A577 LE FORT D’ARTILLERIE DE VALLORBE / PRÉ-GIROUD

Situation générale

Achevé en 1940, l’ouvrage suisse de Pré Giroud se trouve dans le massif du Jura, au-dessus de la localité de Vallorbe. Il est installé à flanc de montagne, face à la trouée du col de Jougne et au débouché du tunnel ferroviaire du Mont-d’Or, qu’il avait mission de barrer. Il occupe donc une position frontale face à la frontière française, sur l’un des rares axes de pénétration qui permettent de franchir la chaîne du Jura depuis la Franche-Comté voisine. Cette situation en font une position idéale pour un fort d’arrêt isolé.

Mission

La mission de l’ouvrage était multiple:

 Barrer la trouée de Jougne face à la France, de façon à interdire l’utilisation de cet axe routier par des colonnes motorisées ou blindées cherchant à pénétrer sur le territoire suisse depuis la Franche-Comté.

  1. Battre le débouché du tunnel ferroviaire du Mont d’Or, de façon à empêcher toute utilisation de la ligne de Chemin de Fer Paris –Dijon – Lausanne par un agresseur potentiel, quel qu’il soit.
  2. Soutenir la défense du secteur frontalier et interdire la route de la vallée de Joux.
  3. Protéger les barrages anti-chars et les ouvrages minés installés sur les principaux axes de pénétration dans ce secteur frontière.
  4. Harceler l’ennemi dans les intervalles pour l’obliger à disperser ses moyens et affaiblir ainsi son effort principal.

Un fort d’arrêt isolé articulé sur 3 niveaux

L’ouvrage de Pré-Giroud est conçu comme un fort d’arrêt isolé. Il occupe une position frontale et dominante, face à la direction d’attaque potentielle.

Il comporte 6 casemates répartis en éventail dans le terrain et étagées dans la pente. Ces casemates forment un périmètre défensif cohérent en forme de triangle. Ce triangle, dont la base est tournée face à la pente (direction de l’ennemi), est délimité par un réseau de barbelés  qui entoure ce qu’on appelle la « zone de mort ». La partie du terrain située à l’intérieur de cette zone est en effet battue par le feu croisé d’au moins deux casemates, de façon à interdire toute infiltration d’infanterie. Elle permet aux blocs de combat de se flanquer mutuellement et de protéger les embrasures des pièces, situées au centre du périmètre.

A cela s’ajoutent 3 fortins d’infanterie indépendants, implantés à l’extérieur du périmètre et dispersés aux 3 angles du triangle ainsi défini. Leur mission était d’assurer la protection à distance de l’ouvrage. Contrairement aux 6 casemates, ces fortins n’étaient pas reliés au fort mais entourés par une double rangée de barbelés.

Les 6 casemates principales sont reliées par un réseau de galeries souterraines qui communiquent également avec les organes vitaux de l’ouvrage (caserne, salle des machines, magasins à munitions). Toutes les installations sont souterraines et creusées dans le roc de la montagne, selon le principe généralisé en Suisse. Seule les rares parties exposées affleurant du sol (embrasures de tir) sont protégées par une masse couvrante de béton. Le reste est totalement invisible.

Armement

 Les casemates d’artillerie (armement 1939-1945)

Seules les casemates C1, C2 et C3, situées au milieu du périmètre, étaient dotées de pièces d’artillerie. La mieux armée était la casemate centrale (C2), qui possédait 1 canon de calibre 7,5 cm modèle 1939 à culasse semi-automatique (destiné au pilonnage du secteur frontière et des axes de pénétration), plus un canon anti-chars de 4,7 cm à culasse semi-automatique et un poste d’observation. Les deux autres casemates latérales (C1 à l’est, C3 à l’ouest) n’étaient armées que d’un canon de calibre 7,5 cm modèle 39 à culasse automatique. Le canon de 4,7 cm a été remplacé plus tard par une pièce antichars de calibre 9 cm.

Les casemates d’infanterie (armement 1939-1945)

La défense rapprochée du triangle de la « zone de mort » était assurée par le feu croisé de 3 casemates d’infanterie (M1, M2, M3), implantées à la base et au sommet du triangle de mort. Les blockhaus M1 et M4 possédaient chacun 1 mitrailleuse 11 de calibre 7,5 cm à refroidissement à eau, 1 poste d’observation et une sortie de secours. Les deux autres casemates (M2 et M3) étaient équipées pareillement, mais sans poste d’observation.

Les fortins de protection extérieurs

L’armement des 3 fortins situés à l’extérieur de la zone de mort (achevés en 1941) comprenait 2 mitrailleuses 11 par ouvrage, soit un total de 6 armes.

Toutes ces armes étaient installées sur des affûts de forteresse à embrasure minimum, équipés de panorama permettant le tir sans visibilité (nuit, brouillard, neige, fumée, etc.). Les cibles étant prédéfinies et numérotées sur ces panoramas, il suffisait de placer l’index de l’arme sur le point choisi pour que le canon soit pointé exactement vers le but désiré !

Concept et construction

Le fort a été conçu par le bureau fédéral des constructions à Berne (BBB) entre 1935 et 1936. La construction, amorcée en 1937 a été achevée en 1939 pour le fort, en 1941 pour les fortins indépendants extérieurs. D’après le témoignage de soldats ayant servi dans l’ouvrage en 1940, les essais des pièces de calibre 7,5 cm eurent lieu alors que les Allemands étaient déjà parvenus au poste frontière de Jougne!

