LE PISTOLET DE COMBAT SIG SAUER P 220 – Armée suisse

Quand le temps fut venu pour l’armée suisse de changer son pistolet réglementaire pour une arme de service plus fiable que le Parabellum 7,65, la Schweizerische Industrie Gesellschaft de Neuhausen am Rheinfall offrit le SP 47/8, un automatique de calibre 9 mm dérivé du PA 35 A de Charles Petter. Très bien conçu, admirablement réalisé dans les meilleurs matériaux, le SP 47/8, ou SIG P 210, acquit lentement une réputation d’exception parmi les tireurs et les amateurs. Aujourd’hui, le P 210 constitue une classe à part parmi les pistolets, et une référence en matière de qualité.

Mais il constitue aussi une référence en matière de prix, même pour l’armée suisse. La décision fut alors prise de des­siner un modèle plus simple, plus mo­derne, et surtout moins cher à fabriquer : toutefois, la mise en chantier d’un engin nouveau constitue toujours une opération coûteuse que seule peut amortir une large diffusion.

Or les règlements fédéraux, très contrai­gnants et fort limitatifs pour tout ce qui concerne l’exportation d’armes, fermaient de fait le vaste marché international né­cessaire à la rentabilité de l’opération.

La difficulté fut tournée par un accord avec la firme allemande Sauer & Sohn : les ingénieurs suisses de la S.I.G. dessi­naient le pistolet et les Allemands le fa­briquaient. Du coup, le nouveau venu pre­nait l’appellation de SIG-SAUER P 220: des ateliers furent spécialement montés pour sa production à Eckernförde et le marché commercial civil disposait des premiers exemplaires vers la fin de 1975. Notons que ce modèle est vendu aux U.S.A. sous la marque Browning Arms et qu’il est disponible en 45 (11,43mm), 9 mm Luger et 7,65 Luger. Avec un ca­non un peu plus court, il prend le nom de P 225.

Nous avons retenu pour nos essais la ver­sion standard – canon de 112 mm – en 9 mm Luger.

DESSIN ET CONCEPTION GÉNÉRALE

Du point de vue technique, le P 220 est un Browning, c’est-à-dire à culasse calée et déverrouillage par abaissement du ca­non. C’est son seul point commun avec le P 210, si l’on excepte la similitude des désignations en P 200. Mais on ne re­trouve ni la platine amovible, ni la culasse enserrée sur toute la longueur des rainu­res de guidage par la carcasse. P 210 et P 220 sont deux armes basées sur le même principe, mais réalisées de manières totalement différentes.

Comme dans tous les systèmes Brow­ning, le canon est accroché à la culasse au moment du tir. Au départ du coup, les deux reculent ensemble sur 3 mm environ, puis la tranche oblique du renfort inférieur de la chambre vient rencontrer la pente du bloc lié à la carcasse : cet engagement provoque l’abaissement du canon qui se dégage alors de la culasse au bout de 3 mm encore de course. La culasse pour­suit seule son mouvement arrière, ex­trayant la douille qui est éjectée en fin de parcours. Le ressort récupérateur ramène alors l’ensemble vers l’avant ; une cartou­che est poussée du chargeur dans le ca­non, puis la culasse rencontre celui-ci et le pousse en avant. La face pentée, à l’avant du renfort, porte alors sur l’axe d’assemblage et fait remonter le canon dont la découpe supérieure vient se placer dans la tranche antérieure de la fenêtre d’éjection. Canon et culasse sont de nou­veau liés, le chien a été armé pendant la phase de recul et l’arme est de nouveau prête au tir. Le cycle recommence jusqu’à épuisement du chargeur.

Le départ est à double action : le premier coup peut être tiré chien abattu, puisqu’une longue pression sur la détente commence par faire reculer celui-ci avant de le laisser se rabattre sur le percuteur. Ce système, comportant très peu de pièces, apparaît directement inspiré par celui du Mauser HSc de 1940. Il n’y a pas de sûreté manuelle, mais un levier de désar­mement qui fait retomber le chien dans la première encoche tout en bloquant le percuteur. Celui-ci n’est d’ailleurs libre que si la détente est tirée à fond.

MATÉRIAUX ET EXÉCUTION

A l’inverse du 210, son prédécesseur, le 220 est entièrement bâti selon les techniques de fabrication dites modernes : tôles pliées, alliages légers, pièces frittées, goupilles fendues et ainsi de suite.

