Le verrou de Saint-Maurice dans l’histoire

Aussi loin que l’on remonte dans la préhistoire, la cluse de Saint-Maurice a toujours constitué un passage obligé contrôlant la haute vallée du Rhône.

Dès le VIIIe siècle av. J.-C., des guerriers celtes venus du nord avec leurs clans franchissent la cluse et s’infiltrent dans la haute vallée du Rhône pour s’établir en Valais, attirées sans doute par le climat sec et très ensoleillé de la contrée. Ces Celtes sont à l’origine de la population valaisanne actuelle. Au Ier siècle av. J.-C., le Valais est en effet habité par quatre peuples aux noms bien celtiques : les Ubères (“ceux d’en haut”) occupent le Haut-Valais en amont de Sierre, tandis que les Sédunes (“ceux de la forteresse du rocher”) sont installés dans le Valais-Central, autour de Sion qui est sans doute leur chef-lieu.  Plus bas s’étend le territoire des Vérages (“les très vindicatifs”) qui englobe toute la vallée comprise entre Riddes et Saint-Maurice, y compris les trois vallées des Dranses. Leur capitale Octodure (Martigny), située près du coude de la vallée du Rhône, leur permet de contrôler le fructueux trafic vers l’Italie qui passe par la cluse et le  mont Poeninus, l’actuel col du Grand-Saint-Bernard (2473). Enfin, en aval de la cluse de Saint-Maurice, les Nantuates contrôlent toute la plaine et les montagnes du Chablais jusqu’à Pennelocos (“la tête du lac”), l’actuelle Villeneuve. Leur nom signifie “ceux de la vallée”, sans doute un surnom donné par leurs voisins du nord, les Helvètes du Plateau suisse.

A l’automne 57 av. J.-C., Jules César, embourbé dans la Guerre des Gaules, envoie 2 légions et son légat Galba hiverner chez les Celtes du Valais pour prendre le contrôle de l’axe du Grand-Saint-Bernard. Mais l’opération tourne au désastre pour les Romains. Les redoutables Véragres de Martigny refusent en effet farouchement de sacrifier leur liberté et de se soumettre aux aigles romaines: s’ensuit un soulèvement armé général contre l’occupant. Les deux légions romaines, retranchées dans le petit bourg d’Octodure, sont harcelées et taillées en pièces par les guerriers Véragres et les Sédunes venus prêter main-forte. S’ensuit un combat acharné. Submergés par la fougue des Celtes valaisans, sur le points d’être exterminés jusqu’au dernier, les légionnaires romains échappent  in extremis à la mort en faisant une sortie en masse et en se repliant prudemment sur le territoire des Allobroges, probablement dans la région de Genève.
Ils ne remettront les pieds en Valais qu’un demi siècle plus tard, vers 16 av. J.-C., à l’occasion de la conquête des peuples des Alpes, mais ne parviendront pas à véritablement romaniser les Valaisans de l’époque qui conserveront une forte empreinte celtique sous un vernis de romanité…

L’importance stratégique du verrou de Saint-Maurice n’échappe pas aux Romains qui installent au défilé d’Acaunum (Saint-Maurice) une garnison et un poste de péage sur la voie romaine du Mont-Joux (col du Gd-St-Bernard), de façon à contrôler le commerce transalpin et à sécuriser cette importante artère de communication reliant l’Europe méditerranéenne à la Gaule et à la partie septentrionale de l’Empire. Vers 274 apr. J.-C., les légions romaines repoussent dans le défilé une incursion germanique des Allamans qui ravagent l’Helvétie et l’est de la Gaule, protégeant ainsi le Valais qui devient un territoire refuge où affluent les familles sénatoriales et patriciennes en mal de sécurité. Vers 280, une légion thébaine (levée à Thèbes en Egypte), commandée par le futur Saint-Maurice et constituée de soldats de confession chrétienne, y est décimée pour avoir refusé d’honorer l’empereur et de procéder aux sacrifices d’usage. En 514, Sigismond, roi des Burgondes, peuple germanique installé en Suisse romande, y fait élever un monastère sur le tombeau du saint martyre, de façon à faire de Saint-Maurice la métropole religieuse de son royaume fédéré.

Au Haut Moyen Age, c’est une incursion des Lombards venus d’Italie du Nord par le col du Grand-Saint-Bernard qui est arrêtée par les Francs en 574 dans une bataille près de Bex. En 940, la vénérable abbaye constituée sur le tombeau de Saint-Maurice est saccagée et incendiée par les Sarrasins qui contrôlent alors les principaux passages des Alpes occidentales, dont le Grand-Saint-Bernard.

A la fin du Moyen Age, les Valaisans édifient dans le défilé un château pour contrôler la cluse et le pont de pierre qui enjambe le fleuve. Il subsiste toujours actuellement.

En 1831, c’est encore à Saint-Maurice que sont édifiées les premières fortifications érigées par la Confédération suisse, sous l’égide du général Henri Dufour. Elles seront complétées et renforcées en 1859 et par la suite. Dès la fin du 19ème siècle, c’est Saint-Maurice et non pas le carrefour de Martigny qui est choisi pour édifier la forteresse chargée de verrouiller le passage des Alpes. Ces fortifications, noyaux de la forteresse de Saint-Maurice, ne cesseront d’être renforcées tout au long du 20ème siècle pour aboutir à la concentration actuelle, l’une des plus fortes de Suisse et d’Europe. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si on compare souvent le complexe de Savatan-Dailly aux puissantes fortifications du rocher de Gibraltar…

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