Positions d’infanterie de Mauvoisin

Contrairement au Val d’Entremont (axe du Grand-Saint-Bernard) et au Val Ferret suisse, la vallée de Bagnes ne compte que très peu de fortifications de la seconde guerre mondiale. Cela tient au fait que cette vallée se prête bien à la défense et qu’elle est extrêmement facile à tenir avec peu d’effectif en raison de sa morphologie et de l’absence de passage aisé communiquant avec l’Italie. La moitié supérieure de la vallée n’est pas habitée en amont de Lourtier (actuellement en amont de Fionnay). Le haut Val de Bagnes, étroit et profondément encaissée entre des versants rocheux très abrupts, n’est qu’un long ravin sauvage de 22 kilomètres de longueur, taillé par la glace et les eaux de la Dranse dans les Alpes valaisannes. Il est bordé des deux côtés par de hauts massifs  englacés : à l’ouest, le puissant massif des Combins dominé par le colosse du Grand-Combin (4317 m d’altitude) d’où s’écoule le glacier de Corbassière (10 km de longueur à l’époque) ; à l’est la chaîne de sommets qui s’égrainent du Mont-Fort (3303 m) jusqu’au Pigne d’Arolla (3796 m), avec notamment La Rosablanche (3336 m), la Ruinette (3875 m), la Serpentine (3795 m) et le Mont-Blanc-de-Cheillon (3869 m), bien connus des alpinistes qui font la « Haute Route ». Le fond de la vallée, qui oblique à angle droit vers l’est à partir de Chanrion, est entièrement occupé par l’impressionnant fleuve de glace d’Ottemma qui remonte sur 7 km de longueur jusque derrière Arolla. Quant à la frontière avec l’Italie (Val d’Aoste), elle est verrouillée par la chaîne qui s’étend du Mont-Gelé (3518 m) au Mont-Collon (3663 m) et qui constitue une formidable barrière naturelle.

Autant dire que le haut Val de Bagnes constitue un terrain difficile qui n’offre aucune possibilité de débordement : il canalise un éventuel agresseur qui est contraint de suivre le cours de la Dranse sur près de 17 kilomètres, sans possibilité de déployer ses moyens ou d’effectuer des rocades, obligé qu’il est de cheminer en colonne au fond de la vallée. En 1940, le secteur est d’autant plus facile à tenir qu’il n’existe encore aucune route carrossable remontant la vallée, tout au plus un sentier muletier. De plus, le seul point de franchissement possible de la crête frontière entre le Grand-Combin et le Mont-Collon est la Fenêtre de Durand (appelée aussi Fenêtre de Bagnes ou Col de Fenêtre) qui, malgré son altitude élevée (2800 m), ne présente aucune difficulté majeure. Cet itinéraire muletier, déjà utilisé au Moyen Age, débouche directement dans la cuvette de Chanrion, au pied de la face nord du Mont-Gelé.

Fort de ce constat, l’Etat-major de la Brigade montagne 10 a estimé en 1940 qu’il n’était pas nécessaire d’établir de solides fortifications sous roc ni des ouvrages permanents dans la vallée. De simples effectifs d’infanterie s’appuyant sur les points forts du relief suffisaient à verrouiller le Haut Val de Bagnes. La défense du secteur fut confiée à la compagnie frontière IV/205 (Cp. fr. IV/205) qui creusa des fortifications de campagne à Chanrion et Mauvoisin pour renforcer ses positions. Celles du plateau de Chanrion, située en contrebas de la cabane du C.A.S., servaient à surveiller le débouché de la Fenêtre de Durand et la crête frontière. Elles servaient d’avant-poste et de sonnettes, ainsi que de point d’appui pour les détachements alpins chargés de patrouiller sans relâche la crête frontière entre le Mont-Vélan et le Haut Glacier d’Arolla.

Au niveau de Mauvoisin, la troupe creusa des positions et des retranchements sur les deux versant de la vallée pour constituer une solide position de barrage. Celle-ci s’appuyait sur le verrou glaciaire de Mauvoisin, particulièrement encaissé et resserré, qui constituait un passage obligé et un endroit idéal pour bloquer une colonne d’infanterie cherchant à percer vers l’aval. Ce verrou était d’autant plus difficile à forcer qu’il impliquait obligatoirement de traverser le petit pont de pierre qui enjambe la gorge depuis 1818, ouvrage facile à détruire pour couper l’unique voie de circulation vers le bas de la vallée.

Quelques positions furent installées en hauteur sur la rive droite, sous les pentes du Mont-Pleureur. Les positions les plus conséquentes furent creusées sur les hauteurs de rive gauche, au niveau des pentes herbeuses de la Pierre à Vire où l’on distingue encore nettement dans le paysage les traces de ces fortifications de campagne. Il s’agissait d’aménagements très sommaires, destinés à servir de point d’appui à l’infanterie. On y remarque notamment une longue tranchée qui barre le versant face au fond de la vallée, ainsi qu’une série de petites positions renforcées par quelques pierres, destinées manifestement à abriter des nids de mitrailleuses ou un lance-mine. L’aménagement le plus intéressant est situé à contre-pente et taluté dans une butte herbeuse bloquée par un long mur de soutènement en pierre sèche dans lequel on distingue encore clairement des niches. Il s’agit vraisemblablement d’un abri sommaire pour la troupe, qui devait être couvert par des toiles de tente ou des planches recouvertes de mottes d’herbe car on y trouve encore des restes de bois. Une tranchée d’accès perpendiculaire conduit à cet abri. La série de clichés présentés ci-dessous ont été pris à l’automne 2011 et permettent de se faire une idée d’ensemble de ces fortifications de Pierre à Vire, au-dessus de Mauvoisin.

 

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