L’ETRANGE SECRET DU U-864 – Allemagne

Envoyé en mission secrète par Hitler…

 Le 5 décembre 1944, un U-Boot allemand de type IX appareillait discrètement de la base navale de Kiel pour un étrange voyage de plus de 10 000 km qui devait le conduire jusqu’au Japon. Il s’agissait de l’ U-864, expédié en mission ultra-secrète par la Kriegsmarine pour tenter de prolonger la guerre… Sa mission relevait de la plus haute importance pour la survie du Reich et du régime nazi. Elle avait été décidée par Hitler lui-même qui avait donné son aval depuis le bunker souterrain de la Chancellerie du Reich, à Berlin.

L’ U-864 n’atteignit jamais sa destination ! Le 9 février 1945, il disparut corps et bien au large de la côte norvégienne, torpillé à bout portant par un submersible anglais posté en embuscade, le HMS « Venturer ».

Il aura finalement fallut attendre 60 ans pour retrouver et localiser son épave. Elle a été repérée en octobre 2003, après la découverte par un pêcheur d’une pièce de U-Boot dans ses filets . Elle gît par 152 m de fond sous les eaux glacées de la mer du Nord, à 3,5 km de l’îlot norvégienne de Fedje, au nord de l’embouchure du fjord de Bergen où l’ U-864 avait relâché la veille de son naufrage.

Soixante ans après le drame, les photos sous-marines de la carcasse engloutie du submersible témoignent toujours de la brutalité de l’affrontement et de la fin particulièrement tragique de l’U-864 : sous la violence de l’explosion, la coque de 1400 tonnes, mesurant 87 mètres de long, a littéralement été coupée en deux par la torpille qui l’a frappée de plein fouet. Les deux tronçons déchiquetés gisent épars, à 40 mètres l’un de l’autre, comme arrachés par une main géante qui aurait broyé le submersible fantôme…

 

Un sarcophage de béton de 12 mètres

 Les autorités norvégiennes projettent aujourd’hui de recouvrir l’épave de plusieurs dizaines de tonnes de sable et d’ensevelir le tout sous un sarcophage de béton de 12 mètres d’épaisseur. Ce sarcophage serait semblable à celui que les Russes ont coulé en 1986 autour du cœur en fusion de la centrale nucléaire de Tchernobyl pour stopper le rayonnement radioactif. Les travaux pourraient commencer dans le courant 2007 ou 2008. Ils nécessiteront une infrastructure très lourde et l’engagement de plusieurs engins sous-marins. Le coût de l’opération est estimé par les spécialistes à 350 millions de couronnes norvégiennes, soit près de 55 millions d’euros.

 

Une étrange cargaison menace la Norvège

De quel terrible danger mortel les Norvégiens cherchent-ils ainsi à se protéger ? Pourquoi une mesure si étrange et un tel affolement autour d’une vieille épave rouillée? Tout simplement parce que le sous-marin nazi abrite un mystérieux secret qui menace aujourd’hui directement la sécurité de la Norvège et que renflouer la carcasse de l’ U-864 risquerait de provoquer une formidable explosion. En effet, bien que coupée en deux, l’épave contient toujours son armement ainsi que le stock complet de torpilles qui était à bord  le 9 février 1945, lorsque le sous-marin allemand a été coulé. Une opération de renflouage classique risquerait de le faire sauter à tout moment. Or les flancs déchiquetés de l’ U-864 renferment une mystérieuse et très dangereuse cargaison, demeurée secrète durant 60 ans, mais qui commence depuis 2003 à suinter de l’épave, contaminant peu à peu les eaux côtières de la Norvège et la faune marine.  Le danger est tel qu’un périmètre de sécurité à été décrété autour du sous-marin fantôme et que la pêche et la baignade ont été formellement interdites dans ce secteur côtier…

 

Le mystérieux secret de l’U-864 : l’opération « Cäsar »

