Le Sturmgewehr StG-44 « VAMPIR »

L’idée d’équiper certains fantassins d’élite de la Waffen SS d’un système de visée nocturne infrarouge semble avoir germé dans l’esprit des Allemands dès 1943. La première mention officielle d’un tel système est une lettre du 6 mai 1943, envoyée par la section Organisation de l’état-major de la Heer au Chef de l’équipement de l’armée de terre : elle précise qu’un tel système est en cours de développement pour équiper le pistolet-mitrailleur MP-43.

Dans les faits, il apparaît que c’est seulement en juin 1944 que le programme est véritablement lancé sous la désignation de Bildwandler-Zielgerät « Vampir », pour équiper le tout nouveau fusil-d’assaut Sturmgewehr-44.

Ce système, absolument révolutionnaire à l’époque, confère aux combattants qui en sont équipés la possibilité de combattre la nuit sans être eux-mêmes détectés, grâce à un rayon infrarouge qui permet d’illuminer le terrain comme en plein jour et donc de visualiser des cibles potentielles dans l’obscurité. Le système étant alimenté par batterie, il est indépendant des conditions ambiantes (à l’inverse des amplificateurs de lumière) et fonctionne aussi bien dans l’obscurité la plus complète d’une nuit sans lune que dans une cave. Les Panzergrenadier ont ainsi la possibilité de visualiser le champ de bataille, de détecter les mouvements de l’ennemi et de l’engager « comme en plein jour », tout en demeurant eux-mêmes parfaitement invisibles dans l’obscurité. L’infrarouge n’étant pas perceptible par l’œil humain, le rayonnement émis ne produit aucune lumière visible et ne peut donc être détecté par la cible qui ne possède pas l’équipement adéquat. Il constitue l’arme furtive idéale pour des opérations nocturnes destinée à surprendre l’adversaire. Les Allemands vont saisir très vite les avantages qu’ils peuvent tirer de cette « lumière noire ».

Le développement du « Vampir » n’est pas un hasard. L’arme est en effet destinée à équiper les unités d’accompagnement S.S. censées opérer en soutien des nouveaux engins de combats à vision nocturne infrarouge que le Reich s’apprête à lancer dans la bataille, comme le char de combat Nachtkampfpanther Ausf. G « Sperber » (épervier), le Sdkfz. 251/1 « Falke » (faucon) et le Sdkfz. 251 /20 « Uhu » (hibou).

En conséquence, en 1944, ordre est donné d’équiper un millier de nouveaux fusils d’assaut Sturmgewehr-44 d’un rail soudé par points sur le côté droit du boîtier de culasse. Cette transformation, effectuée à l’usine Haenel de Suhl, permet d’installer sur l’arme le système d’illumination Bildwandler-Zielgerät « Vampir ». Ce dispositif n’est rien moins qu’une version miniaturisée du « Sperber », le système de vision nocturne infrarouge développé pour le Nachtkampfpanther et les véhicules d’accompagnement, dont la taille a évidemment été considérablement réduite pour pouvoir le fixer sur le nouveau fusil-d’assaut StG-44.

Le « Vampir »

Pesant 2,25 kg, le système de visée nocturne « Vampir » est constitué de deux éléments montés sur le rail ; la partie inférieure comprend une lunette de visée nocturne BIWA ZG 1229 sensible à la lumière infrarouge, constituée par un lampe diode Typ 128 de focale 750 mm et d’un champ de vision de 2°. Au-dessus de la lunette est fixé un projecteur infrarouge miniaturisé de 10 cm de diamètre et d’une puissance de 36 watts, composé d’une lampe tungstène éclairant à travers un filtre laissant seulement passer le rayonnement infrarouge.  Celui-ci illumine la cible et est capté en retour par la lunette réceptrice.

Les batteries d’alimentation et les autres accessoires du système « Vampir » sont placés dans un sac qui est fixé sur le dos du fantassin grâce aux deux bretelles de suspension du harnais Traggestell 39. Ce sac contient un boitier rectangulaire en bois renfermant les batteries de 30 volts du projecteur et un étui de masque à gaz modifié contenant un second accumulateur pour alimenter la lunette. Les batteries ont une autonomie de 3 à 5 heures, selon l’utilisation qui est faite. L’ensemble de l’équipement pèse 13,5 kg et remplace le paquetage standard du Landser.

Le « Vampir » porte à environ 100 mètres, l’image perçue par la lunette ZG 1229 étant décrite comme d’une grande luminosité et présentant un très bon contraste. Un homme debout peut être aisément discerné à une distance de 73 mètres, surtout s’il se déplace, son mouvement produisant une trainée luminescente dans le viseur. La portée réduite du rayon infrarouge limite toutefois son emploi aux compartiments de combat les plus courts, comme les embuscades, le combat de localité ou les opérations en forêt.  Ceci est d’autant plus vrai que le poids de 2,25 kg du système de visée ajouté aux 5,22 kg du StG44 ne devait pas faciliter la visée du Waffen-Grenadier dans l’obscurité.