Ainsi, la glissière est constituée d’une tôle de 2,4 mm formée à la presse et fermée à l’avant par un bouchon d’acier qui lui est soudé ; ce bouchon est percé de deux trous, un pour le canon, un pour la tige du ressort récupérateur. La culasse proprement dite est un rectangle d’acier usiné, accroché à la glissière par un tenon faisant saillie à l’avant et maintenu en place par deux goupilles en tôle roulée enfoncées l’une dans l’autre. Ce bloc de culasse qui porte l’extracteur et le percuteur avec sa sûreté est bien travaillé, mais la glissière proprement dite n’est que sommairement finie. Une bonne chose toutefois : cette glissière est liée à la carcasse par des rainures de guidage qui courent sur toute la longueur. Le canon, long de 111,8 mm, y compris le renfort postérieur, est fort épais à la chambre (16,7 mm) et d’un bon diamètre dans sa partie cylindrique (13,5 mm). Les 6 rayures à droite sont honnêtement tracées, sans plus, un peu écrasées dans le cône de forcement et de profil discontinu. La liaison avec la culasse est réalisée par le décrochement entre chambre et tube proprement dit, ce décrochement servant de tenon de verrouillage. Ce procédé plus simple que les trois tenons habituels, est aussi efficace et tout aussi solide. Le renfort inférieur, sous la chambre, avec sa découpe oblique, est très bien usiné. Une fois mis en place, le canon ne présente aucun jeu avant-arrière et peu de jeu latéral.

La culasse est faite d’un bloc d’alliage léger coulé, d’aspect sobre et net, avec des parois épaisses. La forme a été conçue dès le départ pour l’aluminium. Les rainures de guidage courent d’un bout à l’autre de la partie supérieure, ce qui assure un très bon maintien de la culasse. Un bloc d’acier usiné, accordé aux découpes du canon, sert à la fois de rampe de déverrouillage et de rampe d’alimentation ; il est maintenu dans la carcasse par l’axe d’assemblage et a pour but d’éviter le frottement acier sur aluminium au moment où le canon doit être abaissé.

Le mécanisme, tôles pliées et pièces frittées (obtenues par compression à haute température de poudre d’acier), comprend peu de pièces assemblées selon un dessin très bien conçu. En double action, la barrette de transfert liée à la détente se déplace vers l’avant et, prenant le chien par en dessous, elle le fait basculer en arrière. Le petit levier qui sert d’éjecteur fait aussi arrêtoir de culasse en fin de chargeur.

UTILISATION

Dessiné pour le tir de combat, le P 220 semble au premier abord un peu épais. En fait, la prise en main s’avère très bonne et même remarquable pour le tir rapide non visé. A la cible, l’arme apparaît toutefois un peu haute sur la main, mais la visée large et nette – cran de mire et guidon de 3 mm – facilite bien les choses. Le chargeur est aisément garni de ses neuf cartouches.

En double action, le départ est ferme, mais peut être considéré comme correct pour un automatique. Par contre, la simple action est excellente, très douce, mais nantie d’une course un peu longue. La sur-course, après décrochement du chien, est importante bien que peu gênante. L’arme a été essayée sur appui à 25 mètres, avec le concours de deux tireurs très entraînés. Il y eut un incident de tir, le percuteur n’ayant pas touché l’amorçage pour une cause que nous n’avons pu déterminer. Trois types de munitions ont été utilisés et, à titre indicatif, nous donnons les écarts centre à centre des deux impacts les plus écartés par groupe de 10 balles.

Italienne : Frocchi                 88 mm

Allemande : Geco                  97 mm

Française : Gévelot              114 mm

Avec sa grosse poignée, son pontet conformé pour le tir à deux mains et sa détente à double effet, le P 220 est avant tout une arme conçue pour la défense. Pour la cible, il lui manque une visée réglable et un départ plus fin, mais il reste bien adapté à la discipline de compétition dite de tir de combat.

Caractéristiques :

Calibre : 9 mm (se fait aussi en 7,65 et 45 auto, 38 super auto et 22 LR avec conversion)

Capacité du chargeur : 9 coups

Longueur totale : 198 mm

Longueur du canon : 112 mm

Poids à vide : 820 g.

Carcasse : alliage léger

Instrument de visée : réglage en hauteur et dérive

 Renaud de la Taille

 

 

À propos Moret Jean-Charles

Fondateur de l'Association Pro Forteresse Co-fondateur de l'Association Fort Litroz