Le fusil d’assaut 57 ou Sturmgeweht 57

L’officier en tenue camouflée ne quittait pas des yeux les dix transports de troupes blindés qui serpentaient un peu plus bas dans la vallée. « Maintenant c’est bon ! Vas-y ! » Le jeune grenadier appuya sur la mise à feu et la montagne trembla. Une partie de la paroi se détacha entraînant dans le vide deux blindés. Une centaine de soldats giclèrent des véhicules épargnés et essayèrent de se déployer. Mais la crête au-dessus d’eux s’illumina. A cinq cents mètres, chaque Sturmgewehr marquait des points. Quelques grenades à fusil bien placées achevèrent de semer la déroute chez l’ennemi. Un officier qui essayait de réagir fut atteint d’une balle entre les deux yeux. Une fois de plus l’extraordinaire précision du fusil d’assaut 57 avait fait merveille.

On décroche ! Nébulogène ! hurla l’officier. Les grenades explosèrent et la fumé s’accrocha aux rochers, permettant aux grenadiers de montagne de se replier. Une vingtaine de soldats venaient de retarder une compagnie d’infanterie blindée ennemie en lui causant de lourdes pertes. Cela grâce à un excellent entraînement, mais aussi à un excellent fusil : le Sturmgewehr 57 ou fusil d’assaut 57 (Fass 57).

 

Le Fusil du citoyen soldat

Ce petit récit est bien sûr purement fictif. Mais en cas de guerre sur le territoire de la Confédération, il est sûr que des faits semblables se produiraient des centaines de fois, brisant le moral des assaillants et le rendant vulnérable aux grosses contre-attaques qui ne manqueraient pas de suivre de telles actions.

L’armée de milice helvétique est la plus importante d’Eu­rope avec 650 000 hommes mobilisables en trois jours et connaissant parfaitement bien le terrain. Même s’il va bientôt être remplacé par une arme plus moderne, le Sturmgewehr 57 est un des artisans principaux de cette politique de défense. Il ne faut pas oublier que la Confé­dération est truffée de sociétés de tir et que déjà, bien avant son service militaire, l’adolescent Suisse est déjà en contact avec les armes à feu et à l’occasion de s’entraîner au sein de sa société de tir régionale prémilitaire. Une fois qu’il a effectué son service militaire, le citoyen suisse garde en permanence chez lui son fusil d’assaut 57 et un chargeur de dix cartouches. Il est de plus astreint certains week-end à des séances de tir obligatoires et, de ce fait, restera toute sa vie lié à son arme,

Du climat subtropical au froid polaire des glaciers

Dans les années cinquante, l’état-major suisse émit un concours pour une arme moderne pouvant tirer en rafa­les et qui pourrait remplacer le mousqueton modèle 31, le fusil mitrailleur et la mitraillette. Ce fut le modèle Fass 57 de la célèbre firme S1G (Schweizerische Industriegeselschaft) de Neuhausen am Rheinfall qui remporta le concours. La S1G avait réussi à produire une arme dotée d’une grande puissance de feu tout en restant simple et maniable comparée au mousqueton. Ces trois conditions ne pouvaient alors être remplies par aucune des autres armes testées, et c’est pourquoi le produit de la SIG fut choisi non sans avoir subi d’éprouvants tests compara­tifs. L’arme fut notamment essayée dans les climats sub­tropicaux des grands lacs de la frontière italienne et dans les froids polaires des grands glaciers qui recouvrent le pays. En 1960, les premiers exemplaires arrivaient dans les écoles de recrues et l’année suivante le Sturmgewehr 57 entrait en service dans les unités,

Le fusil d’assaut 57 est une arme se rechargeant d’elle même par l’effet du recul. Il peut être engagé avec des munitions de 7,5 mm pour les distances jusqu’à 600 m ;

comme arme antichar tirant des grenades performantes à charge creuse à fusil pour les distances jusqu’à 100 m ;

comme mortier tirant des grenades d’acier à fusil et des grenades nébulogènes à fusil jusqu’à 250 m en tir à tra­jectoire tendue et jusqu’à 400 m en tir à trajectoire courbe ;

pour le combat à l’arme blanche.

Les Suisses ont un langage coloré et emploient nébulogène à la place de fumigène, De même, le levier de tir et de sûreté placé sur la poignée pistolet est marquée de trois lettres, à savoir S ; sûreté ou safe, E : Einschusse ou coup par coup et M ; curieusement mitraille pour désigner le tir automatique.

Quoique très longue, l’arme à un aspect classique avec une courte caractéristique, un peu du type MG 34, une boite de culasse, un chargeur lisse de 24 coups et un canon démesuré muni d’une bande ventilée. Un bipied rétractable assure la stabilité de l’arme lors du tir auto­matique. Ne vous fiez cependant pas à cette apparence un peu rétro, c’est une arme des plus redoutables.

