La famille des STEN (Grande Bretagne)

Conçu par les Italiens dès 1914 et par les Allemands en 1918, le pistolet mitrailleur était en réalité né trop tard pour pouvoir être pleinement évalué au combat avant l’armistice du 11 novembre.

C’est seulement lors de la guerre civile d’Espagne (1936-1939) qu’il fut très largement utilisé et que les observateurs militaires s’accordèrent à lui reconnaître toute son importance.

Malheureusement, si les Allemands et les Italiens avaient non seulement reconnu la valeur de l’arme nouvelle, mais en avaient doté la majeure partie de leurs troupes d’assaut, les Français, et surtout les Anglais, étaient restés très loin en arrière, ces derniers se contentant d’acquérir quelques très belles mais fort coûteuses mitraillettes américaines Thompson dans le style des années de la prohibition, sous prétexte que leur armée n’avait pas à être équipée avec des armes de gangsters. On sait trop comment tout cela se termina : en quelques semaines la France était écrasée, l’armée anglaise avait perdu tout son équipement à Dunkerque et devait faire face, seule et nue, à la plus merveilleuse et la plus puissante machine militaire jamais réalisée.

Le temps n’était plus aux tergiversations ni aux états d’âme. Il fallait d’urgence des centaines de milliers « d’armes de gangsters » pour en doter un plus vite tous les citoyens britanniques en état de porter les armes. Les usines américaines ne pouvaient répondre à un tel programme et les Thompson étaient trop « sophistiquées » pour se prêter à une production improvisée : il fallait que quelques usines spécialisées, dont l’arsenal d’Enfield et la compagnie B.S.A., fournissent les pièces délicates, c’est-à-dire les canons et les culasses-percutantes, et que tout le reste : carcasse, crosse d’épaulement, mécanisme de détente et chargeurs puissent être sous-traités par n’importe quelle petite usine métallurgique non spécialisée, fût-elle auparavant productrice de jouets ou de tondeuses à gazon.

Un pistolet mitrailleur allemand réglementaire MP-40 récupéré en France servit de modèle, car il n’était plus temps d’inventer. Quant aux munitions, c’est un lot considérable de cartouches de 9 mm parabellum capturé par les troupes britanniques après la défaite italienne en Erythrée qui permit de faire la soudure et d’attendre une production nationale.

La réalisation d’un MP-40 exigeait une technique de l’estampage du métal très poussée qui était irréalisable dans les conditions qui prévalaient en Angleterre en 1940. Il fallut donc simplifier encore, ce qui permit d’abaisser le coût de la production jusqu’à l’absurde et de gagner des délais vitaux ; le résultat d’un cahier des charges aussi draconien fut une arme informe et hideuse mais qui fonctionnait presque aussi bien que les belles et coûteuses MP-38 ou MP-40. On lui donna le nom de Sten, avec le numéro de type I.

Les auteurs anglo-saxons s’accordent pour dire que ce nom provient des initiales des deux créateurs Shepperd et Turpin accolées aux deux premières lettres de l’arsenal d’Enfield, où eurent lieu les premières fabrications.

Les Sten MK I sortirent en juin 1941 de l’arsenal d’Enfield et de l’usine B.S.A. de Birmingham. Ces Sten mariaient encore le fer et le bois ; quelques mois après, on décida de les simplifier en supprimant les pièces de bois et en les remplaçant par de la tôle pliée. Le cache-flamme jugé superflu fut ôté. On gagnait ainsi en longueur, en poids et en temps. Les armes simplifiées prirent la dénomination de Sten MK I(*).

Au total, c’est plus de cent mille Sten MK I(*) qui furent fabriquées entre le mois de juin et la fin de l’année 1941. Ces deux modèles essuyèrent les plâtres ; en 1942, leur succéda la plus célèbre des Sten, la Sten MK II, qui pouvait se démonter instantanément en trois parties dont la plus grande ne dépassait pas 33 cm et pouvait se dissimuler dans un grand sac à main.

