FORT DRUM : le croiseur de bataille en béton -Philippines

La forteresse maritime de Fort Drum (Philippines) est sans doute l’une des plus extraordinaires du monde. Son intérêt principal tient à sa forme atypique en étrave de navire. Le fort affecte en effet la forme d’un véritable « croiseur en béton », totalement  insubmersible et impossible à couler !

Cette étonnante construction – unique au monde ! – se dresse au beau milieu de la baie de Manille et a été édifiée par les Américains dans l’entre deux-guerres. Elle participe d’une série de 4 forts établis sur 4 ilots dans la baie pour renforcer les défenses de la capitale des Philippines : Fort Mills sur Corregidor et Fort Hugues sur l’îlot de Caballo au nord ; Fort Drum sur l’îlot d’El Fraile et Fort Frank sur l’îlot de Carabao au sud.

Pour édifier Fort Drum au milieu des flots, les Américains n’ont pas hésité à araser le petit îlot d’El Fraile jusqu’au niveau des vagues.  La forteresse mesure 104 m de long  par 44 m de large, avec des flancs profilés « en coque de navire ». Les murs de cette carapace – en béton armé – ont entre 8 et 11 m d’épaisseur et atteignent 12 m de hauteur. De quoi résister à n’importe quel projectile et dissuader toute tentative d’abordage ou d’escalade !

L’armement principal comprend deux tourelles cuirassées de marine, légèrement décalées en hauteur et disposées l’une derrière l’autre, comme sur les navires de guerre. Ces tourelles étaient destinées à combattre la menace représentée par la puissante flotte japonaise. Chacune comporte 2 tubes de 355 mm M1109 tirant des obus de 72 kg à 716 mètres secondes au moyen de charges pesant 200 kg. Celle située à la « proue » porte le nom de « Batterie William L. Marshall », l’autre étant la « Batterie John M. Wilson ».

L’ armement secondaire comprend 4 tourelles disposées par deux sur les flancs du « croiseur » et superposées l’une sur l’autre. Ces tourelles sont armées de 4 canons de 152 mm modèle 1908. La défense antiaérienne était assurée par trois canons de 76,2 mm disposés sur le « pont » et par des mitrailleuses.

Derrière la seconde tourelle principale, les Américains avaient installés un « baraquement » à l’arrière duquel se dressait un pylône en acier, comme sur les croiseurs de bataille de l’époque. Cette « tour » tubulaire portait une dunette de commandement, un télémètre de visée, une antenne radio, des projecteurs pour éclairer la baie de nuit et une grue. Ce pylône n’existe plus aujourd’hui : il  a été supprimé par la suite étant donné sa vulnérabilité et pour ne pas servir de point de repère à l’artillerie de la flotte japonaise. Le tout était complété par une plate-forme d’accostage en béton sur le flanc sud, pour permettre les changements d’équipage et le ravitaillement du fort.

L’intérieur du « croiseur de bataille » comporte trois niveaux protégés par la ceinture de béton. La centrale électrique et les groupes électrogènes sont situés au sous-sol. Le niveau intermédiaire abritait les soutes à munitions et les réserves de gargousses tandis que l’étage supérieur était réservé à l’équipage du fort (320 hommes). Cet étage comportait toutes les facilités d’usage : chambrées, mess, mess des officiers, cuisine, réfectoire, sanitaires, infirmerie, etc.

En1941, Fort Drum était déjà jugé obsolète, mais les défenses de Manille étaient encore si puissantes qu’elles posèrent de graves problèmes à la flotte nippone de débarquement qui eut bien du mal à assiéger et à s’emparer de la forteresse de Corrégidor. Mais ceci est une autre histoire…

 

À propos Moret Jean-Charles

Fondateur de l'Association Pro Forteresse Co-fondateur de l'Association Fort Litroz