient pivotés de 90 degrés pour être placés dans l’axe du canon, puis amenés jusqu’à la culasse et enfin engagés par un refouloir hydraulique dans le tube. Toutes ces manœuvres s’exécutaient impérativement avec le canon disposé horizontalement, avec une incidence de 0 degrés.

Le  blindage de la tourelle était entièrement réalisé en plaques d’acier de 40 mm d’épaisseur. Après chaque tir, les gaz brûlés étaient aspirés par 2 ventilateurs fixés au plafond de la tourelle, puis rejetés à l’extérieur par la cheminée de tôle, si caractéristique de la Batterie TODT.

LA PIECE

Les pièces qui équipaient les tourelles des casemates étaient identiques à celles installées à bord des cuirassés BISMARK et TIRPITZ. Ce type de pièce,  revu et amélioré par Krupp en 1934 pour armer les nouveaux navires de ligne de la Kriegsmarine, descendait directement des canons de 380 utilisés en défense côtière par les Allemands lors de la première guerre  mondiale.

La pièce pesait 105,3 tonnes pour une longueur totale de 19,63 mètres, dont 15,75 m de tube. Celui-ci possédait 90 rayures à droite au pas progressif de 5/6°.

Pour améliorer les performances lors des tirs à longue portée, la longueur de la chambre avait été augmentée à  2,48 m.

Le réglage en site était compris entre -4° et + 52°, le chargement se faisant obligatoirement avec  le tube rétabli à O°, c’est-à-dire horizontal. Quant à l’azimut, il était limité par les 120° de l’embrasure. Contrairement aux systèmes utilisés notamment par les Anglais, il convient de noter que le réglage en site était réalisé par une noix se déplaçant sur une vis sans fin, avec renvoi de bielle sur le berceau du canon. Le réglage en azimut était obtenu par des galets porteurs  à l’arrière de la tourelle. Tous les mouvements du tube étaient assistés par des moteurs électriques mais pouvaient, le cas échéant, être réalisés à la main.

LES OBUS

Il existait 3 types d’obus auxquels vint s’ajouter le SIEGFRIED GRANATE, spécialement conçu pour le tir à longue portée. Tous ces obus étaient du type SK C/34.

  1. OBUS STANDARD :

 38 cm Sprengranate L/4,6 mit Kopfzünder mit Haube

Obus de 800 kg et de 1,75 m de haut (calibre 4,6) à haut pouvoir explosif, utilisé avec fusée de tête KZ C/27 sous fausse ogive.

 b) OBUS SEMI-PERFORANT :  

 38 cm Sprengranate L/4,4 mit Bodenzünder mit Haube

prévu pour l’attaque des navires faiblement cuirassés
 Obus semi-perforant de 800 kg  et 1,68 m de haut (calibre 4,4) utilisé avec fusée de culot à retard modèle marine Bdz C/38 et une coiffe de perforation.

 c) OBUS PERFORANT :

 38 cm Panzer Sprenggranate L/4,4 mit Bodenzünder mit Haube.

prévu pour le combat contre des navires lourdement cuirassés ou des ouvrages bétonnés

Obus fortement aciéré de 800 kg  et 1,68 m de haut (calibre 4,4) utilisé avec fusée de culot à retard modèle marine BdZ C/38, conçu pour perforer les blindages des plus gros navires de ligne.

  1. d) OBUS «  SIEGFRIED » pour le tir à longue portée

38 cm SIEGFRIED GRANATE L/4,5 mit Bodenzünder mit Haube.

Obus de conception HEER, spécialement conçu pour le tir à longue portée.

Poids de 495 kg pour une hauteur de 1,67m (calibre 4,5). Il pouvait être utilisé en tir percutant avec effet de souffle ou en tir pénétrant avec retard réglable. Il fonctionnait avec plusieurs  type de fusées

LA CHARGE PROPULSIVE

Les 3 obus d’origine marine étaient tirés avec une charge standard unique, divisée en 2 gargousses pour faciliter le maniement.

La SIEGFRIED GRANATE était tirée avec 2 gargousses utilisables séparément comme charge réduite ou charge pleine, appelée SIEGFRIED LADUNG.

Dans les 2 cas, la charge principale (Hauptkart) se présente sous la forme d’une douille en cuivre jaune  tandis que la charge d’appoint est contenue dans un sac en cellulose renforcé de fibres.

Le chargement s’effectuait dans l’ordre suivant : obus, Vorkart, puis Hauptkart.  La mise à feu était déclenchée par une capsule à percussion C/12 nA St (neuer Art aus Stahl). Les 3 obus de conception Kriegsmarine avaient une portée de 42 km avec une vitesse initiale de 820 m / seconde. La SIEGFRIED GRANATE de conception Heer atteignait 41 km en charge réduite avec une vitesse initiale de 923 m / seconde, et 55,7 km en charge pleine avec une vitesse initiale de 1050 m / seconde.

En 1943, un nouveau type de poudre fut essayé pour allonger la durée de vie de 200 à 240 coups, mais les performances furent décevantes et l’expérience ne fut pas prolongée.

LA BATTERIE TODT VITRINE DU REGIME NAZI

Mise en chantier dès août 40, les casemates étaient construites jusqu’au niveau de la première rangée d’ouverture en décembre suivant, comme en témoignent les photographies réalisées à l’époque par le service de propagande de l’armée allemande.

Une étude détaillée permet de constater que les 4 casemates étaient pratiquement semblables, à  quelques détails près, tels la position et le sens des portes ou encore la disposition des ouvertures, en particulier celle permettant l’accès de la voie étroite.

En 1942 ou 1943, les casemates 2 et 4 furent munies d’une sorte de balcon extérieur plaqué  contre la façade, permettant d’accéder en deux temps à la pièce de FLAK installée sur la dalle de la toiture. A la même époque, deux petits postes de défense rapprochée furent construits, l’un au-dessus de l’accès de la casemate 1, l’autre à l’aplomb de l’embrasure de la casemate 4.

Comme ses voisines, la Batterie Todt reçut la visite de hauts dignitaires nazis, à commencer par le Reichsmarschall Hermann Göring venu encourager ses pilotes durant la bataille d’Angleterre, puis celle de Rudolf Hess, et enfin celle d’Adolf Hitler lui même le 23 décembre 1940, en début d’après-midi.

