Les armes du système Schmidt-Rubin (Suisse)

Le fusil M 1889

Le fusil M 1889 fut le premier de la longue série des armes du système SCHMIDT-RUBIN. Le nombre d’exemplaires produits s’élève à 212’000. Il se caractérise par toute une série de points originaux, que l’on ne retrouve pas souvent sur les armes étrangères.

Il s’agit tout d’abord d’une arme à action rectiligne, c’est-à-dire que le tireur n’a qu’à tirer sur la poignée de charge pour actionner la culasse, et à la repousser pour recharger l’arme. Une rainure en spirale permet de faire tourner la douille de fermeture, dont les tenons sont situés très à l’arrière de la culasse.

Ce système d’action directe de la culasse était considéré comme supérieur au système plus classique où il faut faire pivoter la culasse à l’aide du levier, car il ne comporte que deux mouvements au lieu de quatre, et le chargement est donc plus rapide. Cet avantage est essentiellement théorique, car il exige une force plus grande pour l’extraction de l’étui, surtout si l’arme a été contaminée par de la boue. Mais à l’époque la guerre des tranchées était encore loin. Des systèmes à action rectiligne furent adoptés par l’Autriche-Hongrie (MANNLICHER), LES us Marines (LEE) et le Canada (ROSS). Le fusil américain Lee ne connut qu’une très brève vie car son très petit calibre (6mm) était mal adapté aux poudres de l’époque ; les armes canadiennes furent très rapidement retirées du service car la boue des tranchées les bloquait trop facilement, et seuls les Austro-Hongrois les utilisèrent durant toute la Grande Guerre. Les fusils suisses n’eurent pas à connaître l’épreuve du feu, mais on peut penser qu’ils auraient bien passé le test, car comparés aux armes étrangères mentionnées ci-dessus ils présentent deux avantages décisifs : d’une part la culasse se laisse démonter et nettoyer très facilement, et d’autre part le gros diamètre de sa douille de fermeture offre un bras de levier nettement supérieur à ce qui existe dans le ROSS et le MANNLICHER, permettant ainsi une rotation plus facile des tenons de verrouillage, ainsi qu’une bonne extraction primaire de l’étui de la cartouche.

Le système de sécurité est lui aussi remarquable, consistant en un gros anneau à l’arrière du percuteur qui permet de le retirer facilement en arrière avec le doigt, et de l’assurer en le tournant de 90°. Le maniement est aisé, et ce dispositif très visible permet d’éviter bien des accidents.

Le colonel SCHMIDT se tenant très au courant des différents développements étrangers, il choisit un magasin ressemblant à celui inventé par l’Américain J.P. LEE. Il s’agit ici d’une boîte amovible protubérante pouvant contenir 12 coups, c’est-à-dire la capacité du fusil Vetterli jusqu’alors en usage. Un levier interrupteur permet de mettre le magasin hors service, car les  conceptions tactiques de l’époque étaient que le tir à répétition ne devait intervenir que dans les cas d’urgence, pour repousser un assaut par exemple. Pour le tir ordinaire on chargeait coup par coup. Cette idée venait du fait que les premières armes à répétition comme le Vetterli ou la Winchester étaient dotées d’un magasin tubulaire très lent à recharger. Cela n’était plus nécessaire avec l’invention du chargement en paquet, qui permettait de regarnir le magasin de plusieurs cartouches à la fois aussi vite que si l’on chargeait un coup isolé. Bien que le M 1889 soit doté de cette capacité, les cartouches étant introduites à l’aide d’un chargeur de 6 coups en carton renforcé, l’interrupteur fut considéré comme nécessaire. L’usage allait démontrer qu’il était plus gênant qu’utile, l’interruption pouvant être actionnée par mégarde. On dota ainsi plus tard toutes les armes en service d’un petit dispositif en tôle qui bloque le levier en position répétition.

Par rapport aux armes étrangères le M 1889 présente le défaut d’être un peu plus lourd (tare qui caractérisera tout l’armement suisse jusqu’à l’adoption du fusil d’assaut 90), et sa culasse est démesurément longue. Avec ses tenons placés très à l’arrière elle a tendance à vibrer, ce qui nuit à la précision. Elle manque aussi de résistance, ce qui l’empêche de tirer une munition à forte pression. Ainsi il est absolument déconseillé de tirer avec un M 1889 la munition actuelle (GP++), car on risque l’accident.

Le fusil M 1889/96

On se rendit très vite compte de cette faiblesse, et l’on comprit qu’il fallait ramener les tenons de verrouillage plus à l’avant. Curieusement Rudolf SCHMIDT déclara que c’était impossible, et c’est un autre ingénieur, le contrôleur VOGERSANG, qui réalisa la transformation. L’arme qui en résulta fut le fusil M 1889/96, fabriqué à 137’000 exemplaires.

