252. Géographie militaire Haute Vallée du Trient en 1909 (Suisse)

Etat-major général du Département Militaire suisse                                                 SECRET

 

EXTRAIT

DE GEOGRAPHIE MILITAIRE DE LA SUISSE ET DE SES FRONTIERES

                                            SECTEUR VALAIS CENTRAL

                                             Par le Colonel A. Keller

                                                           1909

 

 

Chemin de fer Martigny-Châtelard (extrait)

Après des tunnels et des virages, apparaît la gare de Salvan à l’extrémité Nord du village, à 937 m. d’altitude,  une petite station climatique. Puis le train traverse le plateau rocheux du Plan du Sourd dans une courbe et à travers un tunnel incurvé et continue dans une seconde courbe. Puis un parcours de 2 km avec crémaillère et deux tunnels, le conduit en plaine ou il traverse le Trient et arrive à la Gare de Vernayaz. De là, il longe la route sur 4,7 km et arrive à l’arrêt de la Bâtiaz, puis, après avoir franchi la Dranse, à la place du Marché de Martigny-Ville, où le Tramway de Martigny-Bourg le rejoint avant de se diriger vers la gare du Chemin de fer du Simplon, à 700 m.

La voie étroite du train Martigny-Châtelard ne permet pas le transport de troupe, mais pourrait, en cas de guerre, fournir des services importants dans la phase des transports.

La voie est préparée pour la destruction aux endroits suivants :

  1. a) par des chambres de mines au tunnel du Balayé, entre Châtelard-Giétroz et Finhaut, à 1,5 km de Finhaut. Le tunnel est entièrement miné et la destruction a lieu sur une longueur de 180 m.
  2. b) un minage est installée au viaduc sur le Triège, en maçonnerie d’une seule arche de 35 m qui enjambe la gorge.
  3. c) deux chambres de mines sont installées dans les deux culées du pont.

Mont-Chemin (extrait)

Un blockhaus pour 100 hommes d’infanterie au Pas du Lein (avec 2-4 canons de 7,5 cm).

Ces forts et batteries devraient être à l’abri de l’escalade et entourés à une distance de 200 à 600 m par des retranchements avec galerie et casemates pour l’infanterie.

Troupes d’infanterie nécessaires :

3 bataillons                 Arpilles Ravoire

3 bataillons                 Plateau de Chemin

2-4 compagnies          aux Follaterres

Col de la Forclaz (extraits)

 Le renforcement du Col de la Forclaz

A la frontière française (Chamonix) une position avancée est souhaitable, en particulier la position au Col de la Forclaz. Le Génie a préparé une instruction concernant la fortification de campagne lors d’une mobilisation et a calculé qu’il serait nécessaire d’attribuer 200 hommes de la Landsturm de la compagnie 14 (Martigny-Ville) durant 5 jours.

Les travaux à exécuter sont les suivants :

1 . Construction d’un fossé au bord inférieur de la forêt qui s’étend de la paroi ouest de la   maison du Col de la Forclaz en direction sud jusqu’à la ravine située à environ 1,5 km

  1. Une barricade est à établir sur les berges de la ravine jusqu’à l’endroit où la forêt se termine.

 

  1. Trous de fusiliers sous ces deux défenses

 

  1. Un point d’appui d’infanterie doit être construit aux Prélayes

 

Les troupes suivantes seront attribuées :

1 bataillon d’infanterie pour occuper les deux ouvrages du Col de la Forclaz

2 canons de campagne en position sur le Col de la Forclaz à côté des maisons, avec comme capitale de tir les Zeppes à 2 km, le col de Balme à 4 km, les Zerbazières (Herbagères !) à 3 km, et le sentier muletier qui mène de Trient à l’alpage du Chanton. Une compagnie de Landsturm pour la protection du flanc gauche des Prélayes (un bataillon de montagne serait plus favorable), 1 section de sapeurs pour la protection du flanc droit de l’Arpille.

 

Attaque et défense du Col de la Forclaz

                                                            Attaque

 Un détachement de l’armée française qui opère à partir de la vallée de l’Arve supérieure ou à partir de la vallée de Martigny, peut prendre les dispositions suivantes :

-en collaboration avec des troupes qui viennent du Lac de Genève d’entente avec des troupes venant du secteur sud pour l’attaquer

-soit passer par le Grand Saint Bernard et le Simplon pour envahir l’Italie

-soit passer par l’Oberland Bernois pour envahir le canton de Berne ou attaquer le front ouest du Saint Gothard.