Y passeront également les plus hauts responsables militaires allemands mais aussi de nombreuses délégations étrangères provenant des pays de l’Axe, ainsi que des généraux vétérans de la première guerre mondiale, des Gauleiters du Reich  et, bien entendu, le Feldmarschall Erwin Rommel, nommé en 1944 à la tête des défenses du Mur de l’Atlantique.

Avec la batterie Lindemman, la Batterie Todt fut sans doute l’ouvrage du Mur de l’Atlantique le plus populaire et le plus médiatisé par les services de propagande du Dr. Goebbels, qui en firent un véritable symbole de la puissance de l’Armée allemande et du caractère immuable du Reich  qui se voulait millénaire. On ne compte plus les photographies, les films et les articles publiés à son sujet. Ces images contribuèrent d’ailleurs fortement à forger le mythe du caractère infranchissable du Mur de l’Atlantique, dont les défenses, sur les autres points de la côte, étaient bien inférieures à l’impressionnante concentration de grosses batteries que l’on trouvait dans le Pas de Calais.

LA BATTERIE TODT DANS LA GUERRE

C’est en automne 1941 que la batterie devint réellement opérationnelle, avant d’être officiellement inaugurée en grande pompe le 11 janvier 1942. Elle est alors servie par le 242ème Marine Küstenartillerie Bataillon, sous les ordres du lieutenant de vaisseau Klaus Momber. Cette unité fait partie du 242ème Marine Artillerie Regiment, commandé par le capitaine de vaisseau Jullius Steinbach, avec PC installé au château de Biauville, à Wimille.

Jusqu’en septembre 1944, la Batterie TODT va prendre sous son feu les côtes anglaises et menacer le trafic maritime de la Manche. Les 4 pièces de 380 mm tirèrent en moyenne 200 obus chacune entre l’automne 1941 et l’automne 1944, comme en témoigne le tableau de tir de la casemate 2. Sous l’aigle de la Kriegsmarine et l’inscription « Turm II hat geschossen (la tourelle 2 a  tiré :), sont classées, par ordre chronologique et par année, les dates de tir. On peut ainsi constater que si les pièces restaient parfois jusqu’à deux mois inactives, il leur arrivait parfois de tirer 12 obus dans la même journée. Les types d’obus tirés sont figurés sous trois couleurs distinctes : bleu pour les Sprenggranate L/4,6 et L/4,4 ; rouge pour les Panzergranate L/4,4  et jaune pour le Siegfried Granate L/4,5.

Cependant, la bataille d’Angleterre n’ayant pas entraîné les résultats vraiment décisifs en faveur de la Luftwaffe, le projet d’invasion de la Grande-Bretagne (opération SEELÖWE) fut plusieurs fois ajourné et reporté. Il finit même par être peu à peu abandonné et définitivement enterré avec le déclenchement de l’attaque contre la Russie le 22 juin 1941 (opération BARBAROSSA). Les nombreuses batteries côtières sur rail déployées sur le rivage du Pas-de-Calais furent alors retirées vers d’autres front et les batteries sous casemate du Griz-Nez perdirent définitivement leur caractère offensifs pour être englobées dans les défenses du Mur de l’Atlantique.

ATTAQUE ET DESTRUCTION DE LA BATTERIE TODT

Les Alliés, débarqués le 6 juin 1944 sur les plages de Normandie, ne parvinrent qu’en début septembre dans le Pas de Calais. Les trois mois qui séparent ces deux dates furent évidemment mises à profit par les Allemands pour renforcer les défenses annexes de la Batterie et, en particulier, boucher les ouvertures situées dans les murs arrières des casemates.

Début septembre, les Alliés remontant la côte de Picardie parviennent enfin au contact des défenses éloignées des poches de Boulogne et de Calais. La ligne de front se rapproche dangereusement des batteries côtières, mais celles-ci continuent inexorablement à pilonner la côte anglaise selon un rythme régulier établi par une longue routine. Puis, à partir du 10 septembre, l’intensité des tirs s’accroît, les garnisons allemandes essayant vainement de vider leurs soutes à munitions. Les 1er, 4 et 5 septembre, les casemates de la Batterie TODT engagent même des duels d’artillerie avec les batteries de la côte anglaise installées entre Douvres et Folkstone. Dans la seule journée du 5, la région de Douvres reçoit une centaine d’obus de gros calibre, tandis que le 11 septembre c’est le tour de Folkestone d’essuyer une pluie de projectiles. Cette débauche d’obus a  toutefois des conséquences :  le 13, une des 4 pièces de 380 mm de la batterie TODT se fend littéralement de la culasse à la gueule, suite à l’explosion prématurée d’un obus dans le tube.

Le 15 septembre, alors que les Anglais bombardent le Gris-Nez, TODT exécute un tir de contre-batterie. Mais à partir de cette date, la fin est proche. Dès le 17 septembre, l’artillerie de campagne anglaise, bien qu’en limite de portée, concentre ses tirs sur le secteur du Gris Nez et de Sangatte, prenant à partie directement les batteries TODT et LINDEMANN.

Entre le 17 et le 19 septembre, TODT est intensément pilonnée par son homologue anglaise, la batterie Wanston (2  pièces de 15 inches = 380 mm) et par l’ensemble des batteries à longue portée des environs de Douvres.

Le 18, les batterie TODT et GROSSER KURFÜRST sont soumises simultanément à un intense bombardement aérien et à un pilonnage en règle par la flotte anglaise, cuirassés et croiseurs lourds en tête, venue appuyer de ses canons de marine le déluge de fer et de feu qui s’abat sur les batteries du Gris-Nez. Pour soulager celles-ci, la batterie LINDEMANN du Blanc Nez entre à son tour en action. Ses énormes tourelles de 406 mm prennent pour cibles les navires de ligne de la Home Fleet. Le tir allemand est précis et, après avoir rapidement encadré les vaisseaux, la batterie LINDEMANN enregistre quelques coups au but sur les plus grosses unités de la flotte britannique, contraignant celles-ci à s’éloigner.

Les attaques aériennes contre la batterie TODT avaient commencé dès le printemps 1944. La FLAK de protection, puissante et efficace, obligeait les bombardiers alliés à opérer à trop haute altitude pour obtenir une certaine précision. Le commandement de la R.A.F. ne se faisait d’ailleurs aucune illusion sur l’efficacité de ces opérations. Mais les bombardements, exécutés avant le jour J, faisaient partie du plan des Etats-Majors alliés consistant à entretenir l’O.K.W. dans l’illusion d’un débarquement dans le secteur du Pas-de-Calais. Le raid aérien du 9 mai fut le plus important réalisé avant la date du débarquement.

