LA DCA LÉGÈRE SUISSEE (1939-1945)

Durant la guerre, la DCA légère suisse était constituée de canons 20 mm modèles 1937 et 1938, de fabrication Oerlikon (Suisse), auxquels s’ajouta, à partir de 1943, le canon 20 mm modèle 43 qui servit, par la suite, de base pour l’élaboration du 20 mm Drilling. A l’exception de ce dernier, il s’agissait de pièces monotubes, dotées d’une cadence de tir très rapide, qui pouvaient tisser un rideau de feu particulièrement dense et mortel, grâce à leurs gerbes d’obus.

Par rapport à la DCA lourde, leur avantage était la très grande mobilité et la légèreté qui permettaient de les déployer n’importe où pour compléter la couverture DCA du pays, même en terrain difficile et montagneux. Pour faciliter leur déplacement, ces canons étaient équipés de roues qui étaient démontées lorsque la pièce était installée en position, de façon à assurer une bonne stabilité grâce au trépied.

Il s’avéra très vite nécessaire de pourvoir aussi les autres troupes d’armes de défense contre avions. C’est la raison pour laquelle nos troupes frontières furent équipées de la mitrailleuse double DCA 38 de 7,5 mm. Celle-ci tirait les mêmes munitions ordinaires ou perforantes que le mousqueton équipant les soldats, ce qui facilitait la logistique. Ses deux canons fonctionnant simultanément, fournissaient une gerbe très dense, avec une cadence de feu soutenue. Les corps de troupes de l’artillerie furent équipés du canon automatique DCA de 34 mm 1942, qui était semblable au canon DCA de 34 mm de la Waffenfabrik.

Parmi les nouvelles armes introduites, le canon DCA d’infanterie de 20 mm 43, monotube, se révéla être une excellente arme automatique. Il équipa notamment les bataillons d’infanterie et les bataillons territoriaux. Il se distinguait tout particulièrement par la rapidité de son tir et par le caractère très large de son champ d’action, tant en élévation qu’en direction, ainsi que par son extrême maniabilité et sa stabilité. Il se différenciait des autres armes de DCA par son système de déverrouillage de la culasse qui reposait sur l’utilisation de la pression des gaz d’explosion et sur le recul.

Enfin, l’infanterie fut dotée d’affûts DCA spéciaux qui permirent d’utiliser les mitrailleuses Maximim modèle 1911 comme armes antiaériennes, notamment dans des positions préparées ou dans les fortifications de campagne…

LA DCA SUISSE EN ACTION (1939-1940)

Cette rubrique est illustrée par des photos d’époque à la fin du texte.

1939 : la Suisse démunie

Au tout début de la guerre, la Suisse accusait un grave déficit en pièces de DCA, suite au relâchement de l’entre deux guerres. En tout et pour tout, le pays possédait, pour la défense aérienne de ses industries et de ses villes, 4 projecteurs, 3 appareils d’écoute et 31 pièces de DCA. On ne disposait pas de pièces de DCA pour la protection des usines hydro-électriques et des barrages, pas même pour la protection des fortifications contre d’éventuels raids aériens à basse altitude. Cette lacune aurait pu coûter très cher et causer la perte du pays si l’un des belligérants avait alors décidé d’attaquer la Suisse. Par chance, ce ne fut pas le cas. La neutralité helvétique fut respectée, y compris par l’Allemagne nazie.

Conscients de cette grave faiblesse, les autorités militaires et politiques commencèrent dès 1938 à prendre des mesures pour doter le pays d’une DCA digne de ce nom et pour renforcer nos moyens antiaériens. Cet effort déboucha sur la constitution progressive des Troupes de Défense Contre Avions dont les effectifs, le 8 mai 1945, étaient 14 fois supérieurs à ce qu’ils étaient en 1939.

Durant la guerre, la DCA suisse fut équipée de canons de 20, 34 et 75 mm. Une partie dépendait directement du Haut commandement de l’Armée tandis que l’autre fut répartie en corps de troupes attribués aux grandes unités. Suite à son renforcement, la DCA devint une troupe importante et joua un rôle actif primordial dans la défense de notre neutralité. Les troupes de DCA et d’aviations furent en effet les seules à combattre réellement : elles furent engagées activement et n’hésitèrent pas à ouvrir le feu à de très nombreuses reprises pour faire respecter notre territoire par les avions belligérants, qu’ils soient alliés ou de l’Axe.