Durant toute la mobilisation, l’ouvrage demeura sous la responsabilité et le contrôle direct de la compagnie couverture frontière volontaire, rebaptisée ensuite compagnie garde de fortification 1, stationnée à Vallorbe, qui assura tout au long de la guerre l’entretien de l’ouvrage entre les périodes d’occupation.

La caserne et la salle des machines

La caserne et la salle des machines, creusées profondément dans le sous-sol, sont situées dans la zone de l’ouvrage équipée d’une protection collective. A l’intérieur de ce périmètre protégé, l’air était ventilé et maintenu constamment en surpression par rapport à l’extérieur, pour éviter toute infiltration venant du dehors. L’étanchéité de la zone était assurée par des sas munis de portes étanches spéciales, conçues ingénieusement par le major Willy Elfer. Le cas échéant, en cas d’incendie ou d’attaque par les gaz de combat, l’air était filtré avant d’être diffusé dans les locaux, pour éviter l’intoxication de la garnison.

La caserne souterraine, prévue pour l’effectif d’une compagnie, comprend 2 réfectoires pour 60 et 40 hommes, 3 dortoirs pour 103 hommes, une cuisine avec dépendance, une infirmerie avec salle d’opération, un bureau (commandant) et un poste de commandement. Un central téléphonique assure les communications avec l’extérieur et entre les différentes parties de l’ouvrage.

La salle des machines abrite 2 groupes électrogènes diesel-électriques (garantissant l’autonomie énergétique du fort), le système de ventilation collective, les batteries de filtres (CO pour le monoxyde de carbone, C pour la lutte contre les toxiques de combat) et un petit atelier permettant les réparations de fortune.

La défense du secteur durant la mobilisation

Durant la mobilisation, la défense du secteur frontière de la trouée de Jougne fut assurée par 2 bataillons frontière de fusiliers (Bat. fr. fus. 213 et 214) tandis que le fort de Pré-Giroud était occupé par la compagnie de forteresse 91 (Cp. fort. 91). Le dispositif était complété par un détachement de mineurs, par les Gardes frontière postés à Vallorbe, la Garde locale et un détachement de défense aérienne passive (D.A.P., précurseur de l’actuelle protection civile), plus quelques gendarmes.

Quelques dates marquantes

1937              : début de la construction du fort de Pré-Giroud.

1938              : les Allemands envahissent l’Autriche et la Tchécoslovaquie.

29 août 1939  : mise sur pied des troupes de protection frontière suisses.

30 août 1939  : le Conseil fédéral nomme le général Guisan à la tête de l’armée suisse.

2 sept. 1939   : mobilisation générale de l’armée suisse, en réponse à l’invasion de la Pologne.

10 mai 1940   : Hitler lance sa grande offensive contre le Benelux et la France.

12 mai 1940   : les panzers percent les lignes françaises à Sedan et se ruent vers la Manche.

26 mai 1940   : les tenailles de l’armée allemande se referment sur la poche de Dunkerque.

27 mai 1940   : visite du général Guisan à Vallorbe.

3 juin 1940     : les Allemands sont devant Paris.

15 juin 1940   : les Allemands arrivent en force à la frontière suisse de Vallorbe.

22 juin 1940   : la France humiliée et écrasée signe l’armistice avec les forces de l’Axe.

1941              : achèvement des petits fortins de protection extérieure du Fort de Pré-Giroud.

6 juin 1944     : les Alliés débarquent sur les plages de Normandie.

15 juin 1944   : mise sur pied des troupes frontière suisses. Pré-Giroud est en alerte !

27 août 1944  : les Allemands quittent définitivement la frontière de Vallorbe.

28 août 1944  : un détachement de F.F.I. remplace les Nazis à la frontière de Vallorbe.

12 sept. 1944 : arrivée à Vallorbe d’une jeep américaine portant un drapeau suisse.

24 avril 1945  : le maréchal Pétain est remis au général Koenig à la frontière de Vallorbe.

7 mai 1945     : capitulation officielle du IIIe Reich allemand.

1988              : le Fort de Pré-Giroud est la première fortification suisse à ouvrir au public!

 Pour en savoir plus :

Pourquoi une forteresse à Pré-Giroud Vallorbe ? ouvrage de M. André Jaillet édité en 1988 par la Fondation du fort de Vallorbe. 2ème édition 1993. Imprimerie Vallorbe S.A. 66 pages richement illustrées.

VISITES DU FORT DE PRÉ-GIROUD

Informations et réservations:

tél.       ++41 21 843 25 83

++41 21 843 22 62

contact@vallorbetourisme.ch

www.vallorbe.ch/tourisme/visite/fort

Comment y arriver:

Depuis la Franche-Comté: suivre la E23 / N57, direction Pontarlier – Lausanne, jusqu’à Vallorbe. Depuis Genève et Lausanne: Autoroute E23 / N1 en direction de Dijon, Besançon, jusqu’à Vallorbe.

Depuis Bern et Zürich: autoroute E25 / N1, direction Lausanne – Genève, puis E23 direction Dijon.

L’itinéraire d’accès est balisé et fléché depuis le centre du village de Vallorbe.

 

À propos Moret Jean-Charles

Fondateur de l'Association Pro Forteresse Co-fondateur de l'Association Fort Litroz