Avant l’attaque définitive, la batterie connaît même un répit relatif. Toutefois, le 20 septembre a lieu la plus forte attaque aérienne contre le secteur du Gris-Nez. Ce jour là, 600 bombardiers américains déversent sur le périmètre de la batterie près de 6’000 bombes de 250 et 500 kgs. Ce bombardement met hors service le canon de la tourelle 1 par un coup direct. L’effet du bombardement sur les casemates est négligeable mais par contre toutes les installations non bétonnées sont détruites. Le terrain aux alentours est retournés, transformant tout le secteur en un vaste désert lunaire criblé de cratères.

Pendant ce temps, au sol les Canadiens terminent les derniers préparatifs pour lancer l’assaut final. Dès le 23, le secteur du Gris-Nez est bouclé par les troupes canadiennes. Encerclées dans la poche, les batteries TODT et GROSSER KURFÜRST sont isolées et voient leurs communications coupées. Désormais, elles doivent assurer seules leur autodéfense.

Il n’y en a plus maintenant que pour quelques jours, mais TODT continue inexorablement à pilonner l’Angleterre.

Le commandant canadien du North Highlander Regiment souhaiterait entrer en contact téléphonique avec  le commandant de la batterie pour exiger sa reddition et épargner des morts inutiles, mais le projet est rendu impossible par la rupture des communications due aux bombardements aériens. C’est ainsi que la garnison de la batterie n’a pas vent de l’attaque que les Canadiens du North Shore Regiment lancent le 25 sur la crête des Noires Mottes pour s’emparer par l’arrière de la batterie LINDEMANN. Soutenus par des chars spéciaux de la 79e Division Blindée, ils parviennent à s’installer sur la crête mais s’y retrouvent cloués au sol par le feu nourri et puissant des mitrailleuses allemandes  provenant des casemates. La tourelle C, la seule encore en état de la batterie LINDEMANN, ouvre encore le feu ce jour là sur l’Angleterre, avant d’être définitivement réduite au silence. Dans la soirée, tout est fini : LINDEMANN est tombée et les Canadiens investissent la poche du Blanc Nez. Reste la poche du Gris-Nez, avec les batteries TODT et GROSSER KURFÜRST.

Au cours des 26 et 28 septembre, TODT essuie deux nouveaux raids aériens massifs, menés respectivement  par 530 et 300 appareils de la  R.A.F., qui déversent environ 2000 tonnes de bombes sur la tête des défenseurs allemands. Le terrain alentour est labouré et retourné une nouvelle fois en tous sens, sans pour autant que les bombes parviennent  à ébrécher le béton des casemates où se terre la garnison. Malgré des  tirs d’artillerie non moins puissant le 26 septembre, TODT continue à harceler les villes de la côte anglaise, où de grands incendies ravagent Douvres et Folkestone..

Le 27 septembre, les bombardements reprennent et la pièce de la casemate 1 est mise hors de combat.

L’assaut final contre la batterie TODT est lancé dans la matinée du 29, après un dernier et violent bombardement, aérien et terrestre, sur toute la position, juste avant que l’infanterie et les chars canadiens franchissent le périmètre de défense. La prise échoit au North Scotland Highlanders Regiment (Canada), qui reçoit l’ordre de s’emparer des casemates de la batterie, à Haringzelle, et du poste de commandement situé au Cran-aux-Oeufs. La compagnie D est chargée de prendre d’assaut la casemate 1 située au nord, la compagnie B se chargeant des trois autres positions. A leur suite, et une fois les casemates prises, la compagnie C doit passer à l’attaque des installations du Cran-aux-Oeufs. L’infanterie est appuyée par un escadron de chars démineurs, deux pelotons de chars lance-flammes et un peloton de chars armés de mortiers de démolition.

L’opération débute par l’attaque de la casemate 1. Arrivés aux  tranchées devant la casemate, les chars lance-flammes entrent en action. L’équipage de la casemate ne se rend compte de l’attaque que lorsque des grenades, lancées par les fantassins, commencent à tomber par l’embrasure. Les 175 artilleurs servant la pièce n’opposent pas de résistance et rendent immédiatement. La compagnie D s’organise alors sur la position.

Pendant ce temps, la compagnie B s’était occupée des trois autres casemates. Au petit matin, juste avant le déclenchement de l’assaut, l’un des canons de la batterie tire encore sur l’Angleterre. Le ciel est si pur que les Canadiens peuvent voir l’explosion de l’obus.

Débouchant des petits bois de  Combles et des Louvières, où elles s’étaient regroupées pendant la nuit, les troupes avancent en droite ligne sur les casemates, derrière les chars démineurs.

Un des chars Avre’s s’avancent à toucher la casemate 3 et ouvre le feu à bout portant avec ses énormes tubes de 290 mm.

Les casemates 2 et 4 sont prises lorsqu’un soldat monte sur le toit et laisse tomber des grenades par une goulotte d’aération. Lors de l’attaque, le filet de camouflage d’une des casemates prend feu et brûle en quelques secondes (l’été 1944 fut très chaud et très sec), provoquant la reddition de l’équipage. Un planton accompagné d’un allemand est aussitôt envoyé chercher à la compagnie D l’officier le plus ancien  qui vient pour recevoir la capitulation des trois casemates. Il trouve le commandant allemand en train d’achever son repas. Ceci montre bien que tout ce qui se passait à l’extérieur ne troublait guère les occupants des casemates.

Restait encore le poste de commandement au Cran-aux-Oeufs. La compagnie C commence à se déployer vers midi, après la reddition des casemates. De la position de départ, on aperçoit au loin le poste de commandement et le radar, placé sur une petite hauteur, en bordure de la côte, mais il reste un long espace à découvert à traverser pour y arriver. L’infanterie canadienne  suit les chars démineurs. A peu de distance de la base de départ, l’un des chars explose sur une mine, les chenilles démantelées. N’osant plus avancer, les autres chars apportent, de leur place, un soutien à l’infanterie qui finit par aborder la position. Elles trouve les tranchées abandonnées et, bientôt, quelques allemands sortent des abris souterrains. Quelques rafales d’armes automatiques sont tirées du PC, mais ce dernier capitule rapidement après l’éclatement d’une explosion : ce sont les allemands qui viennent de faire voler en éclats les instruments de contrôle de tir des canons de la batterie.

