PC de montagne oublié

Ce minuscule ouvrage d’infanterie, situé quelque part dans le bassin versant du haut Rhône, est l’un des plus fantastiques de la région et constitue un cas unique en Suisse. D’après les informations écrites en notre possession, il aurait été prévu d’y abriter un poste de commandement de bataillon à l’époque. Il occupe un lieu isolé et particulièrement reculé, d’accès très difficile et fort accidenté. L’endroit est particulièrement bien choisi car rien ne permet de déceler son existence, même à courte distance. Aucune construction hors sol ni aucun aménagement anthropique ne trahit sa position. En outre, le couvert végétal assure un très bon camouflage visuel en faisant écran aux regards inquisiteurs. Aucun sentier ne conduit à l’ouvrage pour ne pas dévoiler sa position. Après une marche d’approche dans un terrain difficile et particulièrement accidenté, on accède à l’ouvrage par une série d’échelons métalliques scellés dans une vertigineuse paroi de rocher verticale. Ces échelons conduisent à une grande faille naturelle que l’on ne soupçonne pas du tout de loin, masquée qu’elle est par un pan de rocher qui se détache de la montagne. Au fond de cette fissure, on découvre avec stupéfaction …des marches d’escalier taillées dans la roche ! Nouvelle surprise : elles grimpent en direction d’un énorme bloc resté coincé entre les parois de la faille et aboutit à un cul de sac sans issue! Ce n’est qu’une fois parvenu au sommet de ce mystérieux escalier « qui ne mène nulle part » que l’on découvre, en se retournant, une porte blindée dérobée, dissimulée dans une anfractuosité du roc. Pas étonnant qu’on ne la soupçonne pas d’en bas car elle se confond totalement avec l’ombre portée de la paroi. C’est alors que nous réalisons que le palier situé au sommet de l’escalier, sous nos pieds, est en fait… un W.C. à la turque à ciel ouvert ! De là, deux échelons permettent de se hisser jusqu’à la petite encoignure qui abrite l’entrée du mystérieux P.C. Impossible de s’y tenir debout.

L’intérieur de l’ouvrage, creusé à même le cœur de la montagne, est nu et très fruste. Les galeries, percées à l’explosif, ont été laissées à l’état brut et ne sont pas revêtues de béton, preuve que la roche est saine. En passant la porte d’entrée, nouvelle surprise : à gauche, un bassin en béton récupère l’eau d’infiltration de la roche et sert de réservoir. Il y a même de l’eau à l’intérieur ! Un premier tronçon de galerie conduit à une petite chambre en forme de grotte aveugle : l’endroit prévu pour le P.C. ! De là, un second couloir tout aussi brut conduit à un petit local de combat qui comporte une seule ouverture donnant directement dans la falaise. L’ouvrage n’était en effet défendu que par une mitrailleuse tirant en dépression et dont l’embrasure s’ouvre à mi-hauteur dans la paroi, à environ vingt mètres au-dessus du sol de la forêt. L’ouvrage est complètement vide et ne comporte plus aucun aménagement ni arme, ni matériel. Les portes blindées sont toutefois très intéressantes car elles correspondent à un modèle très peu répandu dans la région. Toutes les ouvertures (embrasure, entrée et portes intérieures) comportaient deux goulottes à grenades, au cas où…

Nous avons délibérément choisi de ne pas révéler l’emplacement de ce « petit bijou » pour éviter qu’il soit vandalisé ou stupidement abîmé pour rien par des curieux désireux de voir ce qui pourrait se cacher à l’intérieur (l’ouvrage est complètement vide, répétons le !). Il serait en effet dommage que cet ouvrage unique en Suisse, oublié de tous depuis longtemps, soit abîmé par des visiteurs sans vergogne ou mal intentionnés, après avoir traversé intact trois quart de siècle… Merci de votre compréhension.