 En 1945, le U-864 fut en effet chargé par Hitler d’accomplir une mission ultra-secrète : l’opération « Cäsar », du nom d’un célèbre général romain. Le U-Boot avait reçu l’ordre de forcer à tous prix le blocus maritime des flottes alliées pour acheminer vers le Japon sa précieuse cargaison : il transportait en effet non seulement des parties essentielles du chasseur à réaction Messerschmitt Me-262 et de l’intercepteur fusée Me-163, mais aussi les plans détaillés de ces deux appareils révolutionnaires, ainsi que des moteurs à réaction et des moteurs fusées mis au point par les Allemands à Peenemünde. A bords se trouvaient également des scientifiques nazis et japonais… Selon certaines archives américaines, le U-Boot pourrait également avoir transporté des lingots d’or que les Nazis auraient cherché à mettre en lieu sur en prévision de l’après-guerre, notamment pour permettre la fuite et la disparition des criminels nazis par les soins des organisations clandestines Odessa et Der Spinne…

Mais les flancs du U-Boot renfermaient surtout une cargaison beaucoup plus dangereuse : 1857 bouteilles métalliques contenant pas moins de 65 tonnes de mercure, stockées dans les cales ! Ce mercure était destiné à la fabrication d’armements de dernier cri, censés permettre à l’aviation japonaise de reconquérir la maîtrise des airs, notamment par l’action massive de kamikazes armés d’avions suicides à moteurs fusées (« Okha »), qui auraient harcelé et détruits les porte-avions et les grosses unités de la flotte du Pacifique. Les Etats-Unis auraient alors été contraints de dégarnir le front européen pour renforcer leurs forces dans le Pacifique, allégeant ainsi la pression qui s’exerçait sur la Wehrmacht en déroute. Cela aurait permis au Reich de souffler et de gagner du temps…C’est du moins ce que croyait le Führer qui plaçait ses derniers espoirs d’une part dans les Vergeltungswaffen (les armes de représailles), d’autre part dans ce transfert de technologie vers l’allié nippon…

La route prévue du submersible devait l’emmener de la Baltique en mer du Nord, pour contourner les îles britanniques puis l’Afrique par le cap de bonne Espérance: le voyage jusqu’à Penang devait prendre plusieurs mois. L’équipage était particulièrement confiant, car l’U-864 n’avait jamais connu d’avaries…

 

Le mauvais sort s’acharne sur l’ U-864

 Les marins avaient torts car cette fois la courte croisière du U-864 fut marquée par une série d’incidents qui scellèrent le destin tragique du navire et de son équipage. A croire que le mauvais sort avait décidé de s’acharner sur le malheureux U-Boot et d’empêcher sa mission !

A peine le submersible avait-il quitté le Schleswig-Holstein par le canal de Kiel qu’il s’échoua sur un banc de sable. Cela le contraignit à interrompre sa mission et à se dérouter d’urgence sur Bergen pour procéder à des réparations de fortune au parc à U-Boot « Bruno ». C’est alors que la mission « Cäsar » fut découverte par les spécialistes du décodage britannique de Bletchey Park qui avaient percés les codes de la machine allemande Enigma, et qui réussirent à capter certains messages envoyés par le sous-marins en détresse…

L’opération secrète ayant été décryptée par les alliés et les réparations tardant, un raid fut mené le 12 janvier 1945 par la Royal Air Force : 32 Lancasters britanniques équipés de bombes Tallboy ainsi qu’un bombardier Mosquito pilonnèrent le bunker « Bruno » dans l’espoir de couler le U-Boot à quai. Celui-ci ne fut pas touché gravement mais cela retarda considérablement les travaux de réparation.

 

Le U-864 s’échappe…

Le 8 février, les réparations étant enfin achevées, l’U-864 put enfin appareiller et reprendre sa route. Pour échapper aux Britanniques et à toute détection aérienne, il se faufila en plongée dans le chapelet d’îles du Hordaland, utilisant le chenal naturel situé entre les îles Sotra et Askøy et se terminant par la petite ile de Fedje. En désespoir de cause, les Britanniques envoyèrent d’urgence au large de Bergen le sous-marin HMS « Venturer », basé à Lerwick (Shetland), avec ordre de retrouver le submersible nazi et de l’intercepter.  C’était la onzième mission du « Venturer », commandé par le Lieutenant James “Jimmy” S. Launders, une jeune officier de 25 ans. Les chances de Launders étaient en réalité très faibles car le car le sous-marin nazi avait déjà quitté Bergen et dépassé l’île de Fedje le 6 février…En fait, les Britanniques avaient virtuellement perdu la partie et toute chance de rattraper le sous-marin en fuite…Quant à le retrouver dans le vaste océan, il ne fallait guère y compter…