La prise de cette formidable batterie, qui le matin même de sa capture tirait encore sur l’Angleterre, fut effectuée en un temps record et avec le minimum de pertes : 6 tués et 19 blessés, à tel point que les soldats qui y prirent part eurent l’impression d’avoir participé à l’un des exercices d’entraînement comme ils en avaient tant subi en Angleterre…

Fortifications de Sankt Luzisteig – Grsison – Suisse

Entre 1622 et 1631, les Trois ligues, l’Autriche et la France construisirent les fortifications de Sankt Luzisteig, près de Fläsch, Mastrils et Landquart, afin de barrer les accès vers les Grisons et Coire. Agrandies au début du XVIIIe siècle, elles eurent à subir l’assaut des Français et des Autrichiens pendant la deuxième guerre de coalition en 1799 et une destruction presque totale en 1800.

Dans le contexte de l’occupation des frontières en 1815, on barra l’axe ouest-est contre Napoléon. On construisit des fortifications de campagne, notamment dans le Seeland bernois (tête de pont de Bargen-Aarberg). La ville de Bâle fut également fortifiée. Après 1815, un concept fut adopté pour l’ensemble de la Confédération. Entre 1815 et 1829, le colonel quartier-maître Hans Conrad Finsler élabora la planification systématique des engagements opératifs de l’armée fédérale, en prenant en compte les fortifications nécessaires. Leur construction ne fut toutefois entreprise que sous Guillaume-Henri Dufour, chef de l’état-major général depuis 1831. Cette année-là, après la révolution de Juillet en France, un premier programme fut réalisé à l’échelle du pays, par le renforcement du goulet de Saint-Maurice et de la route du Simplon à Gondo, la reconstruction de la fortification de Sankt Luzisteig,

Le renforcement d’Aarberg et du secteur de la Thielle et celui de Bâle. Pendant le service actif décrété en 1848 lors de la guerre en Italie du Nord, on procéda à des extensions des fortifications de Saint-Maurice et de Sankt Luzisteig et l’on construisit de nouveaux ouvrages au sud de Bellinzone, le long de la Sementina et de la Morobbia. Les travaux à Bellinzone et à Sankt Luzisteig furent poursuivis en 1853-1854, au moment des tensions qui agitaient la Lombardie, alors autrichienne.

Dès le début du 20ème  siècle, Sankt Luzisteig devint une place d’arme et ne joua plus aucun rôle comme fortification. D’autres fortifications modernes furent construites.

C’est très intéressant de visiter Sankt Luzisteig, car les anciennes fortifications ont été réutilisées dans la place d’arme et transformées. Les modifications apportées sont très intéressantes, car l’aspect extérieur des anciennes fortifications a été très bien conservé.

Une route traverse la place d’arme et vous pouvez vous promener librement dans celle-ci.

Fort Amherst, à Medway, South East England

Ce fort a été construit en 1756 à l’extrémité sud des lignes Brompton de défense pour protéger les approches du sud-est à Chatham Dockyard et de la rivière Medway contre une invasion française. Il est situé à l’est de la Grande Bretagne, au sud de la Tamise. Fort Amherst peut maintenant être visité tout au long de l’année.

Les défenses en 1770.

Le but principal de toutes les fortifications de Medway était la défense de l’arsenal naval. Cela a été en grande partie le résultat du raid sur la Medway en 1667 lorsque la flotte hollandaise a infligé de lourds dommages au chantier naval. Des défenses ont été prévues pour le chantier naval dès 1708  et les terrains ont été ensuite acquis par deux lois du Parlement en 1708 et 1709. Le premier plan de défense était une enceinte (anneau de fortifications), de Gun Wharf, Chatham, au nord du village de Brompton.

En 1755, la construction des divers basions («Prince of Wales Bastion, ‘Prince Williams Bastion’, ‘Kings Bastion’, ‘Prince Edwards Bastion’, ‘Bastion du Prince Henry» et le «prince Fredericks Bastion) a été terminée. Les fortifications ont été conçus en 1755 par le capitaine John Peter Desmaretze du Board of Ordnance et se composait d’un mur de 9 mètres de large et d’un fossé de 3 mètres de profondeur.

En 1757, une caserne d’infanterie) a été construit pour loger les troupes destinées à la défense.

Pendant la guerre d’Indépendance américaine (1778-1783), les lignes ont été améliorées et renforcées. Les points forts de l’ouvrage étaient deux redoutes (Amherst à l’extrémité sud et ‘Townsend à l’extrémité nord) . Amherst Redoubt est devenu plus tard Fort Amherst. Chaque redoute a été équipée de  42 canons de 6 livres et 2 canons de 4 pounder.

En 1779, lors de la construction, les ouvriers ont trouvé une fondation d’un bâtiment romain. Plusieurs découvertes, y compris des morceaux de briques et de tuiles romaines, ont été faites. Des monnaies romaines ont également été trouvées, dont une de l’impératrice Faustina, et une autre de l’empereur Claude

Les défenses en 1812.

Pendant les guerres napoléoniennes (1803-1815) les défenses Chatham ont été agrandies et considérablement renforcées. D’autres batteries ont été ajoutées (comme la batterie Cornwallis) et les fossés revêtus (bordées de briques).

Toujours en 1802-1811, des prisonniers, la plupart détenus à l’île Sainte-Marie, ont été mis au travail sur l’extension des tunnels et en créant de vastes réserves souterraines et des abris, de nouveaux magasins, des casernes, des batteries d’armes à feu et des corps de garde. Plus de 50 canons à canon lisse ont également été montés. Les derniers travaux de construction ont été achevés vers 1820. Un labyrinthe de tunnels, utilisés pour déplacer des munitions autour du fort, ont été creusées dans les falaises de craie.

Une deuxième batterie de tir, ‘Townsend Redoubt, a été construite à l’angle nord-est du chantier naval en même temps que Fort Amherst.

Fort Clarence à Rochester et Fort Pitt, sur les frontières Rochester-Chatham, ont été construits en 1805-1815 pour protéger les approches sud.

Bien que les lignes n’aient jamais été mises à l’épreuve, leur conception aurait fait la preuve d’une formidable défense contre toute force d’invasion.

En 1820, en raison de l’amélioration du matériel d’artillerie et des plus grandes distances de tir, les défenses ont été déclarées obsolètes.