A côté de la détente normale, la détente d’hiver est utili­sée pour le tir avec moufles et en particulier lors d’enga­gements des grenades à fusil en trajectoire courbe. Lors­que la détente d’hiver est abaissée, elle actionne la détente au moyen du tenon de détente d’hiver. Lorsqu’un soldat suisse termine sa période annuelle, il rentre chez lui avec son Sturmgewehr, mais doit néan­moins aller régulièrement au stand de tir de sa commune pour s’entraîner. Or, le tir en automatique est interdit sur ces stands. Le constructeur y a pensé et a placé sur la poi­gnée pistolet un petit arrêtoir de tir en rafales mobiles. Dès qu’il va quitter la caserne, le soldat place le coté peint en blanc de cette petite pièce vers l’extérieur du fusil, blo­quant ainsi le dispositif de détente de manière à ce que seul le coup par coup soit possible. Lorsque l’arrêtoir de tir en rafales est engagé du coté noir, le tir automatique est de nouveau possible.

Le dispositif de visée comprend un dioptre et un guidon qui se rabattent et un dispositif de visée pour tir nocturne adaptable. Le dispositif de visée permet de tirer de 100 à 640 m environ.

Le chargeur, comme nous l’avons dit plus haut, contient 24 cartouches de 7,5 mm, une munition très puissante, trop puissante même selon les critères actuels. Chaque soldat suisse emporte avec lui cinq chargeurs. Un char­geur spécial de 6 cartouches propulsives pour grenades à fusil existe. Pour éviter de tragiques méprises, il est peint en blanc et doté d’un système de blocage empê­chant le tir en automatique.

Fonctionnement

Lorsque l’arme est prête au tir, la culasse est fermée et verouillée. Le ressort de fermeture pousse avec sa pointe la came conductrice de la culasse vers l’avant ; la tête de culasse et le coin de la came conductrice sont donc pous­sés l’un dans l’autre et le coin, avec ses surfaces de gui­dage, pousse de côté les deux galets de verrouillage dans les contreforts. Dans cette situation, le chien et le levier de percussion sont tendus.

Le départ du coup s’effectue de la manière suivante : à la suite de la pression sur la détente, le chien est libéré. Sous la pression du ressort de percussion, il frappe le levier de percussion et celui-ci le percuteur, Le percuteur de son côté frappe l’amorce de la cartouche qui fait enfin partir le coup,

Le déverrouillage de la culasse s’effectue de la manière suivante : la pression des gaz provenant de la combus­tion de la poudre pousse d’une part le projectile et agit d’autre part sur la crosse par l’intermédiaire du culot de la douille, de la tête de culasse, des galets de verrouillage et de la boite de culasse. En même temps, la force qui s’exerce sur les galets de verrouillage agit également sur le coin de la came conductrice. Cette dernière glisse en arrière, les galets de verrouillage sortent de leurs contre­forts et la came conductrice tire la tête de culasse en arrière. La culasse ne s’ouvre pas avant que le projectile ait quitté le canon et toute la culasse glisse de ce fait en position arrière.

Pendant le recul de la culasse, l’éjecteur glisse le long de la rainure courbe de guidage. Il est tourné à droite et éjecte la douille. La came conductrice repousse le chien jusqu’à ce qu’il soit engagé à nouveau et le dispositif de détente ainsi que le ressort de fermeture sont tendus. Le ressort du magasin pousse la cartouche suivante devant la tête de culasse.

Pendant la course de la culasse vers l’avant, la cartouche suivante est saisie et poussée dans la chambre. De ce fait, l’index de charge est levé et sort visiblement de la boite de culasse. L’arme est à nouveau prête au tir.

 

Démontage de campagne

En Suisse, patrie de la propreté, les armes sont huilée et nettoyée de manière parfaite, et pour cela, il faut bien sûr démonter son Sturmgewehr 57. On commence par retirer le chargeur et la bretelle après s’être assuré que la cham­bre ne contenait plus de cartouche. Il faut ensuite enle­ver la crosse en pressant sur la sûreté de crosse et en tour­nant à gauche. La culasse sort tout de suite en la tirant vers l’arrière. On enlève ensuite la poignée de charge. La culasse sortie, avec la pointe de ressort de fermeture, on sort la goupille de la tète de culasse et on sépare la tète de culasse de la came conductrice. Il ne reste plus qu’à enlever le dispositif de détente en pressant des deux côtés l’axe de la boite de détente, Une fois chaque pièce bien nettoyée, on peut aller avec ses amis du stand de tir savourer une bonne fondue arrosée du fendant toujours exceptionnel.

Le remontage se fait bien sûr dans l’ordre inverse. Le fusil d’assaut 57 tire une cartouche de 7,5 mm pour fusil pesant 26,8 g. Cette cartouche très puissante perce 60 cm de bois de sapin à 5 m et 55 cm à 1200 m, Il existe également une cartouche propulsive 44 pour le tir de gre­nades, une cartouche lumineuse (traçante), une cartou­che de marquage (à blanc) et une cartouche de manipu­lation pour l’instruction.