Mai – juin 1940 : succès suisse contre les chasseurs nazis

 Au mois de mai, un nombre important de batteries DCA nouvellement constituées vint renforcer les premières unités en service depuis le début de la mobilisation, après avoir parachevé leur instruction. Il était temps, car l’attaque allemande contre la France fit rapidement sentir ses effets jusque dans le ciel helvétique. Alors que le 9 mai on n’enregistrait qu’une seule violation de frontière, ce nombre passa soudain à 24 le lendemain où des bombes furent lancées sur Courrendlin (JU). Les survols de notre territoire par des avions étrangers, pour la plupart allemands, devinrent courants. Le 16 mai, les violations de notre espace aérien par les Allemands se multiplièrent de telle façon qu’elles créèrent, de fait, une sorte d’état de guerre pour nos troupes de DCA et d’Aviation qui ne cessèrent dès lors plus d’entrer en action.

A l’issue des sévères escarmouches aériennes qui opposèrent au début juin les chasseurs suisses aux appareils nazis qui violaient délibérément notre frontière (par provocation, sur ordre de Goering qui ne décolérait pas que notre petit pays ait l’impudence de vouloir défendre son espace aérien), les Allemands finirent par se retirer le 8 juin, après avoir perdu trois des leurs, dont deux furent abattus par notre aviation et un par notre DCA. Nos troupes d’Aviation et de DCA avaient fait leurs preuves et démontré qu’elles étaient à la hauteur de la tâche…

Juillet – décembre 1940 : la DCA se déchaîne contre les Britanniques

 Dès juillet 1940, la DCA lourde helvétique fut déplacée pour s’opposer aux violations de frontières réitérées commises délibérément par la RAF britannique, dont les bombardiers coupaient désormais au plus court au-dessus de notre pays pour aller bombarder de nuit les centres industriels de l’Italie du Nord, diminuant ainsi les risques. Nos batteries furent donc redéployées en fonction des axes de survol les plus fréquentés par les lourds quadrimoteurs britanniques et entrèrent en action chaque nuit jusqu’en décembre. Dès le 16 août, les équipages anglais commencèrent également à survoler le nord-est de la Suisse pour aller attaquer des objectifs situés probablement sur les rives du lac de Constance. Ces violations nocturnes réitérées se poursuivirent tout au long de l’automne et de l’hiver, provoquant le feu nourri de notre DCA. Des bombes furent même lâchées à plusieurs reprises, notamment sur Bâle le 17 décembre 1940 et à Zürich le 22 décembre. Pour ne pas favoriser l’un des belligérants, le Général Guisan ordonna alors l’obscurcissement général de la Suisse, qui fut maintenu jusqu’en 1944.

1941-1942 : deux années assez calmes

 L’année 1941 s’écoula sans que nos troupes d’aviation intervinssent dans une mesure importante. La DCA effectua quelques tirs et brûla environ 5 300 obus de différents calibres. Car durant les 8 premiers mois, les violations ne furent pas nombreuses du tout : moins d’une par jour en moyenne ! La Luftwaffe était entièrement occupée sur d’autres fronts, d’abord dans les Balkans, puis en Russie et en Afrique du nord.

1942 fut aussi calme que l’année précédente. La DCA n’entra que rarement en action et tira environ 2 500 obus de 7,5 cm. Ce ne fut qu’en octobre que des bombardiers anglais recommencèrent à violer notre espace aérien pour lancer des raids sur l’Italie du Nord. Bien que renforcée à cette occasion, la DCA n’obtint aucun succès particulier.

A la fin 1942, la DCA  suisse avait tiré au total, depuis 1939 :

  • 3 579 obus de calibre 7,5 cm (principalement contre les lourds quadrimoteurs britanniques).
  • 4 483 obus de 34 mm.
  • 861 projectiles de 20 mm.