Dans tous ces cas, le comportement tactique à avoir de la frontière à la vallée du Rhône à Martigny sera le même.

La force d’invasion sera composée d’une colonne principale et d’une colonne de gauche qui se dirigera sur Sixt.

La colonne principale se déplacera de Chamonix à Argentière. De là, un important détachement, le 1/3 ou la moitié de la colonne, se dirigera sur le col de Balme et en partie par les Fours (voir carte Dufour XXII) sur le flanc gauche du col de Balme. Après la conquête de la crête de la montagne, le détachement descendra, d’une part le chemin de halage de Zerbauère (les Herbagères), d’autre part après avoir passé la Croix de Fer, sur l’alpage de Catogne dans la vallée de la voie navigable du Trient. A partir de là, elle attaquera dès le lendemain le Pas de la Forclaz.

La colonne principale marchera d’Argentière en direction du Col des Montets. Un petit détachement se dirigera à gauche du Vieux Pas (sud-ouest du Cheval Blanc) et se dirigera sur la vallée d’Emosson et rejoindra la colonne qui arrivera de Sixt. Le détachement principal se dirigera sur la rive droite de l’Eau noire et entrera sur le territoire du canton du Valais. La colonne sera divisée en deux détachements de même effectif. Le premier prendra la route en direction de Tête Noire, suivi à distance par l’artillerie de campagne et tous les trains d’équipage. En coopération avec la colonne débouchant du col de Balme, elles attaqueront la Forclaz et déboucheront à Martigny-Bourg dans la vallée du Rhône. Le deuxième détachement prendra le chemin de Finhaut-Salvan, puis rejoint par le détachement venant de Sixt, se dirigera sur Vernayaz dans la vallée du Rhône. Le détachement venant de Sixt est composé de 1 à 2 bataillons et est doté d’un équipement de montagne. Il marchera de Sixt-Giffre en direction d’Emosson puis …….

 

manque une page

 

…le passage par la Forclaz et Tête Noire ainsi que le col de Balme est plus facile que le chemin Finhaut-Salvan. Le déplacement de nos défense jusqu’à la frontière elle-même, soit de Barberine, en passant par Châtelard, Trient et le Col de Balme est à rejeter car la frontière passe dans la vallée supérieure de Barberine et de Susanfe et que le milieu naturel ne permet pas une forte défense dans ces secteurs. Nous devons déplacer le régiment chargé de la défense de la région de Trient et du Col de la Forclaz et le déployer à Finhaut. Il serait souhaitable que 2 Bataillons, dont 1 bataillon de campagne, et un ½ bataillon de montagne, ainsi qu’un détachement du génie, défendent la position gauche du Col de la Forclaz et le reste, soit 1 bataillon, 2 détachements de fusilier de montagne et 1 détachement du génie assurent la défense la position droite du même col. La ligne d’arrêt de l’ennemi est transférée de Finhaut à Vernayaz.

La position sur le Col de la Forclaz a pour mission de défendre et d’occuper celui-ci. Il faut donc barricader en lisière basse de la forêt de sapin clairsemée, à l’ouest du chemin conduisant au Glacier du Trient, avec des points défensifs le long du couloir qui se situe à 1,5 km du Col en dessous des Prélayes. Un bataillon est chargé de la défense de ce secteur et un ½ bataillon est en réserve au Col de la Forclaz. Le bataillon de campagne est également stationné au Col de la Forclaz. Un ½ bataillon couvre la frontière, renforcé par des gardes-frontière, du Col de Balme à l’Eau Noire.

Ces troupes, lors de leur retraite, feront exploser les chambres de mine du tunnel à l’ouest de Tête Noire et le Rocher Venetz. Elles établiront des positions solides, y compris à Tête Noire et sur le petit plateau de Litro (Jtroz sur la carte Siegfried). L’artillerie, en position au Col de la Forclaz et aux Prélayes, tiendra sous son feu le chemin muletier qui conduit du Col de Balme et de la Croix de fer au Chanton des Arolles et aux Zeppes.