 

Les grenades à fusil

L’armée suisse met un accent bien particulier sur le tir de grenades à fusil. Cette mini artillerie du fantassin peut dans un contexte bien particulier être utile. Il sera très difficile de détruire un char moderne avec ce type d’arme, mais pour l’équipage d’un char touché par une grenade à fusil, l’effet psychologique peut être désastreux et entraîner une perte de combativité. De plus, contre de l’in­fanterie à couvert encore la grenade à tir courbe demeure l’arme idéale.

Quatre types de grenades sont employés avec le Sturmgewehr 57 ; la grenade perforante à charge creuse 58 à fusil (antichar) ; la grenade d’acier 58 à fusil qui, lors de l’explosion, envoie, dans un rayon de 15 m au moins, deux éclats dangereux par m2 et dont le souffle est mortel dans un rayon de 4 m ; la grenade nébulogène 58 qui permet de couvrir un objectif ou un chemin de repli d’un brouil­lard artificiel pendant quelques minutes ; la grenade d’exercice 58 à fusil pour l’entraînement.

Une lunette permettant le tir jusqu’à 800 m et une lunette de nuit à infrarouge peuvent également être montées sur le fusil d’assaut 57.

 

Sur le terrain, défaut et qualité

Pour le terrain montagneux permettant des engagements à longue distance, le Sturmgewehr 57 était une arme par­faite. La précision est assurée à six cent mètres et la puis­sante munition traverse facilement un tronc de sapin. Une robustesse à toute épreuve lui permettait de supporter les chocs de la vie militaire. Mais cette arme exceptionnelle est très lourde (le Sturmgewehr 57 est le fusil le plus lourd du monde en service) et très encombrant. Il est difficile à caser dans un véhicule et sa longueur rend les prises de position et le tir difficiles. Le recul est relativement important, et quand on a dans les mains un Sturmgewehr, on peut dire qu’on a un réel ” fusil ». Cependant, à l’heure actuelle, de nouvelles techniques de construction et de nouveaux matériaux permettent la fabrication d’armes plus légères disposant de grandes capacités de tir. De plus les calibres se sont réduits et tous les pays essaient d’exporter leurs produits.

Techniquement, il n’y aurait pas de raison de remplacer le Fass 57. La précision de l’arme et l’efficacité de la car­touche satisfont pleinement aux exigences actuelles, Mais chaque Sturmgewehr 57 a déjà subi deux révisions tech­niques, ce qui est un maximum pour une arme de cette catégorie, Plus de 600 000 Sturmgewehr 57 furent cons­truits entre 1957 et 1983.

Exportation

La firme entreprit également la fabrication d’un Sturm­gewehr 57 en un calibre 7,62 OTAN plus vendable que le 7,5 Suisse. Cette arme baptisée SG 510-4 légèrement modifiée fut adoptée par les armées chilienne et aussi bolivienne.

Aussi, malgré toutes ces qualités, le Sturmgewehr 57 devrait être remplacé prochainement par le fusil d’assaut 90 en calibre 5,56 mm. Mais pendant quelques années, encore le fusil d’assaut 57 garnira les cheminées des citoyens soldats Helvétiques.

 

Données techniques

Arme et munition

Calibre : 7,5 mm (tolérance : + 0,05 mm)

Longueur du canon, y compris le tromblon : 690 mm

Longueur de la partie rayée du canon : 520 mm

Nombre de rayures : 4

Longueur du pas des rayures : 270 mm

Longueur de la ligne de visée : 635 mm

Longueur de l’arme sans baïonnette : 1100 mm

Longueur de l’arme avec baïonnette : 1300 mm

 

Cadence de tir

Tir coup par coup : jusqu’à 10 coups/mn

Tir coup par coup rapide : jusqu’à 60 coups/mn

Tir en rafales (cadence technique) : 450-600 coups/min

 

Grenades 58 à fusil, tir à trajectoire courbe : jusqu’à 3 coups/mn

 

Grenades 58 à fusil, tir à trajectoire tendue : jusqu’à 5 coups/mn

 

Poids

Arme complète, sans magasin : 5,700 kg

Magasin pour munition de 7,5 mm, vide : 0,250 kg

Magasin pour munition de 7,5 mm, rempli de 24 cart. : 0,900 kg

Gaine, vide : 0,800 kg

Gaine avec 4 magasins (96 cartouches) : 4,400 kg

Magasin blanc pour cartouches propulsives 44 pour fusil, vide : 0,230 kg

Magasin blanc pour cartouches propulsives 44 pour fusil, avec 6 cartouches : 0,325 kg

 

Munition de 7,5 mm

Vitesse initiale (Vo) : 750 m/s

Pression maximum des gaz : 3300 atm

 

Grenades 58 à fusil

Poids : 1,160 kg

Vitesse initiale (Vo) :  sans charge propulsive additionnelle : env. 35 m/s

avec charge propulsive additionnelle : env. 70 m/s

Portée maximum de tir en trajectoire courbe :

sans charge propulsive additionnelle : 125 m

avec charge propulsive additionnelle : 400 m

À propos Moret Jean-Charles

Fondateur de l'Association Pro Forteresse Co-fondateur de l'Association Fort Litroz