C’est alors que le mauvais sort s’acharna à nouveau sur le submersible nazi. Le 8 février, une grave avarie au moteur tribord força l’U-864 à rebrousser chemin, après avoir prévenu de son retour au bunker « Bruno ». Les autorités allemandes de la base de Bergen signalèrent aussitôt qu’une escorte serait mise à disposition le 10 février près du phare d’Hellisøy, au sud de Fedje, pour l’accompagner jusqu’au port… Mais le sort du submersible et de l’équipage était déjà scellé : rendu inhabituellement bruyant par son avarie moteur, il faisait un bruit d’enfer et fut rapidement  repéré par le HMS « Venturer »…

 

La fin tragique du U-864…

 Le 9 février 1945, peu après 9 heures du matin, les hydrophones du « Venturer » embusqué près de l’île de Fedje, détectèrent un fort bruit des machines d’un U-Boot en approche. La chasse au U-864 était lancée ! Le commandant Launders avait sciemment décidé de ne pas utiliser l’ASDIC pour ne pas trahir sa propre position. Plus tard, il remarqua le périscope de l’U-864 qui ne se savait pas encore traqué. Commença alors une attente inhabituelle dans ce genre d’affrontement, car l’équipage anglais attendit 45 minutes que le sous marin adverse fasse surface pour le torpiller. Détectant alors la présence du Venturer, l’U-864 se dirigea alors vers Bergen sans attendre son escorte, en zigzaguant et en se risquant à sortir régulièrement son périscope. Avec ses 22 torpilles, il pouvait aisément prendre le dessus sur les quatre torpilles du sous-marin anglais. Launders passa ainsi trois longues heures à traquer le submersible nazi qui ne cessait de louvoyer et de changer de direction pour tenter de leurrer son poursuivant tout en l’empêchant de l’encadrer.

En désespoir de cause, sentant sa proie sur le point de lui échapper, Launders décida de tenter son va-tout et de lancer coup sur coup ses 4 uniques torpilles sur l’adversaire. C’était risqué mais il n’avait pas d’autre choix. Si la manœuvre ratait, cela le laisserait totalement sans défense face au U-Boot. Celui-ci aurait alors tout loisir de le torpiller ou de lui échapper impunément pour disparaître dans les profondeurs de l’océan… En se basant sur les mouvements précédents du sous-marin, Launders calcula du mieux possible la trajectoire du U-864 et essaya de deviner son prochain changement de cap. Puis, anticipant sur le mouvement supposé de l’ennemi, il tira sa gerbe de 4 torpilles…

La première fut lancée à 12h12. Les trois autres suivirent à intervalles de 17 secondes chacune, alors même que le HMS « Venturer » effectuait une brusque plongée d’urgence pour esquiver une éventuelle riposte du U-Boot. Dans le carré, tout le monde retint sa respiration et se mit anxieusement à l’écoute… La tension était à son comble ! Trente secondes s’écoulèrent…puis une minute… puis une minute et demi… Rien ! Rien que le silence lourd et pesant des fonds marins.

Les projectiles mirent en effet plus de 2 minutes pour parcourir la distance séparant les 2 submersibles et le temps parut un long moment suspendu. Détectant la première torpille, l’U-864 plongea pour l’éviter et se mit lui même sur la trajectoire de la quatrième après avoir évité les deux autres. A 12h14, l’équipage du « Venturer » perçut une violente explosion sous-marine, suivie immédiatement par le grincement sinistre d’une coque qui implosait, broyée par la formidable pression au fur et à mesure qu’elle s’enfonçait dans les profondeurs. L’un des marins du bord compara ce bruit horrible au son produit par une boite d’allumette que l’on écrase. La quatrième torpille venait de percuter de plein fouet le flanc du sous-marin nazi, brisant en deux sa coque au niveau du kiosque. Ce fut la seule fois au cours de la seconde guerre mondiale où un sous-marin en coula un autre quand les deux étaient en plongée. Après la guerre le HMS « Venturer » fut offert à la marine Norvégienne et renommé KNM Utstein [3].

