Col de la Furka : Batterie cuirassée de Gallenhütten

Le fort d’altitude de Gallenhütten (alt. 2400 m) est l’une des plus belles fortifications de Suisse. Cet ouvrage de haute montagne se situe à l’extrémité supérieure Haut Valais, près du Glacier du Rhône. L’ouvrage se dresse sur le versant ouest du col de la Furka qui met en communication le Haut-Valais avec le massif du Gothard, pivot central de la défense suisse. L’endroit est particulièrement sauvage et grandiose. La mission du fort était de verrouiller les cols de la Furka (2431 m) et du Grimsel (2165 m) face à un assaillant cherchant à remonter depuis le Valais ou le Nufenen vers les sources du Rhône pour pénétrer dans le massif du Gothard.

Contexte

Dans l’optique de la mise en défense de l’axe du Gothard à partir de 1886, le Val d’Urseren et la  cuvette d’Andermatt formaient un camp retranché idéal pour masser des réserves au cœur des Alpes suisse et intervenir rapidement dans toutes les directions. Située au cœur du château d’eau des Alpes suisses, cette vaste auge glaciaire constitue en effet un carrefour stratégique de première importance : elle communique à la fois avec la vallée du Rhin et les Grisons vers l’est (par le col de l’Oberalp), avec le Tessin et l’Italie vers le sud (par le col du Saint-Gothard), enfin avec le Valais et la vallée du Rhône vers l’ouest (par le col de la Furka).Dès la fin du XIXe siècle, les autorités militaires se sont donc préoccupées d’assurer la défense de ce camp retranché naturel, en fortifiant les 3 cols qui y conduisent. Celui qui nous intéresse ici est celui de la Furka qui constitue la porte d’entrée occidentale de ce camp retranché.

Installations prévues

A l’origine, le projet initial prévoyait de construire un petit ouvrage 400 m à l’ouest du sommet du col de la Furka, à cheval sur la route, pour battre l’ancienne et la nouvelle route de la Furka, de même qu’un blockhaus en direction du Furkahorn pour interdire tout contournement de la position. Seul l’ouvrage a été finalement construit, mais pas à l’endroit prévu initialement.

Concept défensif

La construction projetée de la future route du col du Grimsel et la topographie des lieux amenèrent en effet à privilégier une conception offensive de la défense du col de la Furka et à déplacer la ligne de défense principale sur le versant ouest du col, du côté valaisan, la ligne arrière n’étant défendue que par des installations d’infanterie établies sur le col et immédiatement en arrière de celui-ci, sur le versant oriental du passage.

C’est ainsi qu’on décida la construction d’un fort sur le plateau de Gallenhütten, au-dessus du glacier du Rhône et de l’hôtel de la Furka, de façon à jouir d’une position dominante sur toute la cuvette de Gletsch. Cette position permettait en effet à l’ouvrage de battre à la fois la route de la Furka et celle du col du Grimsel, de façon à interdire toute pénétration remontant la vallée du Rhône depuis Brig. Elle permettait de faire l’économie d’un second fort d’arrêt sur le col même du Grimsel, l’ouvrage de Gallenhütten faisant double emploi. En 1891, une proposition visant à édifier un ouvrage d’arrêt sur le col du Grimsel fut en effet balayée par la commission d’étude fédérale qui craignait que le Grimsel ne devienne un gouffre à millions. La commission parvint à la conclusion qu’un barrage de la route du Grimsel pourrait tout aussi bien se faire en renforçant les fortifications de la garnison et l’armement de la position de la Furka.

La batterie cuirassée de Gallenhütten

Le fort de Gallenhütten est en réalité une position de batterie permanente cuirassée. L’ouvrage, compact et ramassé, a été implanté dans le flanc de la montagne en excavant la roche sur deux côtés pour ménager un replat permettant la construction. Il comprend une grande casemate quadrangulaire munie de deux caponnières qui assurent la défense du fossé taillé à même le roc. Les flancs inclinés de l’ouvrage,profilés tout en rondeurs pour favoriser le rebond et le ricochet des projectiles, sont revêtus par une épaisse carapace en pierres de taille, réalisée en blocs de granit, dont les éléments sont si soigneusement ajustés et jointoyés pour offrir le minimum de prise qu’on dirait un ouvrage inca.

Armement

La casemate quadrangulaire était équipée de 2 canons Krupp de 12 cm sur affût cuirassé à embrasure minimale Saint-Chamond. Les embrasures frontales et parallèles de ces 2 armes étant pointées sur le col du Grimsel, elles ne pouvaient  battre le reste de la cuvette de Gletsch vu leur très faible débattement angulaire vertical. C’est pourquoi un obusier de 12 cm fut installé en position sommitale sur le sommet de l’ouvrage. La défense rapprochée était assurée par des canons de 8,4 cm répartis entre les deux caponnières.  Le tout était complété par des cloches d’observation métalliques offrant de splendides vues sur la cuvette de Gletsch, les cols et le glacier du Rhône.

Infrastructures

Les installations de l’ouvrage, très spartiates, comprenaient un logis très exigu pour la troupe, ainsi qu’un magasin à munitions et à victuailles. Le tout était complété par une citerne et une cuisine creusées à même la roche, dans l’escarpe du fossé et à l’arrière du fort. La planification initiale prévoyait la création d’un cantonnement à l’épreuve près de l’ouvrage, mais il ne fut jamais réalisé et on se contenta finalement de construire des casernes de guerre hors sol entre l’ouvrage de Gallenhütten et le col de la Furka…

Un chef d’œuvre de la fortification suisse…

Si l’armement de la batterie cuirassée a depuis longtemps disparu, le fort  lui-même est merveilleuse ment bien conservé. Il a fait l’objet d’importants travaux de restauration en 2005 et se présente aujourd’hui sous son plus bel aspect, même s’il n’est pas possible de visiter l’intérieur. N’hésitez pas à lui rendre visite car il constitue un magnifique exemple de la fortification suisse de montagne de la fin du XIXe siècle et l’extérieur vaut à lui seul le détour. En outre, le site est superbe et le panorama sur la cuvette de Gletsch absolument splendide! Si vous vous y rendez, ne manquez surtout pas de contourner le fort par l’aval et de vous avancer par un petit sentier à peine marqué jusqu’à la crête qui surplombe le glacier du Rhône (environ 100 m au N de l’ouvrage). La promenade ne prend qu’une minute ou deux, mais la vue est à couper le souffle : vous pourrez admirer l’un des plus beaux et des plus longs fleuves de glace d’Europe, ainsi que le lac glaciaire qui est à la source même du Rhône. Ce lac est apparu pour la première fois en 2006, suite au retrait du glacier vers l’amont. Il n’a cessé de s’agrandir depuis lors..

Comment y aller ?

En montant depuis Gletsch (VS) vers le col de la Furka, prendre, juste avant d’arriver au col, une large piste en terre battue qui bifurque sur la gauche. Elle conduit directement aux casernes hors sol, visibles de la route principale. Dépasser celles-ci et poursuivre sur la route jusqu’au fort, situé quelques centaines de mètres plus loin. Il faut compter environ 10 min. de marche depuis la route principale du col.