En 1959, le site a été classé comme un monument à conserver.
Le fort a encore été utilisé au cours de la Seconde Guerre mondiale quand il a servi comme PC de commandement de la protection civile. Plus tard, il a été restauré afin de pouvoir être plus accessibles au public.

Utilisation actuelle

À la fin des années 1970, un groupe de passionnés ont reçu l’autorisation du ministère de la Défense de commencer la restauration du  fort.

Fort Amherst est maintenant géré et exploité par un organisme de bienfaisance, qui ouvre le fort aux visiteurs tous les jours de l’année et propose des visites quotidiennes à 11h et 14 heures (sous réserve de modifications). Il est également possible de participer à des visites de fantômes, qui ont lieu généralement le premier vendredi soir de chaque mois, et durant la nuit des enquêtes paranormales à travers les tunnels.

Le château de Douvres – Angleterre

Le château de Douvres est situé sur une colline dominant la Manche, au nord-est du port de Douvres, comté de Kent en Angleterre. Ce château possède un grand avantage : c’est le point d’Angleterre le plus proche du continent européen.

La place était sans doute fortifiée depuis l’âge du fer, bien avant la conquête romaine.

Les Romains érigèrent un phare qui se dresse toujours dans l’enceinte du château, et les Saxons une église.

Guillaume le Conquérant a étendu des fortifications existantes à cet endroit en 1066, mais c’est Henri II qui en a fait le château actuel en y ajoutant, en 1180, le donjon entouré d’un mur d’enceinte.

À travers les siècles, les défenses ont toujours été élargies et améliorées car le château a tenu un important rôle militaire. Un labyrinthe de tunnels et des chambres secrètes furent aménagés sous le château pour mieux en assurer sa défense.

C’est une ancienne forteresse du Moyen Âge

Le château médiéval

Le premier château a été bâti par le duc Guillaume de Normandie en novembre 1066 ; après la bataille d’Hastings, Guillaume le Conquérant reçut la reddition de Douvres et améliora les fortifications. On ne sait pas beaucoup de choses de ce premier château, mais le résultat de fouilles archéologiques laisse supposer qu’il était situé près du phare et de l’église.

C’est le roi anglais Henri II qui fit construire le château de Douvres entre 1179 et 1188. Les défenses sont complétées par Jean sans Terre.

Le donjon fut cependant remanié de nombreuses fois aux siècles suivants, et en particulier au XVIe siècle, sous le règne d’Henri VIII.

Les défenses du château sont testées pour la première fois pendant la guerre entre Jean sans Terre et ses barons. En mai 1216, le prince Louis poste une armée à Thanet pour soutenir les barons. Avant l’automne 1216, le roi ne possède plus, dans le sud de l’Angleterre, que les châteaux de Windsor et de Douvres.

Jean sans Terre meurt en octobre 1216, son fils Henri III est proclamé roi. Louis de France, futur Louis VIII, établit le siège du château de Douvres en mai 1217, mais trois jours après, les forces françaises sont vaincues à la bataille de Lincoln, mettant fin à la guerre.

Le siège établi par Louis de France a montré les vulnérabilités des défenses du nord. Henri III améliore les défenses du château, en ajoutant des tours de surveillance : St John’s Tower, Peverell’s Tower, à l’ouest, et des portes : Constable’s Gateway et Fitzwilliam’s Gateway, à l’est.

Quand la guerre civile éclate en 1642, la ville de Douvres soutient le parlement alors que la garnison du château soutient le roi. Au mois d’août, une partie des habitants escalade les falaises, surprend la garnison et s’empare du château.

À la fin du XVIIIe siècle, pendant la Révolution française et les guerres contre la France napoléonienne, le colonel William Twiss continue la modernisation du château. Il complète la restructuration des défenses extérieures en ajoutant les demi-bastions Horseshoe, Hudson, East Arrow et East afin de renforcer le côté est, ainsi qu’un autre bastion à l’ouest. Twiss construit également Canon’s Gateway pour faciliter les communications entre le château et les défenses de la ville ; il fait aussi creuser des installations sous la falaise.

La fin des guerres napoléoniennes précipite la réduction des défenses de Douvres ; ne reste plus au château qu’une petite garnison. Plus tard, des améliorations sont apportées au château, mais il est plutôt utilisé comme quartier général de la garnison alors que le nouveau Fort Burgoyne, construit sur une parcelle plus élevée au nord-est du château, assume les autres fonctions militaires.

Le 25 juillet 1909, Louis Blériot a réussi le premier vol transmanche avec un atterrissage à Northfall Meadow, sur une colline près du château ; un mémorial marque le site de son atterrissage1.

Durant le XXe siècle, le château joue un rôle important dans les deux guerres mondiales. Le château est équipé de canons de DCA ainsi que de projecteurs ; pendant la Seconde Guerre mondiale, on y ajoute un radar.

En mai 1940, l’évacuation de 338 000 soldats alliés depuis Dunkerque est dirigée à partir du poste de commandement du château. De nouveaux tunnels sont construits pour abriter un hôpital et les quartiers-généraux de trois services.

À la fin de la guerre, l’armée reste au château jusqu’en 1958 ; cinq ans après, l’ensemble du château de Douvres est confié au Ministry of Works pour être préservé.

C’est le plus grand château de toute la Grande Bretagne.

Nous l’avons visité il y a peu de temps et nous ne pouvons que vous conseiller de consacrer un jour à cette visite, car cela en vaut vraiment la peine.

Source texte : wikipedia

A8315 Musée du Fort d’artillerie d’Airolo

Lors de la visite du Fort d’artillerie,  vous découvrirez un musée très intéressant qui présente dans ses locaux une très riche collection de matériels suisses comprenant aussi bien des armes d’infanterie que des pièces d’artillerie liées à l’histoire du fort et des troupes de montagne helvétiques durant le 19e et 20e siècle.

A8315 Fort d’artillerie d’Airolo – Tessin – Suisse

Le fort d’Airolo

La clef de l’Europe :

Fort Airolo est situé au pied de la rampe sud du col du Saint-Gothard. Ce massif, situé au cœur des Alpes suisses et du continent, constitue le château d’eau et la clef de l’Europe. Le Rhône et le Rhin y prennent leur source, de même que l’Inn qui se jette dans le Danube et le Ticino, l’un des principaux affluents du Pô. De là, on peut facilement déborder vers le nord ou le sud des Alpes, déborder vers la haute vallée du Rhône (Valais) pour gagner la France ou descendre la haute vallée du Rhin en direction de l’Autriche. Ce rôle de carrefour, à la croisée des chemins, en font une place hautement stratégique, que la Suisse se devait de contrôler et de verrouiller solidement face aux enjeux des puissances européennes. Durant la seconde guerre mondiale et la guerre froide, son importance s’est encore accrue avec la mise en place de la stratégie du Réduit national, dont le Gothard constituait le pivot central.