Si les avions abattus ne furent pas nombreux en 1941-42, et que des touchés ne furent pas souvent enregistrés, il n’en est pas moins démontré que l’entrée en action occasionnelle de notre armement antiaérien se révéla efficace : les avions étrangers qui traversaient intentionnellement notre pays évitaient toujours notre DCA avec précaution. Il est évident que si cette arme avait fait complètement défaut, ils auraient méprisé notre neutralité avec d’autant plus de morgue et les violations auraient sans aucun doute été encore plus nombreuses.

1943 : la situation se complique avec l’apparition de l’USAAF

L’année commença avec l’atterrissage de quelques avions allemands qui s’étaient égarés. En juillet et août la RAF recommença à traverser la Suisse de nuit avec de grosses formations de bombardiers. La DCA helvétique se redéploya dans les secteurs les plus souvent violés et abattit 2 bombardiers anglais dans la nuit du 12 au 13 juillet.

A la suite des combats livrés au cours des bombardements stratégiques effectués sur l’Europe par l’USAAF, de nombreux bombardiers américains avariés, appartenant à la 8e flotte aérienne stationnée en Angleterre, commencèrent à se poser sur le sol suisse pour ne pas tomber aux mains des Allemands. Ces atterrissages d’urgence posèrent de nouveaux  problèmes à notre aviation et à notre DCA qui reçurent de nouveaux ordres leur prescrivant les cas où il ne fallait pas tirer. Il s’agissait de diriger ces avions endommagés aussi rapidement que possible après leur entrée en Suisse sur l’un de nos aérodromes, avec l’aide de la chasse.

1944 : la DCA acquiert une réputation redoutable

 Le début de l’année fut calme. En revanche la DCA helvétique dut fréquemment entrer en action au printemps et durant l’été. Elle ouvrit le feu soit sur des formations serrées, soit sur des avions isolés dont le comportement suspect laissait supposer des intentions hostiles. Elle acquit d’ailleurs rapidement auprès des équipages américains la réputation d’être beaucoup plus précise que la Flak allemande, si bien que les lourds quadrimoteurs de l’USAAF l’évitaient comme la peste. Les pilotes américains internés, déclarèrent que le plus désagréable pour eux avait été d’être accueillis au-dessus de la Suisse par un feu nourri dont les premiers coups étaient pour la plupart déjà très bien placés. Notre DCA dut également entrer en action de nuit, à nouveau contre les Anglais. Avant la fin de l’année, elle avait abattu un Lancaster, un Mosquito et un B-24 Libérator américain.

Le 12 septembre 1944, jour qui avec ses 72 violations de frontière, détient le record de toute la mobilisation, notre frontière du nord-est fut garnie d’une forte ceinture de DCA. Le résultat ne se fit pas attendre longtemps. Les violations d’avions étrangers diminuèrent extrêmement vite. C’est également ce jour là que le Général Guisan supprima l’obscurcissement de la Suisse étant donné que l’éclairage nocturne n’était plus de nature à favoriser un parti plus que l’autre. La DCA dut encore entrer en action à de nombreuse reprises à la fin de l’année et enregistra plusieurs touchés à cette occasion. Au nouvel an, elle avait tiré 7 700 obus de tous calibres…

1945 : dernières alertes

Durant les premiers mois de 1945, la protection DCA helvétique se déplaça sur la frontière nord et est de la Suisse, pour suivre la progression de la 1ère armée française au-delà de Belfort et de Colmar jusqu’au Rhin. Il s’agissait notamment de protéger les forces motrices du Rhin qui présentaient tant d’intérêt pour nous et d’interdire toute violation de frontières commises par des appareils des deux bords cherchant à échapper à l’adversaire, à ruser ou à couper au plus court.

Après que les Alliés eurent tenté, le 9 novembre 1944, de bombarder l’usine électrique de Zweidlen près d’Héglisau (ZH), il était légitime de compter avec la répétition de telles opérations. Ce fut donc la DCA qui supporta le poids principal de notre défense aérienne pendant les inondations et les grands froids de l’hiver 1944-45.