 

Un fantôme surgi du passé…

Soixante ans plus tard, la carcasse disloquée et broyée du U-864 gît toujours par 152 m de fond, sur le fond vaseux, tel un lointain fantôme surgi des brumes du passé. Les relevés sonars de sa sinistre silhouette montrent que la partie arrière du submersible s’est littéralement plantée dans le fond vaseux. On distingue clairement la poupe dressée, suspendue à plusieurs mètres au-dessus de la vase (voir galerie de photos). Le gouvernail et les barres de plongées sont restés bloqués en position extrême, celle d’une ultime plongée d’urgence. Visiblement, le commandant du U-864 a tenté une dernière manœuvre désespérée pour échapper à la torpille qui fonçait sur lui. En vain… Le pont désossé, rongé par la rouille, est à moitié dévoré par la végétation marine qui a peu à peu colonisé l’épave. Quelque part dans ce cercueil d’acier tordu gît la dépouille du Seekapitän Wolfram et, avec lui, les os des 73 membres de l’équipage engloutis dans le naufrage. La carcasse renferme également les cadavres des scientifiques nazis et japonais qui accompagnaient la snistre cargaison.

 

Une opération à très haut risque…

Le seul témoin de l’époque était un jeune de Fedje, Kristoffer Karlsson, alors âgé de douze ans. Si le Venturer rentra sans encombre à Lerwick, l’identité du sous-marin coulé était incertaine. L’épave tomba dans l’oubli mais début 2003 un pêcheur de Fedje ramena dans ses filets une pièce mécanique qui ne laissait aucun doute sur son origine: un sous marin allemand. Très vite on pensa que cette épave pouvait être l’U-864, et on s’inquiéta du fait que si c’était bien celle-ci, alors elle était peut être une véritable bombe à retardement en raison de son chargement de mercure.

L’épave fut localisée par le KNM Tyr au printemps 2003[]. Les premières images de la carcasse, lors de l’exploration menée par le navire Geobay, montrèrent un sous marin coupé en deux parties séparées de 40 mètres, avec les volets en position de plongée d’urgence.

Les cylindres de mercure sont rouillés et certains fuient. La seule bouteille qui a pu être remontée a perdu jusqu’a 4mm d’épaisseur sur les 5mm d’origine. Plusieurs kilos de mercure se sont déjà répandus dans la mer depuis une vingtaine d’années (4 kilos estimés pour 2006), des traces matérielles ayant été découvertes jusqu’à 300 mètres de l’épave. Le taux de mercure dans la faune avoisinante est supérieur à ceux autorisés et le problème va en s’aggravant

Le projet d’enlever l’épave a vite été abandonné en raison du risque de briser et répandre toute sa cargaison, et de celui de faire exploser les nombreuses torpilles se trouvant encore à bord. Après trois ans d’études du problème et 6.5 millions de dollars dépensés, le gouvernement norvégien a décidé de construire un sarcophage de 100 000 mètres cube de sable et de 12 mètres d’épaisseur de béton pour isoler le sous marin sur une surface de 150 mètres de diamètre, comme cela a été fait à Tchernobyl et dans plusieurs endroits dans le monde.

En 2006, sous l’impulsion de la NCA (Norwegian Coastal Administration, Kystverket) la zone fut cartographiée et de nouvelles analyses de la coque et de la faune ont eu lieu, pour un coût estimé à 31 millions de couronnes. En 2007 certaines zones polluées autour de l’épave ont été nettoyées et scellées, en attendant les opération finales, toujours en cours de discussion, qui pourraient commencer à l’été 2007[]. Cependant, en mars de la même année, il a été découvert qu’une partie centrale de l’épave n’a pas été retrouvée et qu’elle est probablement distante des deux autres morceaux, avec une partie de la cargaison de mercure. Certains pensent qu’elle a été volatilisée par l’explosion, tandis que d’autres avancent que les torpilles n’étaient pas assez puissantes pour faire autant de dégâts.

Visiblement, l’opération risque d’être longue et délicate…

 

À propos Moret Jean-Charles

Fondateur de l'Association Pro Forteresse Co-fondateur de l'Association Fort Litroz