Plus de deux millions de Sten MK II furent manufacturées entre 1942 et 1944, tant en Angleterre qu’au Canada et en Nouvelle-Zélande. Un nombre considérable de ces modèles put être distribué aux groupes de Résistance dans toute l’Europe occupée ainsi qu’en Extrême-Orient en raison des surplus de ce type d’arme qu encombrèrent bientôt les dépôts. Mais, si l’engin se prêtait fort bien à la guerre clandestine, il ne faudrait pas croire qu’il fut conçu spécialement pour elle : la Sten MK II, tout comme les autres Sten, fut avant tout le pistolet mitrailleur réglementaire de l’armée britannique, en dotation courante à partir de 1942 dans la plupart des unités, à l’exception peut-être des commandos de la marine qui conservèrent une affection toute spéciale pour la belle Thompson américaine.

En 1943 et en 1944 apparurent deux nouveaux modèles de Sten.

 

1943 : La Sten MK III

La Sten MK III descend directement de la Sten MK I(*). Elle remédie à deux défauts de la Sten MK II, défauts qui provenaient du fait de la position obligée et stricte, lors du tir, des doigts de la main gauche, si l’on voulait éviter :

  1. de se brûler lorsque la main était trop en avant ;
  2. de se pincer cruellement lorsque la main était trop en arrière.

Pour cela, on revint à la jaquette entourant le canon de la Sten MK I(*) qui permettait une mise en main facile et confortable, et on empêcha la main de glisser trop vers l’arrière en rivant une butée en tôle à l’avant de la fenêtre d’éjection.

En contrepartie, on perdait l’avantage de la possibilité du démontage en trois parties de la MK II.

Cette Sten MK III fut également parachutée en nombre aux maquis de France et d’Europe occidentale. Elle était généralement livrée avec 8 chargeurs pleins contre 4 chargeurs pour les premières livraisons de Sten MK II. Les containers standardisés des derniers mois offraient 300 cartouches par Sten.

 

1944 : La Sten MKS V

Dernière de la famille, la Sten MK V est une Sten de luxe ; elle naquit trop tardivement pour être livrée en quantité aux forces de l’intérieur : elle se cantonna surtout dans son rôle d’arme réglementaire ; elle armait les parachutistes d’Arnheim et servit avec honneur jusqu’à la fin de la guerre de Corée.

La Sten MK V n’est pas autre chose qu’une Sten MK II raffinée avec, à notre humble avis, des inutilités fonctionnelles : une crosse en bois, un canon façonné avec des ergots destinés à accrocher la baïonnette-clou du fusil Lee-Enfield, un guidon avec ses oreilles de protection provenant du même fusil. Ceci très certainement pour faire excuser la laideur des modèles précédents et pour donner au soldat une arme d’un aspect plus décent.

Une troisième modification, beaucoup plus valable en théorie, consista à adapter, sur le radiateur entourant le canon, une poignée avant en bois. La modification était séduisante car elle résolvait les difficultés rencontrées dans la mise en main de la Sten MK II. Sans aucun doute, une Sten MK V offre une excellente mise en main, parfaitement équilibrée, et enlève toute tentation de tenir l’arme par le chargeur, tentation trop forte avec la Sten MK II pour pouvoir être interdite par un règlement.

Malheureusement, cette poignée-avant se révéla fragile à l’usage ; d’autre part, elle favorisait un dévissage intempestif du canon : un choc contre la poignée pouvant entraîner le dégagement de l’ergot de blocage du canon sur la carcasse. Sur les derniers modèle de Sten MK V la poignée avant fut purement et simplement supprimée.

La Sten MK V marque l’apogée de la grande famille des Sten. Après elle, il n’y avait plus rien à attendre d’une famille d’armes conçues dans la période exceptionnelle de danger que constituait le mois de juin 1940 pour l’avenir du monde libre. La Sten MK V resta le pistolet mitrailleur réglementaire des forces britanniques jusqu’en 1953, date officielle de l’adoption d’un nouveau modèle de P.M. qui ne devait plus rien aux conditions extrêmes qui avaient prévalu lors de la naissance d’une des armes les plus représentatives du dernier conflit, d’une des armes qui avait gagné la Seconde Guerre mondiale.