A notre frontière méridionale également, après les bombardements de la gare de Chiasso (TI) les 11 et 27 janvier 1945, la DCA fut sur ses gardes et abattit un avion de chasse étranger le 4 février. Celui-ci tomba juste en dehors de nos frontières.

Le 27 février fut le dernier jour où nous enregistrâmes de nombreuses actions. Ce jour-là, nos patrouilles de chasse abattirent de nouveau deux avions de bombardement alliés abandonnés par leur équipage. Le 20 avril 1945, le dernier avion américain de la guerre atterrissait sur l’aérodrome de Dübendorf (ZH), à la suite de combats livrés à l’étranger. Après lui ne se posèrent plus en Suisse jusqu’au 8 mai 1945 que 9 avions de réfugiés allemands.

Bilan

 Le 8 mai 1945, les troupes d’aviation et de DCA n’avaient plus qu’un régiment chacune en service. Les troupes ainsi que les états-majors furent licenciés les 12 et 15 du même mois.

Au moment de sa démobilisation, la DCA comprenait un effectif 14 fois supérieur à celui qui était le sien au début de la guerre. Ce chiffre montre l’effort considérable qui avait été fait pour renforcer notre défense aérienne et en faire une arme redoutée. Ce développement ne fut réalisable en un temps si court que grâce à l’industrie suisse qui fournit l’équipement et l’armement nécessaire, aux instructeurs qui firent un grand effort dans les écoles de recrues, et aux troupes de DCA qui ne ménagèrent pas leur peine, sans jamais relâcher leur vigilance, même dans les conditions les plus difficiles. Qu’ils en soient tous remerciés ici, car c’est aussi à eux que notre petit pays, à l’époque très isolé, doit d’avoir conservé sa souveraineté et sa liberté en ces temps difficiles.

Résumée en chiffres, l’activité des troupes d’aviation et des troupes DCA au cours des 6 années de guerre offre le bilan suivant :

  • En tout, 188 avions atterrirent en Suisse, soit contraints, soit volontairement, pour échapper à leur poursuivant ou en raison de dommages subis ou de problèmes techniques.
  • Le territoire suisse fit l’objet de 70 bombardements, essentiellement par des avions alliés. La plupart s’expliquent par des erreurs de jugement des pilotes, quelques-uns furent peut-être délibérés.
  • 30 appareils étrangers s’écrasèrent ou tombèrent sur sol suisse.
  • 16 autres furent descendus par nos avions de chasse.
  • 10 autres furent abattus par notre DCA.
  • 105 appareils furent contraints par notre chasse d’atterrir sur sol helvétique et furent internés pour la durée de la guerre.
  • Nos patrouilles de chasse furent engagées 490 fois au cours de la guerre.
  • La DCA tira un total de 24 303 obus de différents calibres et enregistra, à part les 30 avions abattus, un grand nombre de touchés…

Mai – juin 1940 : succès suisse contre les chasseurs nazis

 

Au mois de mai 1940, le Blitzkrieg déclenché par les Allemands contre la France fit rapidement sentir ses effets jusque dans le ciel helvétique. Alors que le 9 mai on n’enregistrait encore qu’une seule violation de frontière, ce nombre passa soudain à 24 le lendemain où un appareil allemand lança des bombes sur Courrendlin (JU), sans doute par méprise vu l’absence de repères frontaliers évidents. Les survols de notre territoire par des avions étrangers, pour la plupart allemands, devinrent dès lors de plus en plus fréquents. Le 16 mai, les violations de notre espace aérien par les Allemands prirent une telle ampleur qu’elles créèrent, de fait, une sorte d’état de guerre pour nos troupes de DCA et d’Aviation qui ne cessèrent dès lors plus d’entrer en action jusqu’à la signature de l’armistice et même au-delà…

Au début juin, le Feldmarschall Goering, irrité que la petite Suisse prétende défendre sa neutralité armée, ordonna, par provocation, à la Luftwaffe de violer délibérément l’espace aérien helvétique pour provoquer des incidents. Il s’ensuivit, au début juin, une série de combats acharnés et meurtriers entre pilotes allemands et suisses au-dessus de la partie nord-ouest du territoire helvétique, limitrophe de la France. Cet épisode, souvent ignoré, mérite d’être relaté.

