Les pistolets-mitrailleurs en Suisse

La Suisse a été l’un des premiers pays européens à fabriquer des pistolets-mitrailleurs et à en exporter : dès 1920, la SIG (Schweizerische Industrie-Gesellschaft) sortait un modèle qui ressemblait à s’y méprendre au Bergmann MP 18/11, avec cette différence qu’il était produit en 7,65 Para et en 7,63 Mauser. Par la suite, on fabriqua (en différents calibres) dans ce même pays, le Solothurn S-100 qui fut vendu un peu partout à travers le monde, de l’Amérique du Sud à l’Extrême-Orient et que la firme autrichienne Steyr devait aussi produire par la suite. C’est encore en Suisse que furent construits, dès le début des années 30, les premiers pistolets-mitrailleurs dont le chargeur basculait le long du canon pour rendre l’arme moins encombrante pendant le transport.

Il fallut pourtant attendre que le 2ème conflit mondial soit bien engagé pour que les forces armées helvétiques commencent à envisager l’acquisition de ce genre d’arme…qui n’est déjà plus en service depuis de nombreuses années. Et l’ironie du sort à d’ailleurs voulu que le choix du haut-commandement se porte sur un modèle de conception – et partiellement de construction – étrangère !

Les premiers PM produits en Suisse étaient de conception allemande et auraient certainement été construits dans leur pays d’origine sans les restrictions imposées par le traité de Versailles si bien que les Rheinmetall et autres Bergmann devinrent des Solothurn ou des SIG. Mais, très vite, on se mit à faire des recherches et des études en vue de produire une arme « indigène ». Un des premiers résultats viables fut le MKMO qui fut le premier PM dont l’on pût rabattre le chargeur. L’ingéniosité du mécanisme était bien dans la lignée des constructions helvétiques : il était irréprochable et d’une grande fiabilité mais compliqué et coûteux à fabriquer. Sa longueur et son poids (1,025 m et 4,7 kg chargé) étaient respectables et n’avaient rien à envier à une Thompson. On sortit un modèle plus court (0,82 m) et plus léger (4,3 kg). Après ces productions datant de 1935 à 1937, on produisit le MKMS et le MKPS. L’armée suisse se fit livrer…60 exemplaires de cette dernière arme. Vint ensuite un autre descendant du MKMO, le MP 41 qui était à la fois plus court et plus lourd : 0,8 m et 5 kg. Ce PM sortit au moment ou l’armée suisse cherchait à s’équiper en matériel de ce genre ne fut pas adopté (elle s’en fit livrer 50 exemplaires) pas plus qu’un prototype plus rustique ou que le MP 44 pourvu d’un sélecteur de tir. On pourrait penser que ce furent leurs poids et leur coût de fabrication qui les avaient empêchés de trouver preneur. Les techniciens de la SIG travaillèrent en tout cas dans ce sens. Le MP 48 qui suivit avait une silhouette qui différait sensiblement de ses prédécesseurs avec sa crosse coulissante inspirée de celle de M3 américain et la disparition du fût. En outre, on avait cherché à le fabriquer à meilleur compte Mais pas plus que le MP-310 qui suivit une dizaine d’années plus tard (SIG avait cessé de désigner ses modèles par un millésime), il ne fut un grand succès commercial Tout au plus réussit-on à en « placer » quelques-uns au Chili, en Ethiopie, en Bolivie, etc. ainsi qu’auprès de quelques services de police suisses. Il est probable que la SIG ne mettre plus de PM en fabrication.

En effet, l’armée suisse s’est débarrassée de toutes ses « mitraillettes » et d’ailleurs elle s’était contentée des modèles acquis pendant la dernière guerre ou le fait d’être neutre n’empêchait pas de prévoir le pire. Au départ, on l’a vu, le PM 41 de SIG était sur les rangs. Il n’était pas seul : en mai 1940, la KTA (Kriegstechnische Abteilung : section technique de la guerre) avait fait l’acquisition de quelques 300 PM représentant cinq types différents et plusieurs calibres. On parvint bientôt à la conclusion que la munition à adopter devrait être celle de 9 mm Para. Des essais se poursuivirent jusqu’en mai 1941 avec, entre autres, des modèles allemands (MP 38 ou Erma). Parallèlement, il y avait SIG mais aussi la Waffenfarik (arsenal d’Etat) de Berne qui s’efforçaient chacune d’achever la mise au point de leur modèle. La KTA opta finalement, sans qu’il y ait eu, semble-t-il, des essais très poussés pour le modèle de W+F. Ce dernier avait été conçu par le colonel Adolf Fürrer auquel l’armée suisse devait déjà son fusil-mitrailleur modèle 25 et on peut penser que ce fait joua un certain rôle dans la décision qui fut prise en décembre 1940 d’adopter cette arme appelée d’abord MP 41, puis, après quelques modifications, de détail, MP 41/44. Il semble que cette arme ait aussi porté parfois –ou pendant un certain laps de temps – l’appellation de Leichtes Maschinengewehr Pistole (Lmg Pistole soit Pistolet-mitrailleur léger !). Les textes officiels de langue française lui donnent, en tout cas, le nom de pistolet-mitrailleur, l’autre arme réglementaire du même type (que l’on verra plus tard) étant appelée « mitraillette ».