Défendre le Gothard, c’était non seulement tenir le bastion central du réduit défensif suisse et contrôler la clef du pays tout entier, mais aussi barrer l’un des principales transversales alpines reliant l’Europe du nord à la Méditerranée.

Situation et contexte géostratégique :

 Le Fort d’Airolo est implanté au pied de la rampe méridionale du col du Saint-Gothard (carrossable) et à proximité directe du portail sud du tunnel ferroviaire du Gothard. Le percement de ce tunnel (1872-1882) et l’inauguration de la ligne de chemin de fer du Gothard (1882), ont profondément bouleversé la situation géo-politique et géo-stratégique de la Suisse et du continent, en permettant une liaison transalpine directe et rapide entre l’Italie du Nord (Lombardie) d’une part, le sud de l’Allemagne (Bade-Würtemberg) et l’Alsace d’autre part. A partir de 1882, Milan n’est plus qu’à quelques heures de Zürich, Bâle, Strasbourg ou Düsseldorf et ceci durant toute l’année. La barrière des Alpes, jusqu’alors infranchissable en hiver, devient perméable et perd son caractère d’obstacle protecteur. Cette nouvelle transversale ferroviaire, qui traverse le cœur de la Suisse, prend dès sa construction une importance toute particulière. Elle offre, en effet, la possibilité de déplacer rapidement des troupes d’un côté à l’autre des Alpes, entre l’Allemagne et l’Italie ou vice-versa. La crainte de la Suisse de voir un futur belligérant utiliser ce couloir est renforcée par la signature de la triple alliance (Triplice) entre l’Allemagne, l’Italie et l’empire austro-hongrois, qui est entérinée la même année que le percement du tunnel !

Contexte historique :

  • Achèvement de la construction des fortifications de Bellinzona, premiers ouvrages conçus pour renforcer le flanc sud de la Suisse et stopper un envahisseur venant du sud.
  • En Grande-Bretagne, construction par le captain Cowper Coles de la première tourelle cuirassée qui est placée sur une batterie type Monitor sur la Tamise.
  • présentation du projet de la première tourelle Schummann, installée en 1867 à la citadelle de Mainz (Mayence).
  • début de la construction du tunnel ferroviaire du Gothard.
  • percement du tunnel et inauguration de la ligne ferroviaire du Gothard. Signature d’une triple alliance (Triplice) entre l’Allemagne, l’Italie et l’empire austro-hongrois.
  • Une commission ad hoc propose de concentrer les défenses sur le cœur du massif du Gothard, en mettant l’accent sur trois points: 1) le col du Saint-Gothard proprement dit; 2) la région d’Airolo et l’entrée sud de la galerie ferroviaire sur le versant sud; 3) les gorges de Schöllenen sur le versant nord (goulet de la « Bouche d’Uri » ).
  • Le capitaine du génie G. Marmier, du 2e bureau de l’Armée française, révèle que le canton suisse du Tessin figure parmi les premiers objectifs de l’Italie en cas de conflit, vu l’importance stratégique de l’axe ferroviaire du Gothard. Cette annonce provoque un scandale et alarme les autorités suisses sur la nécessité de fortifier l’axe du Saint-Gothard.
  • Depuis la signature de la Triplice et vu la faiblesse des fortifications frontières helvétiques existant dans les Alpes, une intervention italienne à travers les Alpes suisses, avec l’aide logistique de l’Allemagne, est possible. Cette éventualité fait peser une lourde menace sur le flanc sud de la Suisse en cas de guerre entre la France et l’Allemagne. Les Italiens pourraient, en effet, être tentés de violer la neutralité suisse pour appuyer leur allié allemand en cas d’offensive dans l’est de la France (depuis la victoire de 1870, l’Alsace et la Lorraine font alors partie intégrante du Reich allemand).
  • L »Etat major italien commence à établir des plans en vue d’une éventuelle action offensive à travers les Alpes suisses, à partir d’une ligne opérative située dans la plaine du Pô (ligne de base Bergame – Milan – Verceil – Turin). Certains de ces plans prévoient une offensive en direction de la partie centrale du Tessin (région Locarno – Bellinzona) pour contrôler le point de convergence des voies de communications en direction de l’axe suisse du Gothard. Le Conseil fédéral prend conscience de l’urgence de défendre le portail sud du tunnel et de fortifier le massif alpin.

Mission

La création du Fort Airolo vise essentiellement deux buts principaux:

  • protéger et verrouiller l’entrée sud de la galerie ferroviaire du Gothard, située à proximité directe de l’ouvrage.
  • servir de point d’appui de feu en cas d’offensive italienne par l’axe du Gothard, de façon à défendre l’accès au massif qui constitue la clef de voûte de la défense nationale helvétique.

Construction

La construction du Fort Airolo s’étale sur 8 ans, de 1892 à 1894. Elle est la conséquence directe de la menace représentée par la Triplice et par la crise franco-allemande de l’hiver 1886-1887 (affaire Schnoebele).

  • Début des travaux de fortifications du massif du Gothard.
  • Début de la construction du Fort d’Airolo. Environ 800 ouvriers, en  majorité italiens et autrichiens, travaillent sur le chantier.
  • Achèvement du gros œuvre du Fort Airolo et percement de la galerie de liaison avec le portail sud du tunnel ferroviaire.
  • Le fort est relié avec le versant nord du Gothard par un câble téléphonique qui passe à travers la galerie de liaison et le tunnel ferroviaire. Il peut désormais communiquer directement avec la garnison d’Andermatt et le fort de Bühl qui gardent les débouchés nord du col et du tunnel.
  • Installation de tourelles d’observations dans les forts d’Airolo, Bühl (gorges de Schöllenen) et Bäzberg (au-dessus d’Andermatt).
  • Installation de mortiers à sphère 12 cm au Fort d’Airolo pour renforcer la défense du portail sud du tunnel.

Au total, le coût global de la construction du Fort Airolo s’élève à un peu moins de 3,5 millions de francs suisses de l’époque.