A cette époque, la petite aviation suisse était déjà sortie de sa léthargie de l’entre deux guerres. Elle avait été fortement développée depuis les premiers jours du conflit et entendait bien se défendre, en combattant farouchement tout intrus, quel qu’il soit. En juin 1940, l’aviation suisse disposait de 90 chasseurs aptes au combat. Parmi ceux-ci figuraient 50 Messerschmitt Me 109 flambants neufs qui avaient été commandés et payés avant le début des hostilités et que les Allemands venaient de nous livrer quelques mois auparavant. Ces chasseurs ultra modernes constituèrent le fer de lance des troupes d’aviation helvétiques durant toute la guerre. C’est ainsi qu’au début juin, plusieurs duels aériens violents opposèrent des Messerschmitt suisses, portant la croix fédérale blanche sur fond rouge, à des Messerschmitt allemands, arborant la croix balkanique noire et blanche, emblème de la Lufwaffe.

Premières violations de frontière et premiers duels aériens

 Le 1er juin, 12 bombardiers allemands Heinkel 111 pénétrèrent délibérément dans l’espace aérien helvétique. Quatre chasseurs suisses décolèrent aussitôt et les interceptèrent au-dessus du Jura helvétique. Lorsqu’ils sommèrent les pilotes allemands d’atterrir immédiatement, ils essuyèrent le feu des appareils nazis. Ils ripostèrent aussitôt, décochant des salves bien ajustées. Deux bombardiers furent abattus, tandis que nos pilotes regagnèrent leur base sans aucune perte.

Il y eut de nouveau des combats le jour suivant, également provoqués par une formation de bombardiers allemands violant notre espace aérien. Un appareil Heinkel 111, gravement endommagé par les chasseurs suisses, fut contraint de « se vomir » sur le ventre à Ursins, près d’Yverdon (VD). Son équipage fut fait prisonnier. On n’enregistra aucune perte côté suisse.

Le 4 juin, nouvelle alerte ! Les combats se déroulèrent au-dessus des Franches Montagnes (JU). Les formations de bombardiers nazis volaient cette fois sous la protection offensive d’avions de combat. Les chasseurs suisses abattirent un bombardier dont les débris tombèrent sur sol français, mais enregistrèrent également la première perte d’un pilote. Il s’agissait du lieutenant Rudolf Rickenbacher dont l’avion fut descendu près de Boécourt (JU), à l’ouest de Delémont.

Berlin menace Berne de représailles

 Ces combats eurent des suites diplomatiques qui envenimèrent gravement la situation. Le gouvernement du Reich intervint officiellement à Berne. A peine 48 heures après le dernier combat, il fit remettre une note diplomatique au Conseil fédéral. Il protestait contre ces « actes d’hostilité », contre ces « procédés sans exemple » de la part d’un pays neutre. L’Allemagne soutenait que des bombardiers allemands avaient été attaqués et abattus par les Suisses au-dessus du territoire français, au mépris de toute légalité. Sauf dans deux cas d’erreur de navigation, disait le gouvernement nazi, aucun avion allemand n’a jusqu’à présent pénétré dans l’espace aérien suisse. La note priait fermement le Conseil fédéral de s’excuser formellement de ces « faits inouïs » et de réparer les dommages causés par les aviateurs suisses. Elle ajoutait, menaçante, que le gouvernement allemand saurait, à l’avenir, empêcher de telles attaques inqualifiables. Par le détour d’un journal hongrois informé par les milieux officiels à Berlin, le gouvernement du Reich fit savoir au monde et au Conseil fédéral qu’il était décidé à agir militairement contre la Suisse si le conflit diplomatique n’était pas réglé en quelques heures…

Le Conseil fédéral réfuta l’exposé des faits  allemand: aucun avion n’avait été attaqué au-dessus du sol français. Quant à la manière dont les combats s’étaient déroulés, il se fondait sur des indications  précises concernant le lieu et le temps. Il regrettait qu’il y eût des pertes en vies humaines, proposa de nommer une commission d’enquête, mais affirma fermement que la Suisse avait le droit et le devoir de protéger par tous les moyens sa souveraineté, y compris dans les airs …

La note suisse fut remise au ministre d’Allemagne à Berne le 8 juin. Ce jour-là, les patrouilles d’alarme helvétiques étaient dans un état de préparation renforcé dès 03h30 du matin, ce qui indique clairement la tension extrême qui prévalait à tous les échelons. La situation était critique et pouvait dégénérer à tout moment. Certains craignaient même que la multiplication de ces accrochages aériens serve de prétexte au Reich pour envahir le pays. Par chance, il n’en fut rien, même si l’idée semble avoir effleuré Hitler.