Mis au point dans les tous derniers mois du conflit, le dispositif « Vampir » ne sera produit qu’en nombre réduit par les firmes LEITZ, AEG et le Reichspostforschungsanstalt (institut de recherches de la poste du Reich). Un document daté du 14 décembre 1944 et émanant du Chef der Heeresrüstung und Befehlshaber des Ersatzheeres, répertoriant les projets en développement, indique que 200 « Vampir » viennent d’entrer en production. Il est précisé que ces appareils sont destinés à des missions spéciales, probablement celles relevant des SS-Jagdverbände du SS-Sturmbannführer Otto Skorzeny. Cette même note mentionne une requête du Generalinspekteur der Panzertruppen pour la fabrication d’un autre lot de 300 systèmes « Vampir » destinés aux Panzer Division, mais comportant des modifications non précisées. En tout, on estime qu’au moins 310 exemplaires de ce dispositif de vision nocturne ont été produits, peut-être plus.

Des formations d’attaque nocturnes

En opération, les Panzer-Grenadier équipés du binôme StG44 « Vampir » sont notamment destinés à être engagés en appui des nouveaux véhicules équipés de systèmes de vision nocturne, dans le cadre d’offensives ou de combats de nuit destinés à surprendre l’adversaire et à le harceler. Il est prévu de les intégrer à des formations spéciales conçues pour le combat de nuit, comprenant des chars à capacité nocturne – en l’occurrence le tout nouveau Nachtkampfpanther Ausf. G – ainsi que des semi-chenillés Sd.Kfz. 251/20 « UHU » (hibou) équipés d’un énorme projecteur infrarouge de 60 cm, capables d’illuminer le champ de bataille pour permettre aux Panzers de sélectionner et d’engager leurs cibles à distance. Tous ces véhicules sont équipés du système de vision infrarouge « Sperber » (épervier) qui facilite leurs déplacements tout en leur permettent de détecter et d’engager les cibles illuminées. L’infanterie d’accompagnement chargée de protéger les blindés et d’appuyer l’assaut n’est pas oubliée : pour soutenir le rythme des autres véhicules, il est prévu d’intégrer à ces formations des transports de troupe semi-chenillés Sd.Kfz. 251/1 « Falke » (faucon) équipés de « Sperber » et  chargés de véhiculer les Waffen-SS armés de « Vampir ».

Parvenu à portée d’engagement, tandis que les Panzer-Grenadier armés de fusils-d’assaut StG44 « Vampir » se déploient en protection rapprochée des Nachtkampfpanther, le Sd.kfz. 251/20 « UHU » illumine le terrain à distance grâce à son énorme projecteur infrarouge.  Profitant du puissant faisceau émis par le projecteur du « UHU » qui éclaire le terrain à 800 m de distance, et progressant sous la protection directe des MG-42 équipées de lunettes de visées infrarouge des SdKfz. 251/1 « Falke », les Panzer-Grenadier investissent silencieusement le périmètre et éliminent les uns après les autres les soldats ennemis « éclairés » comme en plein jour (notamment les bazookas cherchant à tirer en direction des blindés allemands)…

Le « Vampir » au combat

La question de savoir si le système d’armes Surmgewehr StG44 « VAMPIR » a réellement été déployé en opération a été longtemps très débattue du fait qu’il n’existe aucune photo montrant son utilisation en conditions réelles, et pour cause. Depuis l’ouverture des archives russes et américaines, la multiplication des témoignages d’anciens vétérans et le recoupement des sources ne permet plus aucun doute : le « Vampir » a effectivement été utilisé au combat en 1945, mais en nombre très limité, et uniquement par des unités spéciales ou des détachements d’élite de la Waffen SS, durant les derniers mois de la guerre.

La distribution des « Vampir » à la troupe a débuté à partir de février 1945 au sein de certaines unités spéciales. La Panzer-Division « Münchenberg » est la seule formation dont on soit absolument sûr aujourd’hui qu’elle en ait fait usage au combat. Mais de nombreux témoignages suggèrent que d’autres unités ou détachements en ont utilisés ponctuellement, notamment les mystérieux SS-Jagdverbände du SS-Sturmbannführer Otto Skorzeny, spécialisés dans les coups de main et les opérations commandos. Certaines sources affirment que des unités spéciales de la Waffen SS en auraient été équipées en 1945 pour les tester en conditions réelles de combat. D’autres précisent que de telles armes auraient été distribuées à certaines unités de Panzer Grenadier chargées d’appuyer des attaques nocturnes conduites avec des chars Nachtkampfpanther et des véhicules d’accompagnement équipés de système infrarouge « Sperber », notamment dans le cadre des derniers combats pour la défense du périmètre de Berlin. Des vétérans de l’Ostfront en 1945, interrogés par l’historien militaire polonais Waldemar Trocja, rapportent notamment avoir vu des snippers allemands opérer de nuit « avec des torches non lumineuses spéciales, couplées à d’énormes optiques de visées » montées sur leurs fusils. Les Panzer-Grenadier ayant utilisé ces équipements auraient été surnommés « Nachtjäger » (chasseurs de nuit) par les troupes allemandes.

On ne saura probablement jamais combien d’armes ont effectivement été distribuées à la troupe et utilisées en opération car ces Kampfgruppen, peu nombreux, sont intervenus ponctuellement et isolément, jouant avant tout la carte de la furtivité. Quoi qu’il en soit, en 1945, le système « Vampir » fonctionnait parfaitement et avait une bonne longueur d’avance sur la technologie alliée en la matière…

À propos Moret Jean-Charles

Fondateur de l'Association Pro Forteresse Co-fondateur de l'Association Fort Litroz