 

Les Sten silencieuses

Les armes à silencieux avaient été jusqu’alors d’un usage exceptionnel et leur fabrication réduite à quelques exemplaires. Les Anglais, en raison de la « guerre de Peaux-Rouges » (selon l’expression de la propagande allemande) qu’ils étaient amenés à entreprendre contre le continent  entre 1940 et 1944, durent étudier un matériel adéquat pour ce type d’opérations. Leur arsenal silencieux comprenait notamment : des pistolets spéciaux du type « pompe à vélo » en calibre 7,65 mm ou 9 mm parabellum, des pistolets automatiques américains 22 LR modifiés, des carabines spéciales en calibre .45 Colt et enfin des pistolets mitrailleurs Sten du type MK II ou MK V à canons raccourcis, à l’extrémité desquels avaient été fixés de longs silencieux. Ces armes ainsi modifiées prirent respectivement la dénomination de Sten MK II S et de Sten MK VI. Elles furent couramment utilisées, non seulement pour les opérations « illégales » du S.O.E. ou du MI-6, mais aussi au cours de nombreuses opérations de commandos menées par les « bérets verts » de la marine, tant sur le théâtre d’opérations européen qu’en Extrême-Orient.

Nous pouvons citer entre autre : parmi les opérations « légales », l’opération « Frankton » de 1942 au cours de laquelle 12 hommes des Royal Marines, débarqués à l’embouchure de la Gironde à 20 miles au sud de Cordouan par le sous-marin « Tuna », remontèrent l’estuaire avec six canoës et placèrent des mines magnétiques contre les navires à quai, coulant ou endommageant six navires. Deux Sten MK II S faisaient partie de l’expédition.

Parmi les opérations « illégales » du S.O.E., citons par exemple les raids contre les navires japonais, ancrés à Singapour, en octobre 1944. L’armement des saboteurs comprenait, outre leurs engins de destruction, un lot important de Sten silencieuses.

On rapporte que l’Allemand Skoczeni, qui avait flairé l’arme hors du commun, tenta d’intéresser l’état-major allemand aux pistolets mitrailleurs Sten et à leur version silencieuse en particulier. Il semble que ses conseils restèrent lettre morte jusqu’aux derniers mois de la guerre, moment où ce qui restait de l’industrie allemande se mit à produire des copies exactes ou légèrement modifiées de la Sten MK II. Mais il était trop tard pour qu’une série importante pût être sortie avant la capitulation du IIIe Reich.

 

La Sten et l’armée suisse

Après la deuxième guerre mondiale, la Suisse se procura un stock important de Sten MK II. Ces Sten ne furent jamais remises à la troupe et restèrent dans les réserves de guerre. En 1962, les Sten MK II furent détruites.

 

 

FICHE TECHNIQUE

Pistolets mitrailleurs britanniques Sten.

Fonctionnement à culasse-percutante non calée. Tir culasse ouverte.

Armes à tir sélectif.

Calibre : 9 mm parabellum.

Capacité maximale des chargeurs (alimentation à voie unique) : 32 cartouches

Cadence théorique du tir : 550/600 coups minute.

Système de visée : dioptre fixe pour le tir à 100 yards

Poids et dimensions ; poids moyen chargé : 3,9 kg (4,5 kg pour la MK V).

Longueur totale :

  • MK I : 0.895 m
  • MK I* : 0.794 m
  • MK II : 0.762 m
  • MK III : 0.762 m
  • MK V : 0.762 m
  • MK II S : 0.932 m

 

Longueur du canon: 198 mm (7,8 pouces). Pour les armes à silencieux, la longueur du canon était réduite à 92 mm (3,6 pouces).

Nombre de rayures : 6 ou 2 à droite

Propriétés balistiques :

  • vitesse initiale : 365 m/s ;
  • énergie à la bouche : 60 kgm.

Pour les armes à silencieux, la vitesse initiale était réduite à 250-300 m/s. Avec une énergie à la bouche voisine de 40 Kgm.

Cartouches utilisées : 9 mm parabellum standard (toutes les cartouches convenaient, qu’elles soient de fabrication alliée ou ennemie) :

  • 9 mm à balle Dum-Dum
  • 9 mm « silent-load » à charge réduite pour les armes silencieuses (à utiliser au coup par coup).

Finition des armes : peinture noire au four le plus généralement, parfois parkérisation ou bronzage.

Pierre Lorain

À propos Moret Jean-Charles

Fondateur de l'Association Pro Forteresse Co-fondateur de l'Association Fort Litroz