Adaptation techniques

A peine les travaux de construction ont-il débutés à Airolo que l’invention de la mélinite et la crise de l’obus torpille obligent les concepteurs à modifier et renforcer la superstructure de l’ouvrage. Pour pallier aux déficits du ciment (le béton armé n’existe pas encore!) et prévenir les effets destructeurs de ce nouveau type de munitions, le dessus du fort est entièrement revêtu d’énormes blocs de granit (1,2 m de côtés) jointoyés au millimètre et disposés en forme de carapace pour en renforcer la solidité. Les blocs de granite utilisés sont débités dans la carrière de Lavorgo, puis acheminés par voie ferroviaire jusqu’à la gare d’Airolo. De là, ils sont hâlés jusqu’au chantier sur des wagonnets circulant sur des voies étroites et tirés par des bœufs.

Il convient de souligner que les constructeurs recourent aux meilleures techniques connues de l’époque:

  1. renforcement de la superstructure par une carapace de blocs de granit.
  2. mise en place de cuirassements fixes et mobiles en acier.
  3. installation de l’armement le plus moderne que l’industrie de l’époque peut fournir.

Le fort

L’ouvrage, qui est établi sur un point de rupture de pente et en bordure d’un petit plateau, jouit d’une excellente position dominante qui lui permet de battre à la fois le fond de la vallée de la Léventine et le Val Bedretto. Il contrôle directement le village d’Airolo, l’entrée sud de la galerie ferroviaire et l’important carrefour routier situé au pied de la rampe sud du col du Saint-Gothard.

Le fort a la forme d’un quadrilatère irrégulier, mais il est invisible du fond de la vallée car il est semi-enterré. Il est ceinturé par un profond fossé qui en interdit l’approche et facilite la défense rapprochée, grâce à 3 caponnières. Seule la superstructure, revêtue d’une épaisse carapace de blocs de granite qui lui donne un éclat immaculé, émerge du terrain environnant. Intérieurement, l’ouvrage s’articule sur 3 niveaux et comporte de nombreuses salles voûtées à l’épreuve. Les ouvertures sont rares. L’unique façade éclairée par des fenêtres occupe le côté nord, à l’abri des coups de l’ennemi. Sur les trois autres côtés, le fort ne présente que les formes arrondies de sa carapace et les seules ouvertures existantes sont les embrasures de tir des pièces.

L’entrée,  établie au niveau du fond du fossé pour la protéger des tirs de contrebatterie, s’ouvre au pied de la façade nord, dans la direction opposée à celle de l’ennemi. On y accède par une longue rampe courbe dont la saignée s’enfonce progressivement dans le terrain. L’ouvrage pouvait abriter 6 officiers et 183 hommes de troupes (sous-officiers et soldats). De 1889 à la fin des années 1970, il a abrité l’école de recrue de l’artillerie, aujourd’hui transférée dans de nouveaux locaux modernes situés à proximité.

L’armement

La défense rapprochée du niveau 1

La défense rapprochée était assurée directement depuis le niveau le plus bas du fort,  celui de l’entrée et du fossé, correspondant au rez-de-chaussée de l’ouvrage. Le fossé ceinturant le fort était battu par 3 caponnières d’angles armées initialement avec 12 canons de bronze de calibre 8,4 cm Ord. 1871. Chaque caponnière possédait 4 pièces de ce modèle qui pouvaient tirer soit des obus, soit des boites à mitrailles. Ce dernier type de munition permettait, par effet de ricochet sur les parois maçonnées de l’escarpe et de la contrescarpe, d’atteindre des assaillants situés hors de l’axe de tir ou dans les angles morts et de décimer ainsi les fantassins qui auraient réussi à prendre pied au fond du fossé (malgré la hauteur de la contrescarpe!).

Les batteries sous casemate cuirassées du niveau 2

Le premier étage du fort abritait 5 canons en acier de 8,4 cm Ord. 1879 installés sous casemates cuirassées et répartis en 2 batteries.

La batterie Est, composée de 3 pièces, battait la vallée de la Léventine avec des feux principaux sur la position de barrage de Stalvedro.

La batterie Ouest couvrait le Val Bedretto, situé dans la direction opposée, de façon à repousser une éventuelle attaque italienne par le col du San Giacomo (tentative de rocade italienne par le Val Formazza).

Les canons et les affûts, de fabrication Krupp, étaient protégés par un cuirassement de 20 cm d’acier provenant des aciéries Vitcovitz, doublé extérieurement par une épaisseur de 120 cm de granit. Ces pièces avaient une portée d’environ 5 km. Le projectile pesait 6,7 kg.

Les tourelles cuirassées à éclipse

La puissance de feu de l’ouvrage était renforcée par 4 tourelles cuirassées à éclipse, abritant chacune un canon blindé à tir rapide Gruson de 5,3 cm modèle 1887. La mise en batterie des tourelles était assurée par un système de contrepoids.

Leur cadence de feu théorique était de 40 coups/minute avec une vitesse initiale de 462 m/seconde, mais, dans la réalité, elle était plus proche de 20 coups/minutes d’après certains témoignages. Ces canons pouvaient tiraient plusieurs types de projectiles: obus Schrapnell 1889 et 1892; boites à mitraille modèles 1889 et 1904; obus à anneaux 1889; obus d’acier 1918/1923. Le poids du projectile variait entre 1,72 et 1,88 kg selon le type de munition utilisée. La portée était d’environ 3000 m, avec une distance d’efficacité de 2000 mètres. Chaque tourelle comprenait un chef de pièce et 6 servants.

L’armement principal

L’armement principal du Fort Airolo consistait en une coupole blindée Gruson (système Schumann), qui surmontait la superstructure de l’ouvrage. Cette coupole cuirassée possédait 2 canons jumelés de calibre 12 cm modèle 1882, fabriqués par les aciéries de Magdeburg et équipés de freins hydrauliques. La portée de ces pièces était de 8 à 10 km, soit une distance exceptionnelle pour l’époque si l’on considère que le projectile pesait 16,5 kg! Le poids de la coupole était de 15 tonnes.

Les 2 canons Gruson devaient tirer alternativement à cause du choc trop important engendré par le recul. A l’usage, les phases de feu mettaient les poumons de l’équipage à rude épreuve car les servants devaient, à l’origine, souffler dans les tubes après chaque départ du coup. Très vite, on pallia cet inconvénient en installant un dispositif à air comprimé pour chasser les gaz nocifs.