La position de Finhaut est une position d’attente permettant d’intervenir dans la vallée. L’artillerie stationnée à Finhaut domine la vallée de l’Eau Noire ainsi que Tête Noire. La majeure partie du ½ bataillon de montagne va se déplacer en direction de Châtelard et détruire  la route de Giétroz en faisant exploser les minages situés dans les virages sous Giétroz. Le tunnel du Balayé de la ligne de chemin de fer est également détruit par l’explosion des chambres de mine. Les troupes garde-frontière qui sont dans la vallée de la Barberine supérieure ainsi qu’à Susanfe, au col de la Gueula, au Col de Susanfe, au Col de Barberine font passer par ces différents cols les renseignements jusqu’à Finhaut. En outre, elles tiennent la position du ravin du Triège ainsi que les ponts qui le franchissent et sont chargées de leur destruction. Les chambres de mines du chemin de fer et des routes entre Finhaut et Vernayaz sont à charger et à occuper. Enfin, le commandement de la défense de St. Maurice demande qu’un détachement de ses troupes extérieures qui défendent le Col du Jorat passe de la vallée du torrent du St Barthélémi à la cuvette de Salanfe.

Le commandant du détachement de Finhaut tiendra avec celui-ci le plus longtemps possible, tant que ses lignes de communications ne seront pas coupées et que les détachements de Barberine et Susanfe pourront garder leurs postes. Si le col de Barberine est perdu, il se retirera derrière le torrent du Triège et si l’ennemi a pénétré par le Col de Susanfe, il se retirera jusqu’à Salvan.

La réserve générale stationnée à Martigny pourra intervenir rapidement pour appuyer les unités engagées dans la vallée du Trient. Il serait nécessaire de réparer le chemin qui conduit de la Bâtiaz à Ravoire et là à l’Arpille. Il serait également nécessaire d’améliorer le chemin qui  conduit au Col de la Forclaz.

La réserve générale peut également apporter son soutien à Bovine en passant par le chemin du Borgeaud ainsi qu’à la Giète prés du Col de la Forclaz et encore aux Prélayes. L’ennemi peut emprunter ces itinéraires après la conquête de la Forclaz et pénétrer par le flanc droit et attaquer le bas du vallon prés de Martigny. Des positions devraient être préparées sur le chemin partant de Martigny-Bourg en direction du plateau des Ecoteaux que peut gagner l’ennemi.

L’artillerie de campagne peut être mise en positon sur ce plateau et prendre en enfilade la Combe de Martigny jusqu’au col de la Forclaz et même au-delà.

Il serait également intéressant de préparer l’emplacement destiné à l’artillerie de campagne sur le nez supérieur des Follatères dans le coude du Rhône. Cet emplacement est particulièrement intéressant.

Les positions d’artillerie doivent être occupée immédiatement dès que l’ennemi à franchi la frontière à partir du Col de Balme ou du Col de Menouve. Ces positions sont liées aux positions d’infanterie de l’Arpille, de la Giète, des Prélayes et des Ecoteaux.

D’autre partie de la réserve générale doivent renforcer les troupes dans la région du Haut Val du Trient, rive droite.

Dès que l’ennemi à franchit le Col de Barberine ou de Susanfe, il faut actionner au moins 1 bataillon d’infanterie en direction de Salvan et à partir de là, en fonction des circonstances, il apporterait son soutien en direction de Finhaut ou à Salanfe. Un bataillon d’infanterie et 1 à 2 batteries d’artillerie de campagne doivent rester à Martigny.

L’ennemi ayant conquis le Col de la Forclaz ne peut pas s’arrêter là. Il doit nécessairement descendre en direction de Martigny, entre les deux flancs de la montagne. Le moment est arrivé pour l’attaquer de l’une de ces hauteurs et de rejeter l’ennemi en arrière du Col de la Forclaz.

L’attaque de l’ennemi par le nord des gorges du Trient est peu probable. Toutefois, si cela devait arriver, les réserves de Martigny interviendraient pour empêcher l’ennemi de gagner Saint-Maurice.

Si l’ennemi est dans la plaine du Rhône, arrivant par Martigny ou la vallée du Trient, ce sont les troupes de la garnison de St Maurice qui devront repousser celui-ci, avec éventuellement l’aide des batteries d’artillerie situées sur l’éperon des Follatères si elles ne sont pas prises.

 

 

 

À propos Moret Jean-Charles

Fondateur de l'Association Pro Forteresse Co-fondateur de l'Association Fort Litroz