Mais Lmg Pistole, MP 41-44 ou pistolet-mitrailleur, il s’agissait d’un engin muni de deux poignées avec un chargeur latéral (du côté droit). Son mécanisme était celui du fusil-mitrailleur Fürrer et par conséquent du Lüger avec une genouillère se déplaçant horizontalement. C’était un nouveau chef –d’œuvre de complication et il n’en sortit pas plus de 9800 des ateliers de W + F.

En effet, le temps pressait et la KTA ne désespérait pas de pouvoir en gagner en acquérant des PM plutôt que de les faire fabriquer. Mais en temps de guerre, l’entreprise apparaissait comme plutôt ardue. L’occasion se présenta pourtant sous la forme d’une offre finlandaise en octobre 1942. Comme le temps pressait, l’affaire fut rondement menée et les premières armes livrées, des Suomi dont la conception remontait à 1931, arrivèrent en Suisse en décembre 1942 alors que les premiers PM de fabrication locale ne devaient être livrés qu’un mois plus tard. En même temps Hispano-Suiza s’était porté acquéreur de la licence tant et si bien qu’il y eut 5200 PM Suomi d’origine finlandaise livrés jusqu’en 1945 (dont la plus grande partie en 1943) et 22 000 construits sur place jusqu’en 1951. L’arme, plus rustique et d’un maniement plus commode, devait rester en service jusqu’au retrait total des « mitraillettes » de l’armement helvétique et il arrive encore d’en voir au hasard de barrages routiers entre les mains de policiers ou de gendarmes dans certains cantons.

Du « matériel de corps »

 Dès l’introduction du fusil d’assaut (modèle 57) on avait pensé retirer les mitraillettes de service ; cette opération ne commença qu’en 1970 et ne s’est achevée qu’en 1977. D’après une lettre du Département militaire fédéral, les seuls corps de troupe disposant encore de PM seraient « les grenadiers-parachutistes et la gendarmerie d’armée.

Connaissant la méthode helvétique de confier leur armement à la garde des réservistes à leur propre domicile, le lecteur français ou belge doit se demander ce qu’il en était dans le cas des « mitraillettes ». Eh bien non ! nos voisins helvétiques n’en ont jamais accroché dans leur penderie. Ces armes étaient en effet considérées comme du « matériel de corps » et elles étaient par conséquent entreposées dans les magasins des unités. Quant à leur destination « il s’agissait d’une arme engagée essentiellement dans des conditions de combat particulières telles que le combat de localité, le combat en forêt et le combat rapproché dans les tranchées. De par sa distance d’engagement, 200 mètres, elle se situait entre le mousqueton et la mitrailleuse légère. Par conséquent, le pistolet-mitrailleur n’était pas une arme engagée de manière indépendante, mais permettait dans un dispositif, de combler la lacune existant entre des deux armes. Chaque groupe était équipé de deux pistolets-mitrailleurs. Lors des déplacements, ces armes étaient portées par des éclaireurs marchant en tête de la formation ». C’est en ces termes qu’une lettre de l’état-major général de l’armée suisse décrivait le rôle que pouvaient jouer les pistolets-mitrailleurs au sein des unités.

La production de pistolets-mitrailleurs en Suisse ne se limita pas aux modèles que nous venons d’évoquer. En effet, une dizaine de modèles au total furent proposés dans le « commerce » et une bonne douzaine d’autres ne dépassèrent pas le stade du prototype (ce fut le cas de l’Armco). La plus célèbre de ces armes que l’on essaya sans succès de vendre est une arme de 9 mm Para, le Rexim Favor, conçu par un officier supérieur suisse et qui avait entre autres particularités celles de tirer à culasse fermée, de pouvoir lancer une grenade et d’être équipée à demeure d’une baïonnette très inspirée de celle du MAS 36. Lancée par une firme genevoise, la fabrication de cette arme fut reprise par l’arsenal espagnol de La Corogne mais quelques milliers d’exemplaires seulement furent produits.

 

Ch. Baschung  1981

À propos Moret Jean-Charles

Fondateur de l'Association Pro Forteresse Co-fondateur de l'Association Fort Litroz