Avec le tournant du siècle, de nouveaux progrès furent réalisés dans le domaine des munitions : la France adopta une balle pointue, dite balle D, en 1898, et fut suivie par l’Allemagne qui fit de même en 1905. Un poids plus léger et un meilleur aérodynamisme permettaient une plus grande vitesse initiale, une plus longue portée et, ce qu’on ne découvrit que plus tard, un plus grand effet vulnérant.

La supériorité de ces munitions étrangères amena la Suisse à se pencher sur le problème, et en 1908 une nouvelle cartouche fut présentée. Elle allait être adoptée sous sa forme définitive en 1911, et est encore en usage dans notre armée, maintenant seulement pour les mitrailleuses, vu le retrait du fusil d’assaut 57.

La bonne solidité de la culasse du M1889/96 permit d’envisager la transformation de ces fusils pour la nouvelle munition. ON obtint ainsi le fusil M 1896/11. 135’000 fusils furent ainsi transformés.

La transformation consista, outre le remplacement du canon et de la hausse, en l’adoption d’un magasin à 6 coups, qui ne dépasse pratiquement plus sous le fût, ainsi que par l’ajout d’une pièce de bois sous l’avant de la crosse, lui donnant une forme de poignée de pistolet facilitant la tenue de l’arme et ainsi la précision.

Le fusil et le mousqueton M 1911

 Le modèle 1911, construit à 127’000 exemplaires pour les fusils d’infanterie, et plus de 185’000 pour les mousquetons, est une fabrication neuve incorpo9rant les transformations mises en œuvre sur le M 1889/96. La poignée de pistolet n’est plus rapportée, mais directement taillée dans la masse lors de la fabrication de la crosse.

La longueur du canon du fusil d’infanterie représentait l’optimum balistique possible pour la cartouche 1911. Les dimensions de cette arme correspondaient à ce qui était alors en usage dans les différentes armées étrangères.

Certaines armes, à commencer par la cavalerie, ne pouvaient s’accommoder d’un fusil aussi long. Ne pouvant obtenir une version raccourcie du fusil M 1889 la cavalerie fut dotée en 1893 d’une carabine du système autrichien MANN LICHER, qui ne donna pas satisfaction. On s’efforça donc de mettre au point une arme courte du système M 1896, qui fut adoptée en 1905. Avec l’adoption de la cartouche 1911 ce fut le mousqueton correspondant qui fut donné à la cavalerie, ainsi qu’^à l’artillerie, au génie, cyclistes, motocyclistes et mitrailleurs.

Le mousqueton M 1931

 L’avantage d’une arme courte dans le combat moderne avait été démontré durant la Grande Guerre. Hélas le mousqueton M 1911 était moins précis que le fusil, ce qui a son importance dans un pays pratiquent autant le tir sportif. Il n’était donc pas pensable d’en doter toute l’armée.

Fort heureusement, en étudiant notamment des modifications permettant d’en simplifier la fabrication et donc d’en diminuer les coûts, les ingénieurs de la fabrique fédérale d’armes réussirent à concevoir une modification radicale de la culasse, qui, si elle en gardait les principes généraux, n’en était pas moins révolutionnaire : les tenons de verrouillage furent placés tout à l’avant de la douille de fermeture, qui enveloppe désormais la culasse sur pratiquement toute sa longueur.

Le magasin est maintenant directement plaqué contre le pontet de sous-garde, et ce raccourcissement de la culasse permet un allongement correspondant du canon, lui donnant des caractéristiques balistiques identiques au fusil 1911.

Ce mousqueton fut larme personnelle du soldat suisse durant la deuxième guerre mondiale et jusqu’à l’adoption du fusil d’assaut 57. Il fit largement ses preuves, et connaît encore une certaine popularité auprès des tireurs.

Il fut aussi adopté par les forces de gendarmerie, et arma la garde pontificale.

Le mousqueton à lunette M 1931/55

 La seconde guerre mondiale mit en évidence le rôle que pouvaient jouer les tireurs d’élite. S’inspirant des exemples étrangers, notre armée s’équipa dans un premier temps de mousqueton M 1931 auxquels on vissa latéralement à la boîte de culasse une petite lunette de visée. Ces solutions ne se révélèrent pas satisfaisantes et finalement il fut décidé de créer une arme entièrement nouvelle, uniquement destinée à cette mission. Le mousqueton à lunette M 1931/55 représente ainsi l’ultime évolution du système SCHMIDT-RUBIN.

La Culasse est celle du M 1931, modifiée de manière à s’adapter à la nouvelle boîte de culasse, qui diffère de celle du mousqueton standard par son inclinaison, permettant ainsi de placer le paquet de cartouches dans l’ouverture supérieure lorsque la lunette est fixée sur l’arme.

Avec son bipied, son frein de bouche et sa crosse ergonomique, ainsi qu’un canon épais lui assurant une grande précision, ce fusil constituait une arme redoutable entre les mains d’un tireur entraîné.

Tiré du mensuel de la Société Militaire de Genève 2/2004

À propos Moret Jean-Charles

Fondateur de l'Association Pro Forteresse Co-fondateur de l'Association Fort Litroz