Goering, fou de rage, ordonne une expédition punitive de la « Légion Condor »

 Le 8 juin, pour la première fois, une centrale de direction des vols fonctionnait en Suisse. Sa mise en service augmenta considérablement l’efficacité de notre aviation de combat car elle permit dès lors de renseigner les formations en vol sur l’évolution de la situation dans les airs. C’est par elle que les escadrilles d’alarme helvétiques apprirent, vers la fin de la matinée, que 6 chasseurs allemands venaient à nouveau d’attaquer et d’abattre un avion suisse d’observation, près d’Alle dans le district de Porrentruy (JU). Il s’agissait d’un vieux modèle non armé, qui patrouillait le long de la frontière. Ses deux membres d’équipage, le premier-lieutenant Gürtler et le lieutenant Meuli, furent tués.

Quelques minutes plus tard, un second message radio annonça que des formations importantes d’avions allemands croisaient au-dessus du Jura suisse.

Ce n’est qu’après la fin de la guerre qu’on apprit pourquoi ces formations avaient pénétré en Suisse. Le commandant en chef de la Luftwaffe, le Reichsmarschall Goering, fulminait à tel point à Berlin de l’impudence des Suisses qu’il avait ordonné personnellement une expédition punitive. Des formations de la tristement célèbre « Légion Condor », équipées de bimoteurs modernes du type Me 110, avaient reçu des ordres formels dans ce sens.

Les patrouilles d’alarme suisses qui étaient déjà en vol reçurent par radio l’ordre de se porter aussitôt au devant des formations allemandes, pour les intercepter ; d’autres décolèrent sur le champ pour les rejoindre. Cette fois, ça allait chauffer…

Messerschmitt suisses contre Messerschmitt allemands

 Un spectacle étrange et inhabituel s’offrit aux pilotes suisses durant leur approche. Le lieutenant Thurnheer vit avec ébahissement toute une série d’avions étrangers. Le commandant Walo Hörning, qui s’approchait par un autre côté avec 8 chasseurs de son escadrille, aperçut de loin « une immense masse confuse d’avions brillant au soleil ».

Thurnheer et Hörning comprirent que les chasseurs allemands ne faisaient pas que traverser l’espace aérien suisse. Ils opéraient dans cet espace, ils l’occupaient !

Les escadrilles allemandes ne volaient pas en formation normale : elles évoluaient en rond par groupe de trois, qui tourbillonnaient à différentes altitudes pour se couvrir les uns les autres, chaque escadrille à quelque 1000 mètres au-dessus de la précédente, formant ainsi une sorte de gigantesque tour dans le ciel jurassien.

C’était une provocation ouverte. Les Suisses n’avaient pas le choix et foncèrent sans hésiter droit sur l’étrange tourbillon. Ils devaient attaquer, bien que les Allemands eussent la supériorité. Leurs Me 110 à deux moteurs étaient en effet plus modernes, plus rapides et plus maniables que les Me 109E des Suisses. En outre les Allemands étaient trois fois plus nombreux : 32 appareils allemands contre 10 Me 109 frappés de la croix blanche fédérale. La « tour » était pareille à une fortification imprenable. Le piège allemand était posé…

Selon les déclarations des pilotes, les combats tournoyants se déroulèrent d’une manière inattendue. Dès qu’un Suisse s’approchait de la « tour », un avion allemand se détachait de son escadrille et plongeait à sa rencontre. Attaqué, l’Allemand acceptait le combat, mais pour quelques instants seulement. Il s’esquivait ensuite inopinément, opérait un virage aigu et faisait mine de prendre la fuite. Le Suisse, qui le talonnait pour lui donner la chasse, le poursuivait alors jusque dans la « tour ». A ce moment, une formation allemande de trois appareils se précipitait sur lui en plongeant d’une altitude supérieure, pour le mitrailler. Le piège était soigneusement élaboré.

