Ouvrage de la Ferté (Ardennes)

C’est un petit édifice dédié à l’infanterie, comptant deux blocs reliés entre eux par une galerie souterraine. Ce petit fort sans grande puissance de feu (des mitrailleuses, des fusils mitrailleurs, des goulottes lance-grenade et quelques canons antichar de petit calibre), fut longé par le nord, puis pilonné par plus de 250 canons allemands. Il ne bénéficia pas de l’appui des deux casemates censées l’épauler, équipées de canons de 75 mm mais prématurément abandonnées. Durant la nuit du 18 au 19 mai 1940, il fut attaqué par l’ouest alors qu’il était conçu pour se défendre contre des attaques venant du nord et de l’est.

Villy étant pris, les Allemands peuvent préparer l’attaque de l’ouvrage. Le général Karl Weisenberger, qui commande la 71e division allemande, ordonne que l’assaut soit lancé le plus rapidement possible, craignant qu’une contre-attaque française vienne dégager l’ouvrage. Pendant ce temps, l’ouvrage de la Ferté est pris à partie par l’artillerie allemande à partir de 18 h. Les assaillants ont réuni de gros moyens d’artillerie, près de 250 canons dont quatre redoutables pièces de 88 mm qui s’en prennent aux cloches du bloc 2 en tir direct et des mortiers lourds de 210 mm.

Pendant cette préparation d’artillerie, le réseau de barbelés et celui de rails sont très endommagés. Un créneau de la cloche GFM du bloc 2 est touché : les trois hommes qui se trouvent là sont tués sur le coup. La tourelle AM à éclipse reste bloquée en position intermédiaire après son utilisation pour faire de l’observation : il est impossible de la redescendre. Aucun tir d’artillerie français d’« épouillage » n’est effectué à ce moment-là sur l’ouvrage malgré la présence à distance de l’infanterie allemande. Les pionniers (génie militaire allemand) attaquent à 19 h 20, aidés par la fumée et par les trous d’obus. Ils parviennent sur les dessus du bloc 2 dont les cloches sont neutralisées par des charges explosives placées contre les créneaux. Une charge très puissante est plaquée contre la muraille de la tourelle. À la suite de l’explosion, la tourelle se retrouve en porte-à-faux (état actuel) et les Allemands peuvent alors lancer des grenades et autres charges explosives à l’intérieur du bloc qui entraînent une quasi-panique chez les défenseurs. Des incendies se déclarent et les hommes gagnent les dessous, la galerie de liaison souterraine. Mais les portes formant un sas, censées isoler le bloc 2 et la galerie, ne sont pas fermées, permettant aux fumées nocives d’envahir progressivement la galerie.

Une contre-attaque française, menée par deux bataillons de la 6e DI soutenus par dix chars lourds B1-bis de la 3e DCR, est lancée en vain depuis le bois du Ligant (à Olizy-sur-Chiers) à la suite de l’incapacité de l’infanterie de progresser. Sans succès. Le 18 mai à 22 h 30, les Allemands se lancent à l’assaut du bloc 1. Les cloches sont neutralisées. Conscient de la gravité de la situation, le lieutenant Bourguignon demande plusieurs fois à ses supérieurs à pouvoir donner l’ordre d’évacuation à son équipage. Mais ceux-ci lui imposent de continuer le combat et interdisent toute évacuation et toute capitulation tant qu’il lui reste des armements actifs. Peu à peu, les fumées dégagées par les multiples incendies se propagent dans tout l’ouvrage et les hommes doivent porter leur masque à gaz en permanence. Une grande partie de l’équipage du bloc 1 se réfugie également dans la galerie souterraine, retrouvant dans ce lieu exigu leurs camarades du bloc 2. Les cartouches de masque anti-gaz manquent progressivement et ne sont pas adaptés à la situation.  La galerie souterraine n’a pas été non plus conçue pour constituer un abri. Elle est trop étroite et sans ventilation autonome. L’asphyxie fait son œuvre sur les hommes cramponnés aux câbles téléphoniques. Le lieutenant Bourguignon gagne difficilement sa chambre et s’affale sur son bureau. Au matin du 19 mai, des fumées sont visibles au-dessus de l’ouvrage. Il n’y a plus aucun survivant à l’intérieur.

Après la chute de l’ouvrage, les Allemands cherchent à y pénétrer mais les gaz toxiques les en empêchent. Les corps des soldats français ne sont sortis qu’au début du mois de juin. C’est dans la galerie de liaison entre les deux blocs et la partie souterraine que l’on retrouve la majeure partie des corps. Ils sont enterrés dans la fosse commune de Villy. En 1941, un cimetière provisoire est aménagé dans le village de Villy avec l’accord des autorités occupantes mais les corps de Bourguignon et de plusieurs hommes manquent à l’appel. Ils ne sont retrouvés qu’en 1973 devant le bloc 2 : ils avaient été inhumés dans les entonnoirs creusés par les obus.

Les noms des 106 membres de l’équipage sont inscrits de chaque côté du monument aux morts construit en 1949. Aujourd’hui, une bonne partie de l’équipage repose dans un petit cimetière militaire aménagé au début des années 1960 face au monument commémoratif. L’ouvrage a fait l’objet d’une inscription au titre des monuments historiques le 16 mai 1980

 

À propos Moret Jean-Charles

Fondateur de l'Association Pro Forteresse Co-fondateur de l'Association Fort Litroz