Ces deux splendides canons ont été malheureusement démontés et ferraillés dans le courant des années 1960 et la munition retirée complètement entre 1956 et 1958. Il subsiste toutefois la coupole et une réplique en bois des deux pièces a été installée à l’intérieur de celle-ci.

Les armes à tir courbe

L’armement de l’ouvrage était complété, dès l’origine, par une position cuirassée armées de 2 mortiers à sphère de 12 cm Ord. 1888 de fabrication Gruson, installée en arrière et au-dessus de la coupole centrale. Ces pièces à tir courbe avaient une portée comprise entre 400 et 3000 m et permettaient d’atteindre les nombreux angles morts non battus par les canons, nécessité absolument vitale dans un terrain aussi accidenté.

Ces mortiers furent remplacés, entre 1901 et 1906, par un unique obusier de 12 cm modèle 1891 (système Schumann) crachant des obus de 18 kg avec une vitesse initiale de 287 m/sec. La munition tirée comprenait des obus de fonte et d’acier de type Schrapnell. La portée de cet obusier était comprise entre 5500 et 5900 m (selon les sources consultées) et fut augmentée jusqu’à 7000 mètres à partir de 1937. La cadence de tir variait entre 3 et 15 coups à la minute.

Le Fort aujourd’hui

Après avoir été déclassé comme élément actif dans le courant des années 1950, le fort d’Airolo a continué à abriter l’école d’artillerie de forteresse jusque dans les années 1970. Ceci explique son excellent état de conservation et les transformations modernes qui ont été apporté à son casernement intérieur. Depuis la construction d’une nouvelle caserne à proximité,  le fort est aujourd’hui transformé en musée de la fortification et ouvert à la visite certains jours d’été. Ses locaux abritent une très riche collection de matériels suisses comprenant aussi bien des armes d’infanterie que des pièces d’artillerie liées à l’histoire du fort et des troupes de montagne helvétiques durant le 19e et 20e siècle. Par le caractère unique de son architecture et par la richesse de ses collections, il constitue une étape incontournable pour les passionnés de fortifications. Le Fort de Litroz vous encourage vivement à lui rendre visite car vous ne serez pas déçus…

Système Florako – Suisse

Les sites du système  FLORAKO, pour l’essentiel, sont installés dans les anciens sites FLORIDA.

FLORAKO  effectue les tâches suivantes: surveillance de l’espace aérien, sécurité aérienne militaire, alerte lointaine et conduite de l’engagement.

FLORAKO est bien sûr en mesure de répondre à des besoins spécifiquement militaires: que ce soit au niveau du repérage, de la poursuite et de l’identification d’objets volants non coopérants, de la conduite de moyens de défense aérienne (avions, missiles et canons) ou de la protection du système lui-même.

Sous-systèmes: FLOres, RAlus, KOmsys et Lunas-EZ

Les sous-systèmes de FLORAKO sont au nombre de quatre:

  • FLOres (FLOrida-Radar-ErSatz) remplace les radars FLORIDA par des radars de surveillance à grande portée, en raison des conditions topographiques suisses particulières.

–     RAlus (RAdar-LUftlage-System) constitue le nouveau système de présentation de la situation aérienne: analyse des données de toutes les sources, présentation sur écran, en liaison avec la sécurité aérienne civile.

–     KOmsys (KOMmunikation-SYStem) autorisera les communications radio et les transmissions de données par le même réseau.

  • Lunas-EZ (LuftNAchrichtensystem EinsatzZentralen) rassemble système d’acquisition de renseignements aériens et centrale d’engagement, c’est-à-dire l’interface entre FLORAKO et l’utilisateur militaire.

Au sommet d’une montagne de Suisse, des installations FLORAKO sont visibles. Vous trouverez ci-dessous quelques photos qui vous permettront de juger de l’importance de ces installations.

Les coupoles abritaient anciennement les canons DCA.

 

 

 

 

V1 Radioguidage

Contrairement à une idée largement répandue mais erronée, aucun V1 tiré en opération durant la seconde guerre mondiale n’a jamais été radioguidé. En revanche, certains d’entre eux (un engin sur sept) étaient radiorepérés, ce qui est bien différent !

On confond trop souvent le radiorepérage et le radioguidage.

  • Le radiorepérage consiste à suivre à distance la trajectoire d’un engin grâce à un signal radio émis par celui-ci. Ce signal est capté par trois stations d’écoute au sol, qui, par recoupement et triangulation des gisements obtenus, permettent de déterminer la position du V1. C’est ce qu’on appelle la radiogoniométrie. Cette technique fournit des informations utiles qui permettent de corriger le réglage des engins suivants, mais en aucun cas de modifier en vol la trajectoire des V1.
  • Le radioguidage consiste en revanche à diriger l’engin à distance, grâce à l’émission depuis le sol d’un signal radio qui permet de modifier ou de corriger le cap du V1 et de changer sa trajectoire pour l’amener droit sur l’objectif.

Durant les derniers mois de la guerre, les Allemands travaillèrent effectivement à un  projet de radioguidage du V1 et de nombreux essais dans ce sens furent entrepris au centre de recherches de Peenemünde.

L’objectif recherché était de permettre une correction du vol du V1 en fin de trajectoire, pour ramener l’écart de dispersion de 6 à 2 km à une distance de 400 km. La technique utilisée, mise au point par le DFS, utilisait un émetteur Ortungssender EWALD SAUERKIRSCH d’une puissance de 1 kW, fonctionnant entre 0,5 et 1 MHz.

Le V1 catapulté effectuait la majeure partie de son vol sans aide extérieure, sous le contrôle normal du pilote automatique. Une fois arrivé à proximité de l’objectif, l’émetteur embarqué s’activait et envoyait un signal qui était capté par 3 stations d’écoute au sol. Le recoupement goniométrique des 3 gisements obtenus indiquait la position du V1. L’information était aussitôt transmise à une station émettrice qui envoyait une impulsion radio agissant directement sur le gyroscope du V1, permettant ainsi d’éventuels changements ou corrections de cap successifs. En procédant par petites touches répétées, on pouvait ainsi amener la bombe volante droit sur son objectif.

Le projet était très avancé en 1945 et la technique fonctionnait parfaitement. Au moment où le Reich s’effondra, elle était pratiquement au point mais elle ne put toutefois être utilisée en opération.