A ce petit jeu dangereux, la supériorité des Allemands était écrasante. Les Suisses comprirent très rapidement qu’ils devaient chercher à se libérer, à se débarrasser des chasseurs qui les attaquaient de tous les côtés, à sortir intact et indemne de cette « tour infernale ».

Par chance, les pilotes helvétiques avaient appris à se dérober. Savoir s’esquiver rapidement était leur force. Comme le disait Hörning, ils s’étaient exercés longuement et avec application, à la sueur de leur front, à trouver une parade par une manœuvre verticale. Aussi ne furent-ils guère surpris par la tactique sournoise des Allemands. Ils s’esquivèrent rapidement par le haut ou par le bas, exécutèrent à toute vitesse trois ou quatre loopings, le dernier jusque très bas, en finissant par un demi-tonneau. Si les Allemands cherchaient à suivre les évolutions des Suisses pour les pourchasser, ils s’exposaient automatiquement, dans leurs appareils plus rapides, aux effets presque insupportables de la gravitation, ce qui les contraignit à abandonner presque aussitôt la poursuite, sous peine de perdre conscience ou de s’écraser au sol.

Les Suisses purent dès lors attaquer de nouveau, mais en recherchant toujours le combat singulier. Ce n’est que dans ce duel qu’ils avaient une chance égale de se mesurer à leur adversaire, du fait de la  plus grande souplesse de leurs appareils, plus lents mais plus maniables.

Les Suisses se battent comme des lions…

 Le résultat de ces combats et la ténacité farouche des pilotes helvétiques surprirent aussi bien le commandement suisse que l’Oberkommando der Luftwaffe. Certes, plusieurs appareils suisses furent mis hors de combat et subirent des dommages, mais tous regagnèrent leurs bases. La palme du mérite revient au premier-lieutenant suisse Homberger qui, blessé par deux projectiles aux poumons et par un troisième à la cuisse, réussit à ramener son Me 109 à bon port, grâce à sa volonté de fer et à son excellente condition physique. Son chasseur, criblé d’impacts, portait les traces de 30 obus. Aucun avion suisse ne fut perdu. La Luftwaffe perdit en revanche au moins trois appareils. Et plusieurs avions allemands, mitraillés à bout portant ou abattus en flammes, quittèrent l’espace aérien suisse pour s’enfuir vers la France. Au moins l’un d’entre eux fut considéré avec certitude comme perdu, s’étant abattu au sol. On ignore le sort des autres.

Depuis le début des violations de frontière, le 9 mai, les Allemands avaient déjà perdu 10 chasseurs et bombardiers au-dessus du territoire de la Confédération. La plupart furent descendus par nos patrouilles d’alerte et de chasse mais au moins un fut  abattu par la DCA dans le Jura soleurois. Durant le même laps de temps, malgré les nombreuses sorties effectuées et les engagements aériens incessants, l’aviation suisse ne perdit que 2 appareils, un vieil avion d’observation non armé et un chasseur.

C’était un indéniable succès pour les Suisses et un véritable camouflet pour la Luftwaffe dont les pilotes se targuaient d’être les meilleurs au monde.

Hitler intervient personnellement  et envisage l’invasion de la Suisse

 Le résultat désastreux des combats aériens livrés au-dessus de la Suisse prit une ampleur démesurée en Allemagne et fut ressenti comme une véritable humiliation, notamment par le Reichsmarschall Goering, profondément blessé dans son orgueil.

Hitler, pourtant très occupé par le déroulement de la bataille de France, intervint personnellement. Le Führer ne laissa pas passer 24 heures. Le 9 juin, il convoqua le général commandant le 5e Luftkorps, qui avait participé personnellement aux combats. Il lui ordonna de l’informer en détails sur tout ce qui se passerait dorénavant dans l’espace aérien suisse, et fit savoir à ses plus proches collaborateurs qu’il prenait lui-même l’affaire en main. C’est probablement à partir de ce moment là que l’idée d’envahir la Suisse fut sérieusement envisagée par Hitler. On sait que durant les mois de juin et de juillet 1940, l’OKH fit élaborer à Berlin une série d’études opératives en vue d’une agression armée contre la Suisse, au cas où le Führer se déciderait à intervenir. Ces plans étaient l’œuvre d’un jeune officier d’état major, le capitaine Otto von Menges, qui devait par la suite trouver la mort à Stalingrad. Les choses semblent même être allé si loin que le projet d’invasion reçut un nom de code : ce devait être l’opération « Tannenbaum » (sapin).

Par chance, elle ne fut jamais déclenchée. Hitler, tout occupé à la bataille de France, tourna ensuite son attention contre l’Angleterre, dans l’espoir de voir la Wehrmacht débarquer sur les côtes britanniques (opération « Seelöwe »), puis fut accaparé par la Bataille d’Angleterre et par le « Blitz » aérien sur Londres, qui mobilisèrent l’essentiel des moyens aériens de la Luftwaffe. Pourtant, le maintien de la 12e Armée du général List et de forces allemandes importantes aux confins nord-ouest de la Suisse, comprenant notamment d’importantes troupes blindées (Panzergruppe Guderian) et certaines unités combattantes d’élite (divisions S.S. Totenkopf et Das Reich),  continua à faire peser une menace latente sur notre petit pays durant tout le reste de l’été 1940.  On ignore si cette distribution des troupes avait été prévue en vue d’une future action contre la Suisse, mais c’est possible.  Cette menace ne s’éloigna qu’au printemps 1941, lorsque ces unités furent dirigées vers l’est pour procéder à l’invasion des Balkans et de la Grèce, puis à l’invasion de l’Union soviétique, le 22 juin 1941 (opération Barbarossa)…

 

A 62 Extérieurs de l’ouvrage – vallée du Trient

Depuis le fortin A62, la vue est splendide sur le glacier du Trient et le glacier des Grands. Par la même occasion, les photos vous préciseront les emplacements des dives buts concernés par le tir de la mitrailleuse du A62

Ballons et tours d’observation Ière guerre mondiale

C’est assez exceptionnel de trouver ces photos d’un matériel qui a depuis longtemps disparus. Le musée de l’armée à Berthoud possède encore la plupart de ces engins

Artillerie IIème guerre mondiale

Quelques photos de cette époque ou les chevaux étaient encore indispensable même en montagne.

Aquarelles guerre 1914 – 1918

Ces aquarelles donnent une très bonne image des uniformes et armes de cette première guerre mondiale.

Troupes alpines IIème guerre mondiale

Ces documents témoignent de l’engagement important de ces troupes lors de la IIème guerre mondiale et de la vie extrêmement difficile de ces hommes et des dangers qu’ils doivent surmonter chaque jour.

Armes antichars de la IIème guerre mondiale

Quelques photos noir et blanc de l’arquebuse et du canon ach 4,7 cm.

A70 – Poste d’observation du Nid d’Aigle – Champex

Secteur: Ligne d’arrêt d’Orsières

 

Situation: Champex

Altitude: 1600 m

Type: souterrain

Construction: sous roc

Catégorie: ouvrage d’infanterie

Affectation: fortin sous rocher /  poste d’observation d’altitude

Effectif: environ 10  hommes

Mission: surveillance générale du secteur d’engagement, en particulier de la cuvette d’Orsières (ligne d’arrêt) et du débouché des 2 axes de pénétration potentiels

Armement: fusil-mitrailleur et armes individuelles

Embrasures: 6 embrasures avec volet métallique à contrepoids

Défense: 1 tube lance grenades (porte d’entrée)

Infrastructures: réseau de galeries souterraines sur deux niveaux, reliés par un puits de 10 mètres et sortie de secours

Camouflage

Particularité: positions extérieures de défense rapprochée échelonnées sur l’arête. L’ouvrage est alimenté en énergie électrique et relié par une ligne téléphonique à l’ouvrage d’artillerie A46

Etat actuel: vidé et déséquipé après déclassement.